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L’évaluation sans note au sein d’un collège
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Par Laurent Bayssière, professeur de mathématiques au collège de la Queue-en-Brie, militant syndical se-unsa à l'Académie de Créteil.

 

Il y a quatre ans, deux classes du collège étaient évaluées sans note. L'année dernière, c'est tout le niveau de sixième qui a été évalué sans note. Depuis cette année, l'ensemble des élèves du collège ne reçoit plus de notes. Ils sont évalués par capacités et compétences, à l'aide de Sacoche. Il y a quatre niveaux d'acquisition : non acquis, en cours d'acquisition, satisfaisant, très bonne maîtrise. Pour être tout à fait franc, certains collègues continuent à mettre des notes aux élèves, mais elles n'apparaissent plus sur le bulletin trimestriel, puisque celui-ci est édité à partir des compétences et capacités évaluées sur Sacoche. Cette note est donc donnée aux élèves à titre informatif.

 

D'où la question sous-jacente : quel est le statut d'une évaluation ? Ou dit autrement : évaluer, à quoi ça sert ? Comme le dit très bien Daniel Favre sur le site de Stéphanie de Vanssay (https://ecolededemain.wordpress.com), l’évaluation doit être considérée (à mon avis pour les élèves, mais aussi pour les enseignants et les parents) comme une information intéressante permettant de repérer ce qui n’est pas acquis pour favoriser une remédiation suivie d’une amélioration pour l’élève. Il s’agit donc d’éliminer le statut « toxique Â» de l’erreur : pour que l’apprenant n’entende pas, en caricaturant un peu : « Tu ne sais pas faire. Tu n’es pas bon. Â»

 

Bien sûr, la suppression des notes n’entraîne pas automatiquement un changement de statut de l’erreur, et peut même se révéler sans effet si la communication (aux élèves, aux parents et entre collègues) et les remédiations proposées ne sont pas à la hauteur des enjeux. Mais il faut s’interroger : pourquoi en France, une évaluation de mathématiques engendre une situation de stress pour environ un élève sur deux ( contre un élève sur trois, voire un élève sur cinq dans d’autres pays) ? Quel professeur n’a jamais vu un élève cesser ses efforts pour progresser après avoir « essuyé Â» deux ou trois mauvaises notes consécutives dans une matière ? Et comme le signale Laurent Fillion (toujours sur le site de Stéphanie De Vanssay), les notes entraînent une comparaison des élèves entre eux, et des calculs de moyenne peu significatifs ; comme nous le rappelle Sensei Kase « L’important est de progresser, chacun à son rythme, par rapport à soi et non par rapport aux autres. Nous savons que rien n’est acquis définitivement et qu’il convient de ne jamais perdre ni humilité ni patience. Â» Ce qui s’applique en sport, en l’occurrence au karaté, n’est-il pas transposable à toute situation d’apprentissage ? Et imaginons un élève ayant 18 en maths, 8 en Eps et 10 en arts plastiques : y aurait-il quelqu’un pour m’éclairer sur la signification de la moyenne 12 de ces trois notes ?

 

Tout cela, il faut aussi l’avouer, ne se fait pas sans certaines résistances : tous ne sont pas convaincus de la nécessité de l’abandon de la note pour favoriser la progression de chaque élève ; aussi, il est nécessaire, à chaque fois qu’il y a interrogation de consulter avec la personne qui doute (élève, parent, collègue) le logiciel Sacoche et d’établir un bilan des compétences et capacités évalués pour identifier clairement les réussites et les points à travailler, et présenter des perspectives pour dans un premier temps reprendre ce qui n’est pas acquis (en classe durant ou en-dehors de l’AP, pendant des inter-cours,  lors de l’aide aux devoirs, à l’aide de tutoriels comme par exemple en maths les vidéos d’Yvan Monka …) et dans un deuxième temps réévaluer. Cette communication est nécessaire, non pas pour convaincre qui que ce soit d’abandonner les notes, mais pour dédramatiser une situation où la note est absente et montrer que l’élève est tout de même non seulement évalué, mais aussi épaulé dans la conscience de son niveau, la remédiation

et sa progression.

 

Pour terminer, deux mots qui font débat : « capacités Â» ou « compétences Â» ? Plutôt que s’arracher les cheveux et entamer des débats virulents et interminables, j’ai envie de répondre : Et si nous faisions confiance à l’enseignant ? N’est-il pas le mieux placer pour savoir comment doser les capacités et les compétences dans son référentiel d’évaluation ? A partir du moment où tout cela est très clair pour lui et qu’il est en mesure d’expliquer sa façon d’évaluer aux élèves et aux parents … Ayons simplement en tête qu’une liste de capacités, si elle n’est pas au service de compétences, n’est pas très utile, et que des compétences sans capacités sont d’infranchissables montagnes …

 

Il est bien sûr encore trop tôt pour faire un bilan en termes de résultats au sein de mon collège. Mais l’ensemble des professeurs note déjà des relations plus apaisées avec les élèves et les parents , et une relation de confiance, plus étoffée : l’enseignant n’est plus là pour donner une note sanction mais pour accompagner chaque élève sur la voie du progrès. Alors rendez-vous dans quelques mois pour un nouveau bilan de cette expérience, parsemée de doutes, mais si enthousiasmante !

 
 
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