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SE-UNSA AIX-MARSEILLE


 Par SE-UNSA AIX-MARSEILLE
 Le  lundi 27 février 2017

Une étude absolument pas convaincante sur l’efficacité des RASED

 
Un document de travail de 16 pages concernant la recherche de l’IREDU sur l’efficacité des RASED est publié en ligne. Cette recherche, intitulée "Quels effets du passage en Rased sur le parcours scolaire des élèves ?" a été menée par Claire Bonnard, Jean-François Giret et Céline Sauvageot à partir d’un panel de la DEPP, une cohorte de 10 000 élèves entrés au CP en 1997, soit il y a 20 ans.
 
L’étude, présentée au colloque de l’ADMÉE fin janvier, conclut que le fait d’être suivi par le RASED en CP a un effet négatif sur le parcours scolaire des élèves.
 
À propos de l’étude
 
Les chercheurs utilisent trois outils pour constituer 4 groupes d’élèves (en grande difficulté, en difficulté, peu de difficulté et sans difficulté) : les scores aux épreuves d’évaluation des compétences à l’entrée de CP (mais le type d’épreuve n’est pas précisé), l’appréciation du comportement et des compétences sociales de l’élève de la part de son enseignant et le niveau de l’élève, du point de vue du langage, par rapport au niveau moyen de la classe (là encore aucune précision sur ce qui est utilisé concrètement).
Les chercheurs considèrent ensuite que les élèves de chaque groupe peuvent être comparés car présentant "des caractéristiques comparables". Ils déterminent donc à l’intérieur de chaque groupe le parcours et les performances des élèves ayant été pris en charge par les RASED au CP avec ceux qui ne l’ont pas été. Pour cela, ils retiennent deux critères : le redoublement du CP (ou l’orientation en classe spécialisée) et les scores aux évaluations nationales CE2.  
 
Ce qu’on y "apprend"
 
Les élèves suivis par le RASED en CP sont davantage issus des CSP défavorisées que des CSP favorisées et une part plus importante sont de nationalité étrangère et scolarisés en REP.
En effet, dès avant le CP, ces élèves sont ceux qui présentent le plus souvent des difficultés à l’école, ils ont donc davantage besoin de l’intervention du RASED, ce n’est ni nouveau ni étonnant !
 
3,9 % d'élèves sans difficulté (selon la méthode de l’IREDU) sont suivis par le RASED en CP, alors que 40 % des élèves en grande difficulté ne le sont pas.
L’incohérence de ce constat est pointée mais à aucun moment les chercheurs ne mettent en doute la pertinence de leur façon de constituer les 4 groupes. En effet, s’il n’est pas exclu qu’il puisse y avoir des incohérences dans les signalement faits au RASED, on peut aussi raisonnablement penser que le questionnaire utilisé pour l’étude ne permet pas de repérer ce qui différencie un élève en difficulté signalé au RASED de celui qui ne l’est pas. Un des critères importants est le fait que l’élève qui rencontre des difficultés soit réceptif ou non à la différenciation pédagogique et à l’aide apportée par son enseignant dans la classe.

Le fait d’avoir redoublé en maternelle accroît la probabilité d’intégrer le RASED.
Rien de surprenant à cela, étant donné la rareté des maintiens en maternelle et ceux-ci concernant des élèves en très grande difficulté, ils ont effectivement particulièrement besoin de l’aide du RASED.
 
Les élèves se situant en zone rurale ont significativement moins de chances d’aller en RASED.
Oui, il suffit juste de savoir que l’accès au RASED est beaucoup plus difficile en zone rurale pour expliquer ce phénomène.
 
"Les résultats pour l’ensemble des élèves indiquent clairement que le fait d’avoir bénéficié du RASED en CP accroît significativement la probabilité de redoubler l’année de CP ou de partir en classe spécialisée en CE1." (p. 9)
Cette corrélation est logique. Les élèves suivis par le RASED en CP sont les élèves les plus fragiles et donc les plus susceptibles de se voir proposer un redoublement. De plus, les consignes à l’époque étaient clairement de ne pas proposer le maintien pour un élève sans avoir d’abord tenté une prise en charge par le RASED. Attention à ne pas confondre corrélation et causalité ! C’est comme si on disait que le médecin rend malade car il y a beaucoup de gens malades qui ressortent de son cabinet.
 
Les résultats aux évaluations CE2 montrent que les élèves suivis en RASED ont significativement plus de difficultés en mathématiques que les autres (mais il n’y a pas de différences significatives en français).
Cela confirme, ce que l’on sait déjà, à savoir que les élèves en difficulté dans un domaine le sont très souvent aussi dans d’autres. En revanche, l’absence de différence en français pourrait indiquer que l’action du RASED a contribué à réduire les écarts entre les élèves suivis et les autres. Mais cette hypothèse n’est pas évoquée par les chercheurs.

