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Trois enseignants du lycĂ©e Joliot-Curie d’Aubagne face Ă  la rĂ©forme du bac (article du cafĂ© pĂ©dagogique)
Article publié le jeudi 22 mars 2018.
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Ci-dessous est reproduit un article paru sur le CafĂ© PĂ©dagogique le 22 mars 2018, donnant la parole Ă  trois enseignants du lycĂ©e Joliot-Curie d'Aubagne, dont un responsable du SE-Unsa Aix-Marseille, tous inquiets face Ă  la rĂ©forme du bac du gouverment. Vous pouvez retrouver l'article originel en cliquant sur ce lien. 


Le nouveau Bac inquiète mais, au-delà de l’organisation du contrôle continu et des épreuves ponctuelles, c’est la réorganisation du lycée dans son ensemble qui pose question à de nombreux enseignants. Alors que plusieurs pétitions ont déjà vu le jour, au Lycée Joliot Curie d'Aubagne (13), un établissement général et technologique, trois enseignants, issus de disciplines différentes, partagent leurs craintes et leurs propositions. Frédérique Perrier enseigne l'éco-gestion en série STMG, une voie technologique qui apparaît comme l’une des grandes oubliées de la réforme. Hélène Caracachian est enseignante de sciences physiques, l’une des disciplines de sciences expérimentales dont l’avenir s’inscrit en pointillés avec le projet actuel de réforme, notamment par le passage de trois à deux spécialités entre la première et la future terminale. Enfin, Jean Renoux est professeur d’Histoire-Géographie, une discipline a priori préservée, mais directement concernée par un parcours évaluatif alourdi, étant matière de tronc commun et enseignement de spécialité. Il est aussi responsable académique du Se Unsa.

 

Êtes-vous favorable à une réforme du bac ? Pourquoi ?

 

FrĂ©dĂ©rique Perrier : Oui comme une majoritĂ© d’élèves selon la consultation menĂ©e par le ministère de l’Éducation Nationale,  je suis favorable Ă  une rĂ©forme du baccalaurĂ©at. M. Macron avait pris comme engagement de campagne de « restaurer sa crĂ©dibilitĂ© en en faisant une Ă©tape dĂ©terminante de la rĂ©ussite des Ă©lèves dans le supĂ©rieur. » Je ne peux que partager cette prĂ©occupation lĂ©gitime. 

 

Jean Renoux : Le baccalaurĂ©at actuel est devenu un objet de patrimoine, devenu presque un mythe vivant dans l’opinion publique, garant de savoirs et d’accès aux Ă©tudes au nom d’une Ă©galitĂ© rĂ©publicaine parfois fantasmĂ©e. La rĂ©alitĂ©, c’est un carcan pĂ©dagogique, plus favorable aux catĂ©gories sociales favorisĂ©es, sans garantie de rĂ©ussite dans le supĂ©rieur ! 

 

Hélène Caracachian : Beaucoup d’élèves ont le bac sans pour autant avoir les connaissances et les acquis dont ils auront besoin pour la suite. Certains élèves choisissent une filière et obtiennent leur bac en se méprenant sur la suite, le bac n’a aucune signification. Passage obligatoire, sans réelle validation d’un niveau précis, il est une étape symbolique qui mène trop d’étudiants vers le décrochage dans le supérieur.

 

FrĂ©dĂ©rique Perrier : Pour parler surtout de ce que je connais, je trouve que l’enjeu aujourd’hui pour un Ă©lève en STMG n’est pas le baccalaurĂ©at mais plutĂ´t la satisfaction de ses voeux d’orientation formulĂ©s sur Parcours Sup. Bien souvent, les filières très sĂ©lectives en BTS ou IUT peuvent se fermer sous les yeux des bacheliers STMG. C’est cela qui doit changer quitte Ă  le rendre moins accessible et mieux orienter les Ă©lèves, afin de ne pas les condamner Ă  cet Ă©chec souvent insurmontable, malgrĂ© un bac en poche. 

 

Jean Renoux : En ce sens, le bac a en effet besoin d’une profonde remise en cause, à la fois en général et technologique ; mais son importance patrimoniale impose également autre chose qu’une réforme pour la réforme, bâclée, construite selon la seule injonction présidentielle, et uniquement valable pour les élèves de filières générales.

 

Quels sont pour vous les impacts sur votre discipline du projet actuel ?

 

FrĂ©dĂ©rique Perrier : NĂ©gatifs puisque la voie technologique est justement ignorĂ©e par la rĂ©forme malgrĂ© les prĂ©conisations du rapport Mathiot et avant lui, du rapport conjoint de l’IGEN et de l’IGAENR de novembre 2016.  Ă€ cĂ´tĂ© d’une voie gĂ©nĂ©rale modernisĂ©e et unifiĂ©e, d’une voie professionnelle revalorisĂ©e, quel est alors le devenir de la voie technologique ? C’est une question cruciale pour nous, enseignants d’économie-gestion face Ă  des conditions de travail rendues de plus en plus difficiles par le dĂ©litement progressif de notre sĂ©rie.

 

Hélène Caracachian : Actuellement, le niveau des élèves baisse du fait de l’allègement des programmes, conséquence d’une diminution drastique des horaires, dans lesquels les contenus mathématiques ont été considérablement réduits : or, en dépit des effets d’annonce du rapport Villani, le devenir des sciences ne semble pas assuré par la réforme, au contraire ! Les élèves ayant un profil scientifique peuvent, par cette réforme, ne plus faire de sciences physiques à partir de la première. Ce qui paraît aberrant au vu du nombre d’écoles d’ingénieurs, de BTS ou d’IUT où des connaissances solides en sciences physiques s’imposent : faire médecine sans la chimie, s’engager vers l’aéronautique ou la mécanique sans la physique sont des perspectives inquiétantes.

