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COVID-19 : interview de notre collègue Luc, enseignant Ă  PĂ©kin
Article publié le vendredi 27 mars 2020.
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1/ Comment s'est déroulée la fermeture de l’établissement?

Nous étions à l’aube des congés du nouvel an chinois, jeudi 24 janvier 2020. Les autorités chinoises ont signalé au poste diplomatique qu’une situation sanitaire problématique arrivait.

Dès le vendredi 25 janvier, la cellule de crise était mise en place au lycée car la province du Hubei et Wuhan venaient d’être isolées du reste du monde.A partir de ce moment là, nous avons su qu’il n’y aurait pas de reprise des cours le mercredi 29 janvier. Dès le lundi 27 janvier 2020, sur notre temps de vacances, tous les collègues habitués et rompus aux outils numériques ont été sollicités pour mettre en place l’enseignement en ligne uniformisé. Il fallait aller vite pour rassurer les élèves et les parents sur le plan scolaire. Cela a été rendu possible grâce à la disponibilité de tous et à une politique d’établissement déjà très orientée sur les expérimentations numériques en cours.

 

2/ Étais-tu déjà habitué au télétravail (ex: classe inversée, ...) ?

Oui, nous avons la chance d’avoir des collègues référents sur les classes inversées, sur des outils numériques déployés au sein de l’établissement via Microsoft Office 365, une expérimentation 100% numérique en EIST (Sciences) en 6e et livres numériques en Mathématiques. Je suis l’un de ces professeurs, j’ai passé autant de temps à essayer d’aider mes collègues à mettre leurs outils en place que d’accompagner mes élèves à avoir une hygiène de travail organisé. Il est très compliqué d’installer un enseignement à distance… à distance, sans habitudes ancrées ou/et travaillées. Il faut noter que la bonne volonté de chacun est alors mise à contribution, quelque peu violemment.

 

3/ Comment cette continuité pédagogique par le biais du travail en distanciel a-t-elle fait évoluer tes pratiques pédagogiques mais aussi tes relations avec les élèves, les parents ou même tes collègues?

Avant de parler du : “Comment” cette continuité pédagogique, par le biais du travail en distanciel, a fait évoluer ma pratique, et donc celles de mes élèves, il faut préciser que la fracture numérique existe toujours, même en lycée international.

J’ai passé un temps incalculable à essayer d’aider les élèves à se connecter aux outils éclectiques fournis par le lycée avec leurs matériels informatiques, très hétéroclites. Beaucoup semble avoir abandonné à cause de ses difficultés. Vraiment dommage.

Mais, pour ceux qui ont réussi à dépasser ces barrières matérielles, grâce aux concours des parents, les élèves doivent s’adapter à mes outils, à mes canaux de communication. Et ils doivent faire de même avec mes collègues.

Une enquête interne a démontré que les élèves étaient perdus, fatigués beaucoup plus vite après 4 semaines d’enseignement en ligne. Pourquoi ? Comme chaque collègue, j’utilise mes outils en fonction de mon agilité numérique.

Donc la question la plus importante qui a émergé après 4 semaines à essayer d’assurer cette continuité pédagogique est : une pratique numérique uniformisée contre ma liberté pédagogique. En tant que professeur principal d’une classe de troisième, j’ai dénombré plusieurs canaux de communication et de travail au sein de l’équipe pédagogique, basés sur des initiatives personnelles, et donc pas forcément coordonnés :

  • Pronote, essentiel pour le suivi pĂ©dagogique. Un module QCM existe, un lien SSO possible avec des services Cloud comme OneDrive. Au top, mais une rigiditĂ© des outils limitent l’agilitĂ© numĂ©rique.
  • Le courriel : classique mais tellement pĂ©nible pour un suivi quotidien sans structuration possible.
  • Bloc-notes OneNote : une brique de Teams qui peut fonctionner tout seul, mais les fonctionnalisĂ©s d’échanges en direct sont dans Teams… Autant passer par Teams.
  • Notre ENT, Microsoft Teams : au top mais demande une vraie agilitĂ© et volontĂ© numĂ©rique.
  • Les sites personnels (avec forum ou blog intĂ©grĂ©) et trop souvent confidentiels mĂŞme pour les collègues d’une mĂŞme classe : au top mais cela reste pour les « geeks ». Structuration institutionnelle impossible car pas adaptĂ© Ă  la massification,
  • Les messageries instantanĂ©es comme WeChat (le WhatsApp chinois). Jolie distorsion d’un outil tout sauf Ă©ducatif. ImpossibilitĂ© de partager des documents en masse et garder une trace des modifications. ImpossibilitĂ© d’enregistrer quoi que ce soit
  • WeTransfer
  • VidĂ©os capsules : cours en ligne que le professeur poste sur le canal de son choix : WeChat, WeTransfer, Cloud (partage OneDrive), Stream via Teams.

Cela vous donne aussi le tournis ? Voilà, mes élèves doivent apprendre, sans aide ou accompagnement en présentiel, à manipuler tous ces outils… avant d’accéder aux contenus pédagogiques de nos activités. Mon message éducatif, les objectifs par compétence ont été perdus au milieu de ce maelström numérique.

Je pense qu’il sera raisonnable de réduire le nombre d’outils en rendant obligatoire l’utilisation de certains outils, cela sous-entend de s’asseoir sur la liberté pédagogique de chacun pour le bien éducatif de nos élèves. Il faudrait aussi que l’AEFE ait une vraie vision stratégique numérique tout en continuant à garantir l’autonomie pédagogique de notre établissement.

De plus, je me rends compte qu’il faut apprendre à travailler autrement, car sans une interactivité avec nos élèves, on perd le lien beaucoup plus rapidement. Dernier point, surprenant d’ailleurs, ce contexte a renforcé les extrêmes : soit les liens entre les parents et la Direction du lycée ont été renforcés autour et grâce au travail de tous les instants mené par les collègues en faveur des élèves, soit cela l’a complètement distendu.

 
 
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