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SE-UNSA AIX-MARSEILLE


 Par SE-UNSA AIX-MARSEILLE
 Le  dimanche 7 janvier 2018

Quelle place dans le système éducatif pour les agrégés ?

 

Lundi 18 décembre, lors de la rencontre avec M. Pierre Mathiot, président honoraire de Sciences Po Lille, chargé de mission par le gouvernement dans le cadre de la réforme du baccalauréat, nous avons pu échanger durant trois heures sur ce sujet brûlant. 

Cet entretien, très instructif et cordial, a permis aux participants, dont le SE-Unsa, de prendre connaissance de l’état de la réflexion de la “commission Mathiot” sur l’avenir du baccalauréat et de transmettre notre état d’esprit et nos remarques sur les perspectives actuelles envisagées par la commission. 

La visite de M. Mathiot dans notre académie fait partie des trois rencontres prévues par la commission avec différentes académies (Aix-Marseille puis Lille et Besançon). Ce temps fait suite à de nombreuses auditions préalables au niveau national (organisations syndicales, fédérations de parents d’élèves, associations disciplinaires d’enseignants, etc) avant la remise d’un rapport fin janvier au ministre. Cette visite est d’autant plus intéressante qu’elle survient alors que peu de déclarations officielles ne sont réalisées sur le sujet, bien des observations étant plus des conjectures issues des rencontres précédentes de la commission.

La réforme du baccalauréat et le sens qu’on prête à cet examen rejaillit de fait sur l’ensemble de l’organisation du lycée, que cette réforme vise à transformer en profondeur. Dans ce cadre, la question du corps des agrégés dans une logique de continuité accrue entre le second degré et le supérieur se pose spécifiquement : ce fut l’objet de l’une de nos interventions lors de cette rencontre.

A nos yeux, la réforme du baccalauréat est l’occasion de repenser pleinement le lycée dans un continuum second degré – supérieur, notamment à l’échelle “bac -3 bac +3” auquel notre syndicat est attaché. M. Mathiot a d’ailleurs insisté ici sur le sens général donné à la réforme à venir, annonçant que le lycée ne pouvait se penser seulement comme “la fin de l’histoire”, il doit mieux préparer à la suite, en construisant des étudiants qui doivent faire face seuls bien souvent à la prise de notes, l’assiduité, l’autonomie. Tout en brisant le creuset d’inégalités d’un baccalauréat fondé sur des filières, voilà le coeur de la philosophie du projet porté par M. Mathiot. 

Nous avons pu dans le cadre de ces échanges faire entendre notre voix, concernant notamment le corps des agrégés. En effet, repenser le lycée dans une vraie perspective “bac -3 bac +3” implique tout d’abord de construire cette continuité pédagogique en bâtissant une passerelle plus forte entre le second degré et le supérieur. C’est aussi, et les deux sont mêlés, établir des ponts professionnels entre ces deux échelles, et cela peut passer par des perspectives de carrière renouvelées. 

Dans ce contexte, nous avons notamment ciblé la question des agrégés, dont la vocation initiale est précisément d’être la courroie de transmission entre ces deux niveaux d’études liés, et qui s’ignorent encore trop souvent. Les agrégés volontaires pourraient avoir davantage de liens avec le supérieur, potentiellement en étant partiellement déchargés de leurs missions dans le second degré pour enseigner dans le supérieur, afin d’établir un dialogue professionnel quotidien plus approfondi qu’il ne l’est aujourd’hui. 

Notre syndicat a déjà défendu, dans le cadre de la réforme du collège, l’existence d’un cycle à cheval entre l’enseignement primaire et l’enseignement secondaire, associé à des moyens permettant de le mettre en oeuvre. Cette relation doit encore se parfaire, avec le temps, mais nous sommes convaincus que cette continuité pédagogique, rendue possible par une plus grande flexibilité des carrières, est un enjeu d’avenir pour permettre une éducation plus performante et plus adaptée à tous les élèves, répondant ainsi aux exigences mêmes de M. Mathiot, soit faire du lycée une réelle préparation à la “suite de l’histoire”.

Cette question pose alors la question d’une réelle refonte de l’enseignement supérieur, notamment du niveau licence et en particulier de la première année, où les taux d’échecs sont variables selon les disciplines, mais toujours alarmants sur le devenir de nos anciens bacheliers. Là survient l’une des difficultés manifestes de la réforme actuelle : la question de la réforme de la licence est posée par le gouvernement, mais elle est pour l’instant déconnectée de la feuille de route de la “commission Mathiot”, qui a pour rôle de s’interroger sur le devenir possible du baccalauréat général et technologique (le baccalauréat professionnel étant sur la table des négociations et des discussions par ailleurs), d’autant que le règlement assez rapide en ce début d’année scolaire de la question de l’orientation post-bac a rendu ce cadre de réflexion encore plus contraint. 

Pourtant, la première année de licence, envisagée dans ses refontes potentielles comme une réelle année de transition comme l’a rappelé M. le Recteur Beignier, suppose bien dans ce cadre une mise en commun des contenus pédagogiques entre le lycée et le supérieur. Ainsi, la commission Mathiot doit faire avec une position difficile : défendre un continuum second degré – université, l’un des mantra de M. Mathiot et auquel nous souscrivons pleinement, tout en actant par sa propre feuille de route dans le même temps la séparation factuelle entre les deux échelles d’enseignement, les réformes étant scindées dans leur réalisation et dans leur avancement pour l’instant. Ce paradoxe ne permet pas, pour le moment, de poser pleinement la question du “bac -3 bac +3” dans toutes ses perspectives potentielles pour les élèves comme pour les enseignants : il revient alors à notre organisation syndicale de défendre la pleine réalisation de cette continuité pédagogique et professionnelle au sein des parallèles réformes en cours.

Pour le SE-Unsa Aix-Marseille, Jean Renoux, agrégé d'histoire au lycée Joliot-Curie d'Aubagne