 

Jean Renoux : L’histoire-géographie a l’avantage d’avoir une certaine audience dans l’opinion publique et un rôle politique qui rendent prudents les responsables publics à son sujet. Les horaires prévus en histoire marquent un retour vers une culture commune à tous les élèves après la tentative de retrait en filière scientifique à l’époque de Nicolas Sarkozy. En revanche, la réforme semble renforcer la tendance actuelle concernant les contenus au regard du titre du futur enseignement de spécialité : une histoire du temps présent, complétée par une géographie d’appoint, plutôt journalistique. C’est une vision réductrice, peu apte à préparer au supérieur.

 

De quelle proposition alternative souhaiteriez-vous nous faire part ? Quel serait son intérêt pour les enseignants et les élèves ?

 

Jean Renoux : Le nœud du problème du projet actuel, c’est l’évaluation. Le bricolage proposé, c’est une surcharge d’épreuves par des partiels lourds, qui enserrent toute innovation pédagogique dans un calendrier resserré de 15 mois, et confrontant les élèves plus fragiles à une évaluation perpétuelle leur laissant peu de temps de préparation. Pour y répondre, sur la base du projet actuel et sans toucher aux équilibres de notation, je suis favorable à inverser les temps d’évaluations entre spécialité et tronc commun. Cela signifie évaluer uniquement les spécialités en partiels : ces disciplines, choisies par l’élève, sont moins nombreuses et fragilisent moins l’élève moins bien préparé. Aussi, le dernier partiel de classe de maturité n’est pas le dernier horizon : il reste alors 6 mois pour préparer correctement le grand oral et un temps pédagogique pour bien préparer les élèves au supérieur, de manière adaptée en fonction des profils. Le tronc commun (histoire, langues vivantes, humanités scientifiques) serait lui évalué uniquement en épreuves terminales, sans toucher au français et à la philosophie. Dans ce cadre, l’élève le plus fragile conserve donc deux ans de préparation à des épreuves qu’il n’a pas choisies, réduisant un “risque évaluatif” inégalitaire. Cette proposition a l’avantage d’être simple et efficace, ouvrant plus de voies pédagogiques que le projet actuel.

 

HĂ©lène Caracachian : En terminale, des triplettes devraient ĂŞtre imposĂ©es, comme en première : l’équilibre entre les diffĂ©rentes disciplines scientifiques doit ĂŞtre maintenu car elles fonctionnent ensemble, avec des mathĂ©matiques centrales car elles sont l’outil indispensable des sciences expĂ©rimentales. Aussi, il faut s’assurer d’un bagage scientifique suffisant pour la poursuite d’études. Il est donc indispensable de revoir le contenu pĂ©dagogique des programmes en gardant les rĂ©solutions de problèmes qui dĂ©veloppent leur rĂ©flexion et leur autonomie mais en rĂ©introduisant de nombreuses notions faisant appel Ă  des outils mathĂ©matiques plus poussĂ©s. 

 

FrĂ©dĂ©rique Perrier : Pour ma part, il me semble important de dĂ©passer l’étanchĂ©itĂ© des deux voies et revaloriser la filière technologique en couplant par exemple des enseignements technologiques et des enseignements gĂ©nĂ©raux. La filière STMG est dĂ©jĂ  perçue depuis trop longtemps comme une voie de relĂ©gation par l’enseignement gĂ©nĂ©ral ! Il est temps de mettre fin Ă  la hiĂ©rarchie des filières et stopper ces anticipations nĂ©gatives auto-rĂ©alisatrices. La filière technologique reprĂ©sente une voie de rĂ©ussite pour beaucoup d’élèves et mĂŞme ambiteuse par le biais des classes prĂ©paratoires. Pour cela, il faut que les Ă©lèves qui poursuivent dans cette voie ne soient pas des « faux profils », orientĂ©s par dĂ©faut, mais des Ă©lèves conscients de leurs difficultĂ©s et des chances qu’ils ont de pouvoir les dĂ©passer. 

 

Hélène Caracachian : Dans cet esprit, si le bac général scientifique doit valider le niveau requis pour suivre des études scientifiques longues dans le supérieur, le bac technologique scientifique doit permettre d’atteindre le niveau requis afin suivre des études plus courtes comme les BTS ou les IUT où plus de places doivent être créées et en nombre suffisant pour accueillir un plus grand nombre de lycéens issus de filières technologiques. Cela implique un gros travail d’orientation durant la seconde afin que les élèves sachent vers quel secteur se diriger par la suite, en étant conscients des enjeux que cela implique.

 

Frédérique Perrier : Par ailleurs, je partage ainsi la proposition émise par la présidente de la conférence des doyens de faculté de droit, Sandrine Clavel ; la réforme devrait être l’occasion d’engager une réflexion sur l'enseignement du droit au lycée, pour l’instant limité aux terminales L. Il s’agit d’un enjeu capital dans la formation du citoyen, complémentaire des SES et de l’Histoire : éduquer au droit ne se limite pas seulement à la découverte des droits des individus, mais permet aussi de sensibiliser l’individu à ses devoirs. Voilà un vrai projet républicain à la hauteur des enjeux de notre époque : dans sa hâte contrainte par le calendrier politique, la réforme semble n’être pour l’instant qu’un rendez-vous manqué.

 

Propos recueillis par Aurélie Badard

PubliĂ©s sur le CafĂ© PĂ©dagogique, par F. Jarraud, le 22 mars 2018.

 

 

 

 

 
 
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