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SE-UNSA 976


 Par SE-UNSA 976

La vie d’un lycéen à Mayotte...

 

Bus Mayotte

            L'île de Mayotte est relativement petite 70 km du Nord au sud et à peine 25 km dans sa largeur, donc les 6 lycées se partagent les formations et certaines de ces formations n'existent que dans un seul lycée dans l'île. C'est le cas pour la Mécanique (CAP et BAC Pro), toutes les filières se trouvent à Kahani, il en va de même pour le BAC S (option Sciences de l'Ingénieur) la seule section est dans ce même lycée. Ce qui fait que le lycée accueille des élèves de toute l'île.

            Donc pour suivre sa scolarité le lycéen se lève généralement avant le Muezzin qui normalement donne le réveil dans l'île, en appelant à la 1ère prière du matin entre 4h30 et 5h suivant les mosquées et les villages.

            Donc notre lycéen appelons le, Abou, va se lever avant ce lever collectif puisqu'à 4h30 il est déjà dans un car scolaire. Mayotte manque de bus donc chaque bus fait plusieurs rotations en collèges et plusieurs rotations en lycée matin et soir. Après une heure de trajet en moyenne, puisque parfois il existe des correspondances devant certains grands lycées qui dès 5h du matin ressemblent au trafic de la gare de Lyon un jour de grand départ. Donc environ 3500 élèves gravitent sur chaque point de changement entre 5h et 7h.

            Abou, alors qu'il est déjà arrivé depuis 5h15 devant son lycée, devra attendre 6h30, l'ouverture des portes du lycée. Comme il n'a pas eu le temps de manger le matin, en raison de ce lever précoce, mais aussi que son estomac n'aime pas les virages qui longent la jolie forêt tropicale de Mayotte. Donc s'il a réussi à gagner ou trouver quelques euros chez lui, il pourra manger des « Goula-goula » ou une assiette de riz avec des brochettes de zébu s'il a quelques moyens, les plus fortunés opteront pour le petit pain à la boulangerie de Kahani. Les moins fortunés resteront à jeun depuis la veille au soir, jusqu'à l'ouverture du restaurant scolaire pour le repas de midi (entre 10h30 et 13h).

            Entre temps les cours qui n'ont commencés qu'à 6h55, se déroulent avec quelques bâillements, voire quelques endormissements car à 12h, cela fait déjà presque 8h qu'Abou est debout. Les profs râlent parfois et envoie Abou se réveiller à la vie scolaire.

            Mais la journée n'en est qu'à la moitié. Il se peut que plusieurs jours dans la semaine ses cours se terminent à 17h10 et le bus repartira vers 17h20. Le temps de prendre le trajet inverse jusqu'en Petite terre  (Bus + Bateau), ou vers la pointe sud de Kani-Kéli, il peut passer encore 1h30 dans les transports. Ce qui fait une arrivée à la maison, ou dans son Banga, sans électricité vers 18h45, ou il fait déjà bien nuit. Si sa maman, (c'est souvent ainsi, car les papas ne vivent pas souvent dans le même foyer) lui a déjà préparé une assiette de riz, il l'a mangera et ira très vite faire quelques leçons, en revanche s'il vit seul dans son Banga, il devra se débrouiller pour trouver quelque chose à manger ou pas. Certains élèves n'ont que le repas de midi pour tout repas dans la journée, prit en charge par le Fond Social Restauration du Lycée en raison de la précarité de leur situation où ils sont seuls sur le territoire, sans bourse, sans revenus.... ce n'est pas la majorité mais cette précarité existe bel et bien.

            Donc une journée scolaire qui peut dans ses plus grandes largeurs aller de 4h30 à 18h30 soit 14h à 15h par jour consacrées aux cours et aux déplacements, il est vrai qu'Abou ne fait pas toujours le travail demandé à la maison, n'a pas toujours des résultats à la hauteur des attentes de ses professeurs, et parfois s'endort comme un sonneur sur son pupitre....On peut le punir, le coller, ou mieux lui conseiller de faire ses devoirs avant de quitter le lycée puisqu'il y a tout ici ordinateurs, électricité, table de travail, climatisation même, mais on ne fera qu'alourdir sa journée scolaire déjà bien trop longue...

            C'est la journée scolaire d'un jeune Maorais, qui de plus, doit faire ses études dans une langue seconde pour lui, puisque sa langue maternelle est soit le Shibushi (variante du Malgache), soit le Shimaorais (Mayotte) ou ses variantes des îles voisines, Shizuani (Anjouan) ou Shingazidja (Grande Comores) (ces dernières variantes du Swahili).


Francis VALIERE
Secrétaire CPE / Vie Scolaire