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SE-UNSA AIX-MARSEILLE


 Par SE-UNSA AIX-MARSEILLE
 Le  mardi 14 février 2017

GFEN, atelier reconstitution de texte.

 

GFEN : Mouvement de recherche et de formation en éducation, agrée par les ministères de la Jeunesse et des Sports, et de l'Education nationale

 

travail-collaboratif

Ce travail consiste en un effort considérable de recherche qui va permettre l’accouchement d’un texte produit par un autre (l’auteur), sa re-création en quelque sorte. Il s’agit ici de s’approprier des formes et des niveaux de langage produits par des auteurs qui se sont exprimés avec une maîtrise reconnue par beaucoup. Il faut résoudre ce problème particulier, mais il en est ainsi pour tout l’enseignement général, la contradiction apparemment insurmontable entre le fait d’une part qu’il y a des savoirs qu’il est indispensable de faires siens, et d’autre part notre projet permanent d’éducateurs que ces savoirs, puisqu’ils ne valent rien quand on les « donne », il faut donc absolument que les élèves se les inventent. Mais comment inventer pour de bon ce qui existe déjà quelque part ?

La séance se déroule en 4 parties :

  • première lecture
  • mots ou phrases dont on se souvient
  • deuxième lecture
  • dictée des élèves à l’adulte qui écrit au tableau seulement lorsque les phrases sont les mêmes que l’écrit initial. Phase pendant laquelle, beaucoup de compétences sont travaillées : reformulation, travail autour du sens, du vocabulaire, écoute des autres, logique narrative, comprendre dans quel type d’écrit on se trouve, mémoire (sur le sens), cheminement et cohérence de l’auteur.

Le but est de transformer des liseurs-écouteurs en acteurs. Non pas des élèves qui dissertent mais qui agissent. Qu’ils soient mis dans la situation de l’écrivain, qui a chaque instant doit choisir, ce mot-là et pas un autre, à cette place et pas à une autre. Et pas seulement le mot mais la tournure, mais l’idée ou l’image, et le morceau et le passage, tous les éléments et tous les étages, dans la dynamique sensible de l’ensemble ! Une approche intériorisée, dans un va-et-vient constant entre les élèves, entre les élèves et le maître, entre les choix bruts proposés et la réalité incontournable du texte même. En somme, une anti-explication de texte – mais on pourrait dire aussi bien une vraie explication de texte. Vraie, parce que produit d’une recherche créatrice. D’une recherche obstinée, à la fois intuitive et raisonnée. Bref, non plus explication, mais création. La clé de la réussite étant l’exigence sans merci de tous -et du maître en premier lieu- pour une pertinence totale, c’est à dire précisément la reconstitution.

Une recherche dans la mémoire

Alors, élimination de la mémoire ? Bien sûr, sinon il n’y aurait pas reconstitution mais mémorisation. C’est pourquoi le texte de l’auteur ne restera pas au tableau pendant le travail de reconstitution orale, et même on n’y fixera pas le schéma de sa structure, ni le tracé ramifié de son architecture. Et pourtant, il est évident que la mémoire ne peut être totalement éliminée, sinon il n’y aurait pas du tout de reconstitution. Il faut lire le texte sans le montrer, juste le temps de connaître l’histoire, d’être sensible à son climat, à sa signification, avec des mots et des phrases que sans doute on n’a pas pu mémoriser mais que la recherche de reconstitution fera ressurgir, comme émergeant des eaux trompeuses d’un oubli provisoire. C’est un travail difficile, mais exaltant quand il a été réussi une fois, parce que désormais les élèves savent que le jeu en vaut la chandelle.

Au fur et à mesure que le texte est effectivement correctement reconstruit, l’enseignant écrit au tableau. Seul, c’est impossible mais lorsque l’on cherche tous ensemble, et avec l’enseignant, alors tout devient possible.

Un bon fonctionnement souligne l’importance d’une conduite de reconstruction conçue comme processus conquérant du groupe, dont il faut veiller à ne pas casser la dynamique. Prendre garde que la racine sur le sentier à laquelle bute le coureur ne puisse désarticuler son pas -et que la rigueur constante ne dégénère pas en pointillisme mortelle. D’où il ne faudrait pas conclure que la règle est de donner un mot quand on ne le trouve pas. Il ne peut s’agir au contraire que d’exceptions. Certains ne donnent jamais de mot : dans la réécriture au pas-à-pas sur le tableau, quand ils voient que le temps de butée, trop long, risquerait de casser la dynamique d’ensemble, ils laissent un espace vide dans la réécriture, et on continue. Souvent, le mot surgit par la suite en cours de route : car des éléments sensibles d’écriture, images ou expressions ou idées-fortes, se révèlent, qui peuvent permettre de nouvelles mises en relation pour ces chercheurs à l’affût. Et si le mot ne surgit pas, on attendra la fin de la reconstitution orale pour le donner – et la discussion sur ce loupé sera propice à l’appropriation.

