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SE-UNSA AIX-MARSEILLE


 Par SE-UNSA AIX-MARSEILLE
 Le  jeudi 31 août 2017

Marseille-Centre : à quand une réelle prise en compte des besoins en SEGPA ?

 

Vitrine en façade du renouveau de la ville de Marseille, le centre-ville et son front de mer masquent pourtant péniblement injustices et inégalités scolaires criantes. En tête des dossiers en souffrance, l’absence de dispositif SEGPA (Sections d’Enseignement Général et Professionnel Adapté) parmi les collèges centraux (Vieux-Port, Izzo, Quinet, Belle-de-Mai, Versailles), tous classés en REP+, ne supporte aucune justification pédagogique.

Le dispositif SEGPA permet d’intégrer par des mises en oeuvre adaptées des élèves en très grande difficulté scolaire repérés dès le CM2, bien souvent menacés par la déscolarisation et qui, par ce dispositif, peuvent consolider leur socle de compétence avec patience et bienveillance, dans le cadre d’une école pleinement inclusive.

Les SEGPA, nées en 1996, héritières des SES (Sections d’Education Spécialisées, créées en 1967), répondent à l’ambition d’une école pour tous, offrant un réel service public adapté aux élèves dans toute leur diversité. Ce dispositif, largement éprouvé sur le territoire national comme dans les quartiers marseillais périphériques, a déjà démontré sa pertinence et son efficacité. Aujourd’hui, selon les données du ministère, ce sont près de 100 000 élèves concernés, pour un taux de 2,9% d’élèves du secondaire en France scolarisés en SEGPA. L’académie d’Aix-Marseille s’inscrit dans la moyenne nationale. Dans ce cadre, l’absence de SEGPA sur Marseille-Centre demeure une énigme alors que les besoins sont établis et bien connus.

Une problématique connue de longue date par les acteurs du terrain

Tous les collèges du secteur partagent le même constat : les besoins insatisfaits d’un suivi SEGPA pour les élèves de Marseille-Centre conduisent à une inégalité de traitement manifeste. Le collège Izzo comme le collège Quinet ont fait remonter cette problématique depuis plusieurs années. Lors du Conseil d’Administration d’Edgar Quinet du 4 juillet 2017,  un bilan présenté par la Principale fait état de 7 élèves scolarisés dans l’établissement en dépit de dossiers SEGPA montés à leur sujet.

Au collège Vieux-Port, les parents d’élèves ont présenté une motion en faveur d’une SEGPA au cours de l’année scolaire 2016-2017. Pour les cinq collèges du secteur, une section SEGPA à raison de 16 élèves par niveau sur quatre ans (soit 64 élèves) serait remplie sans difficulté, au regard des besoins actuellement établis en cycle 2, renforcés par une pression démographique forte qui placent ces différents établissements sous tension, des élèves y étant même refusés à chaque rentrée.

Comme souvent, l’absence de réponse à un besoin réel produit l’effacement progressif de celui-ci, d’un point de vue statistique. Connaissant les faibles chances de réussite d’une inscription en SEGPA de leur enfant, d’autant qu’elle suppose de surcroît un éloignement géographique parfois plus difficile à supporter pour de jeunes enfants en échec et ayant besoin de cadres et de repères construits dès l’enseignement primaire, le point de vue des parents sur cet éloignement pousse les enseignants à ne plus bâtir de dossiers SEGPA. Une telle logique provoque de fait une sous-évaluation des besoins existants dans cette filière spécifique, bien connue des acteurs du terrain et bien commode pour les décideurs, permettant de renvoyer aux calendes grecques ce qui relève pourtant de l’urgence.