Ce que les chercheurs semblent ignorer
 
Les missions des RASED
L’étude indique que les RASED prennent en charge "des difficultés d’apprentissage et de comportement des élèves" (p. 2). Les RASED prennent en charge les élèves rencontrant des difficultés scolaires pour lesquels la différenciation pédagogique de l’enseignant dans sa classe n’a pas d’effet. L’enfant est considéré par les enseignants spécialisés des RASED dans sa globalité et donc, si des difficultés de comportement l’empêchent d’apprendre, celles-ci seront prises en compte. Mais un enfant qui a des problèmes de comportement ne gênant pas ses apprentissages, ne relève pas de l'action du RASED. La confusion est regrettable de la part de chercheurs en sciences de l’éducation.
 
L’organisation des prises en charge
Les élèves pris en charge par le RASED sont des élèves qui ne profitent pas vraiment des apprentissages en classe, une attention toute particulière est portée au moment où l’élève est aidé et comment il est accompagné par le RASED. D’abord il peut tout à fait être aidé dans la classe avec une aide spécifique lui permettant de profiter au mieux de la séquence d’apprentissage. S’il est sorti de sa classe c’est pour travailler en petit groupe de façon adaptée et intensive, il "manque" donc un temps de classe pas ou peu efficace pour lui au profit d’un moment en petit groupe adapté à ses besoins. Bien évidemment on évite au maximum que les sorties de la classe se fassent sur des temps d’apprentissages fondamentaux sans lien avec la prise en charge. Cela fait tomber la conclusion hâtive des chercheurs selon laquelle l’aide du RASED provoquerait des difficultés en mathématiques car l’élève manquerait des séances de mathématiques. Il est d’ailleurs bien précisé dans l’étude qu’ils n’ont aucun élément sur le type de prise en charge, sa durée, son moment…
 
À propos de l’étiquetage
Ensuite nous avons le fameux effet "étiquetage stigmatisant" de la prise en charge RASED avancée comme explication de la plus grande difficulté des élèves suivis par rapport aux autres. Quand un élève sort de la classe pour un travail au calme, adapté à ses besoins et en petit groupe, il est dans l’immense majorité des cas content et soulagé que l’on s’occupe de lui. Le travail proposé par le RASED, exigeant mais adapté à ses difficultés, contribue le plus souvent à restaurer une image de soi mise à mal, à prendre confiance, à être valorisé dans ses efforts et ses réussites. Cet "étiquetage stigmatisant" est très présent dans les a priori des adultes qui méconnaissent le contexte de travail des RASED, mais il est absent sur le terrain.
 
Les questions que pose l’étude
 
Cette étude porte sur les RASED d’il y a 20 ans, 7 ans après leur création et avant qu’ils ne soient décimés par le gouvernement de Nicolas Sarkozy. Elle indique en préambule les conclusions de l’analyse proposée par Mingat en 1991 portant sur les GAPP, dispositif ayant précédé les RASED et les reprend à son propre compte. Elle s’appuie sur une évaluation de début de CP dont on ne sait rien, un questionnaire rempli par les enseignants non présent dans les annexes et le redoublement, une pratique qui a été supprimée depuis. On peut vraiment se demander, outre les défauts flagrants pointés plus haut, ce que peut dans ces conditions apporter cette étude de toute façon obsolète et ne disant rien des RASED d’aujourd’hui !

La pertinence de sortir cette étude maintenant, malgré sa piètre qualité, et avec des propositions aussi caricaturales pose question. Ce qui est certain, c’est qu’elle pourra être utilisée pour justifier une éventuelle suppression d’un dispositif déjà agonisant, le seul qui reste au service des élèves fragiles, gratuit pour les parents, assuré pendant le temps scolaire de l’enfant.
 
En conclusion
Cette étude, faite à partir de données dépassées recueillies dans un contexte qui n’a plus rien à voir avec celui actuel ne montre rien de probant. Tout au plus elle fait des constats, non expliqués en utilisant des outils dont on ne sait pas s’ils sont pertinents. Cela n’est vraiment pas à la hauteur des enjeux d’une école inclusive !
Suite à la publication des éléments de cette étude, nous allons pouvoir constater qui va défendre, ou non, la nécessité de prendre en compte les élèves en difficulté dans les classes. On ne peut considérer que tout doit se gérer dans la classe sans aide ou que chaque difficulté scolaire doit être transformée en problème médical ou en handicap devant être pris en charge en dehors de l’école. L’inclusion effective et profitable de TOUS les élèves ne se fera pas sans l’aide de professionnels spécialisés à même d’accompagner ces élèves et leurs collègues !
 
Pour lire une autre étude tout à fait intéressante, menée de façon sérieuse qui, elle, conclut que l’action des RASED peut se révéler très efficace, nous vous renvoyons ici.