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LibérationRécit

Des affrontements Ă©clatent Ă  Mayotte, les expulsions se poursuivent

Par Charlotte Belaich — 30 mai 2016 à 18:16

Des personnes chassées de leur domicile, à Mamoudzou à Mayotte, le 17 mai 2016Des personnes chassées de leur domicile, à Mamoudzou à Mayotte, le 17 mai 2016 Photo ORNELLA LAMBERTI. AFP

Des affrontements ont éclaté ce matin à Mayotte après une réunion entre le préfet et des associations. Ils devaient discuter des expulsions d'étrangers menées par des habitants depuis janvier.

  • Des affrontements Ă©clatent Ă  Mayotte, les expulsions se poursuivent

«J’ai un rĂ©sidu de bombe lacrymogène dans les mains là», lâche simplement Yohan Delhomme, chargĂ© rĂ©gional de la Cimade, interrogĂ© sur les affrontements qui ont Ă©clatĂ© ce matin sur la place de la RĂ©publique Ă  Mamoudzou, le chef-lieu de Mayotte. Quelques heures avant, une dĂ©lĂ©gation d’associations Ă©tait reçue par FrĂ©dĂ©ric Veau, prĂ©fet fraĂ®chement nommĂ© Ă  Mayotte, pour discuter des expulsions punitives d’étrangers, pour la plupart des Comoriens, en situation rĂ©gulière ou non, menĂ©es par des collectifs habitants de l’île depuis janvier. ConsĂ©quence de cette chasse aux Ă©trangers, la place de la RĂ©publique, Ă  Mamoudzou, fait aujourd’hui office de camp de rĂ©fugiĂ©s. Près de 800 personnes, selon les associations, y dorment Ă  mĂŞme le sol, encerclĂ©es par des barrières.

«Le préfet devait évoquer les problèmes de relogement et d’hébergement d’urgence. On devait aussi trouver une solution pour stopper l’hémorragie des expulsions», explique Yohan Delhomme. Conclusion de la réunion : «rien de concret pour empêcher ces actions ni d’annonce particulière pour le relogement. Pas même d’installation de lits…»

Ă€ la sortie de la rĂ©union, la prĂ©fecture a simplement annoncĂ© qu’elle Ă©tudierait la situation au «cas par cas», expliquant que les personnes ayant un certificat d’hĂ©bergement valable seraient relogĂ©es dans leur commune d’origine, sans plus de prĂ©cisions. FrĂ©dĂ©ric Veau a par ailleurs affirmĂ© poursuivre «l’intensification de la lutte contre l’immigration clandestine».

Se défendre par soi-même

«Après l’entrevue, la délégation a annoncé aux expulsés sur la place le résultat de la réunion. En réaction, un homme a pris un micro et dit qu’il fallait se défendre soi-même. Une quarantaine de personnes ont alors commencé à bloquer la route autour de la place», raconte le délégué régional de la Cimade. Les forces de l’ordre sont intervenues pour débloquer la route, explique la préfecture, qui assure que les choses «ont dégénéré entre policiers et jeunes en situation d’errance, pas forcément avec des expulsés».

«Il y a eu des tirs de lacrymo. Certaines bombes sont arrivĂ©es dans l’enceinte de la place alors que ce n’était pas la zone oĂą les gens caillassaient. C’était très mal orientĂ©, au niveau des familles et des enfants», assure Yohan Delhomme.

Trois personnes présentes sur la place ont été hospitalisées : une femme enceinte et deux enfants, dont un nourrisson de 19 jours, atteint par des gaz lacrymogènes. «Il est sorti de l’hôpital, il n’est plus en danger», assure la préfecture.

«Des invitations à partir»

La rĂ©union du prĂ©fet et des associations intervient au lendemain d’une nouvelle vague d’expulsions. Des centaines de familles Ă©trangères de neuf villages de Mayotte ont en effet subi dimanche 29 mai ce que la prĂ©fecture appelle, dans un langage plus policĂ©, «des invitations Ă  partir». Dans la commune de Ouangani, près de 700 personnes ont Ă©tĂ© chassĂ©es de leur domicile, soit 168 familles dont 48 en situation rĂ©gulière, selon les associations comoriennes prĂ©sentes sur place.

Carte Mayotte

Cinq jours plus tĂ´t, le prĂ©fet demandait pourtant, lors d’une confĂ©rence de presse, «que les initiatives d’expulsion, qui ne sont pas dans l’esprit de la RĂ©publique, cessent», alors que plus d’un millier de personnes avait dĂ©jĂ  Ă©tĂ© expulsĂ© depuis janvier. «Le mot d’ordre est la proportionnalitĂ©, explique la prĂ©fecture. Les forces de l’ordre veillent Ă  ce qu’il n’y ait pas d’atteinte Ă  l’intĂ©gritĂ© des personnes mais cherchent Ă  Ă©viter de provoquer un dĂ©sordre qui serait plus important». Elles ne s’opposent donc pas aux expulsions. Un aveu d’impuissance pour certains associatifs, de culpabilitĂ©, pour d’autres. «Face Ă  l’incapacitĂ© de l’État Ă  assumer ses fonctions rĂ©galiennes, on tolère que les habitants se fassent justice eux-mĂŞmes», assurait la semaine dernière un syndicaliste de l’UNSA Ă©ducation. D’autres encore, y voient une forme de complicitĂ© de l’Etat. «À chaque action des collectifs d’expulsion, la police aux frontières (PAF) vient ensuite arrĂŞter les expulsĂ©s sans papiers», assure le porte-parole du Collectif des exilĂ©s de Tsimkoura. «Les pouvoirs publics acceptent la situation. Ils profitent des expulsions des Mahorais, ça leur facilite la tâche».

Dimanche en effet, des bus mis Ă  disposition par des associations, pour emmener les expulsĂ©s Ă  Mamoudzou ont Ă©tĂ© arrĂŞtĂ©s par la PAF pour effectuer des contrĂ´les d’identitĂ©. Selon la prĂ©fecture, sur les 965 personnes contrĂ´lĂ©es, 880 Ă©taient en situation irrĂ©gulière. Ils ont Ă©tĂ© placĂ©s en rĂ©tention et doivent ĂŞtre reconduits Ă  la frontière. Aujourd’hui Ă  14 heures, plus de 200 personnes avaient dĂ©jĂ  dĂ» quitter l’île.

 

Charlotte Belaich

 
 
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