Un constat partagé par l'institution sans réponse concrète à ce jour

Ce sujet a déjà été abordé à plusieurs reprises ces derniers mois avec l’institution sans aboutir pourtant à de réelles avancées alors que le constat et l’importance de ce sujet sont reconnus. Lors de l’audience du SE-Unsa du 1er juin dernier en présence  de l’IA-DASEN M. Beck, le problème des SEGPA à Marseille-Centre a été soulevé et admis. M. Bouteille, IA-DASEN adjoint, a répondu que des initiatives avaient été menées, en travaillant notamment sur le transport scolaire d’élèves vers des SEGPA éloignées, sans résultat suffisamment probant.

Au cours de l’audience du collège Edgar Quinet du 8 juin 2017, le dossier de la SEGPA est une nouvelle fois revenu sur la table, en présence cette fois-ci de M. Dalmasso, IA-DASEN adjoint. De nouveau, si les besoins sont reconnus, une réponse réelle tarde, arguant du fait des besoins en locaux spécifiques provoqués par la création d’une SEGPA, étant donné que les niveaux 4e et 3e de cette section supposent des cours en ateliers par des professeurs de lycées professionnels. Une solution alternative permettant une scolarisation 6e-5e en SEGPA dans l’un des collèges du secteur, avant un changement de collège disposant des ateliers à la rentrée en 4e, a été  écartée (à juste titre) par M. Dalmasso, ne jugeant pas pertinent de demander aux familles un changement d’établissement en cours de scolarité.

Clairement, et les réactions des responsables académiques vont en ce sens, cette question ne peut se résoudre par des solutions bricolées ou temporaires. Seul un investissement réel dans des locaux adaptés et une véritable volonté d’ouvrir une section SEGPA répondant aux besoins des enfants de Marseille-Centre peut venir répondre à cette injustice manifeste.

Une négligence qui favorise une fois de plus l’enseignement privé

L’unique réponse possible est l’ouverture d’une section SEGPA de 4 divisions, supposant de fait la création d’ateliers. Dans cette optique, la création d’un collège dans le secteur serait une occasion à ne pas manquer sachant la difficulté d’une telle création dans les cinq collèges existants du secteur. Dans la lignée des interventions des établissements, le SE-Unsa a alerté le rectorat lors de son audience du 7 juillet 2017 sur cette exigence partagée par tous les acteurs locaux.

Communauté éducative, parents, élèves sont tous en attente depuis trop longtemps désormais d’une décision concrète en la matière. En l’état, les enfants concernés subissent une rupture évidente de continuité du service public, créatrice d’une inégalité supplémentaire, venant s’ajouter aux turpitudes quotidiennes de quartiers malheureusement connus pour leurs  difficultés sociales.

Ce sujet vient souligner à Marseille-Centre le recul d’un véritable service public, favorisant une nouvelle fois la captation par l’enseignement privé de missions relevant pourtant de l’action républicaine de l’éducation nationale, au nom de l’équité territoriale et de la solidarité. En effet, les seules SEGPA existantes dans le secteur sont proposées par deux établissements de l’enseignement privé (Saint-Charles Camas, Saint-Vincent-de-Paul). En laissant le champ libre, l’enseignement public délègue de fait l’une de ses missions : se résignant à l’impossibilité d’une inclusion scolaire adaptée et pertinente pour tous, l’enseignement public ne peut que renforcer le sentiment d’abandon de populations déjà concernées par l’exclusion sociale.

Puisque que tous les acteurs partagent le même diagnostic, l’absence de volonté politique dans ce dossier demeure pleinement une énigme. Tous, nous devons contribuer à un enseignement public de qualité, adapté à la diversité des élèves. Le SE-Unsa Aix-Marseille ne peut s’accomoder des atermoiements actuels comme du silence des décideurs politiques sur le sujet : l’inaction a ici trop duré. Nous nous mobiliserons fortement jusqu’à l’obtention, au cours de cette année scolaire, d’une réelle décision permettant l’ouverture pour Marseille-Centre d’une SEGPA dans le cadre de l’enseignement public.

Guillaume PELLÉ, responsable académique Éducation prioritaire du SE-Unsa Aix-Marseille

Jean RENOUX, responsable académique communication et agrégés du SE-Unsa Aix-Marseille