Quels textes choisir

Sans aucun doute, des formes sont plus favorables que d’autres à la reconstruction. Le récit, bien sûr, la narration d’une histoire qui se développe dans la durée. Il est évident que la trame de la suite temporelle constituera comme un canevas facilitateur : la logique ici est le chronologique. Et même quand il y a rupture temporelle dans la suite du récit, il n’y a pas de rupture logique : c’est elle qui va permettre de mieux cerner les temps différents et relatifs des verbes, et l’importance parfois décisifs des petits mots d’articulation dans l’architecture du texte. La description est également une forme à privilégier : la logique du temps y est remplacée par celle de l’espace. Mais en définitive, à travers temps et espace, c’est la logique sensible de l’auteur qu’il s’agit de retrouver. Et c’est la logique sensible de l’élève qu’on aide ce dernier à se construire. Quant à la poésie, elle est le domaine royal où rythme, rimes ou assonances, musique et mesure, se dégagent dans la reconstitution comme autant de points d’appui pour une « logique » superposée d’une autre espèce. Et s’il est vrai que le poème « régulier » s’y prête manifestement, il est clair que ce travail donc une traduction qui élimine forcément les beautés spécifiques de la langue d’origine, met du même coup en évidence qu’il n’y a jamais de poésie sans musique, jamais de poésie sans ce jeu de miroirs à l’infini pour l’oreille comme pour les yeux.

D’une manière générale, choisir toujours quelque chose de difficile. Pas tellement difficile qu’on y patauge, qu’on s’y décourage et qu’on échoue. Mais assez difficile pour avoir à vaincre quelque chose, et donc à se vaincre soi-même. Une course d’obstacles suppose des obstacles. Avec la première excitation quand on en saute -et les passages à vide qu’il ne faut surtout pas économiser si l’on veut qu’ils soient insupportables, assez insupportables pour que le nouveau saut réussi devienne bonheur, et bonheur assez vif pour que l’impatience du prochain passage à vide se colore désormais de patience laborieuse. En un mot, la pratique sportive de la barre : si elle est toujours à portée immédiate, comment jamais la dépasser ? Avoir assez confiance dans les potentialités des enfants, pour faire en sorte qu’ils se bousculent.

Cet exercice correspond bien au programme de maternelle : on fait ensemble, on ne peut pas s’en sortir seul. Il faudra que l’exercice dure 20 à 30 minutes. On peut le faire une fois par période, au début ou à la fin. On peut aussi choisir un point de grammaire ou de vocabulaire et en faire plus souvent.

Extrait du cahier de vie d’une classe maternelle de petits-grands à destination des élèves et de leurs parents :

« Pour faire travailler les élèves sur le poème, j’ai utilisé une démarche qui s’appelle la reconstruction de texte.

J’annonce aux élèves qu’ils vont écouter le poème que je vais leur lire puis ils débattront sur ce qu’ils comprennent du texte. Ensuite je leur lis le poème une deuxième fois et après un nouveau débat, les élèves vont me dicter le texte, mot pour mot, pour que je l’écrive au tableau.

Je leur dis que c’est un exercice très difficile qu’ils ne pourraient pas réussir seul. Mais qu’ils vont le réussir car ils vont travailler tous ensemble. Avec les idées de tous les élèves de la classe, ils vont pouvoir me dicter le texte exactement comme il a été écrit.

Ils ont réussi. Je leur ai donné deux mots qu’ils ne trouvaient pas : « mais » et « alors ». Deux mots que je leur ai demandé d’utiliser lorsqu’ils devaient améliorer les récits qu’ils me dictaient des films vus au cinéma.

Nous avions travaillé de la même façon sur un autre texte au mois d’octobre, mais quelques élèves n’avaient pas parlé. Cette fois-ci, tous les élèves ont participé à plusieurs reprises, ils étaient très fatigués à la fin mais aussi très fiers d’avoir réussi. »

Ce type de travail permet de décrocher des victoires. De ces victoires qui finissent par tuer l’échec.

Retrouvez un autre exemple de cette même démarche ici.

Bibliographie : Henri Bassis (GFEN) « Je cherche, donc j’apprends ! »

Lien vers l’exemple de la DEGESCO : http://cache.media.eduscol.education.fr/file/Francais/61/1/2_RA_C3_Fr-Oral-Discipl-restitut-texte_DM_573611.pdf