"Les écrans sont de formidables outils de connaissances. En même temps ce sont des sujets d'inquiétude". Christian Chevalier, secrétaire général du Se Unsa, a conclu le 25 mais le colloque numérique organisé par le syndicat à Paris. Toute la journée, les militants du Se Unsa ont réfléchi aux changements apportés par le numérique au métier enseignant. Le syndicat appelle à la maitrise de l'outil numérique et prend position contre l'adaptative learning et même contre M@gistere...

 

Ca Kahoot...

 

Le moment fort de cette journée du colloque numérique organisé par le Se-Unsa le 25 mai c'est peut-être quand la centaine de participants a téléchargé Kahoot pour voter sur leur usage du numérique. Les réponses méritent d'être connues : 84% des présents ne fixent pas de limite à la consultation de leurs mails professionnels, 31% ne lisent par leur courrier personnel sur leur temps de travail. "Avec le numérique le professionnel envahit l'espace personnel", conclue Joël Péhau, secrétaire national Se Unsa. Voilà le colloque relancé.
 

Penser le numérique

 

Comment le numérique affecte-il le métier enseignant ? Le Se-Unsa a réuni Gilles Langlois, un directeur d'une école Rep+ parisienne, Philippe Thénot, DAN de Rouen et Céline Isart, principale adjointe et co-auteure d'une note de Terra Nova dont les idées sont reprises par le Se-Unsa.

 

Alors que le plan numérique crée "une obligation à proposer aux élèves un service pédagogique reposant sur le numérique", selon P Thénot, Gilles Langlois montre ses limites. Dans son école pionnières le matériel vient tout juste d'arriver et l'accompagnement se limite à une heure de présentation des tablettes. Enfin la connexion wifi est incapable de supporter les 42 tablettes.

 

"On est conscient que le numérique doit être pensé au regard du temps d'enseignement", explique-t-il. Si les tablettes peuvent être utiles, par exemple pour l'expression orale, "il va falloir chercher l'utilité des logiciels". Les usages doivent avoir leur pertinence pédagogique.
 

Contre l'adaptative learning et Affelnet

 

Le numérique peut-il menacer le métier enseignant ? C. Isard le pense. La menace vient de l'"adaptative learning", c'est à dire l'usage de logiciels qui analysent les données produites par les élèves pour leur proposer des activités adaptées. Plusieurs produits sont en développement ou existent déjà et promettent une meilleure personnalisation de l'enseignement et de faciliter la gestion de la classe. Mais pour C Isard, ils pourraient remplacer l'enseignant, une idée aussi vieille que le numérique. Affelnet est aussi accusé pour le mystère entretenu sur son algorithme qui profiterait aux familles bien informées...

 

"Vous n'imaginez pas reprendre le pouvoir en divulguant l'algorithme d'Affelnet", rétorque P Thénot. "Il est bien trop complexe. C'est une question de confiance politique pas de numérique".

 

Le numérique "uberise" le travail enseignant ?

 

Comment concilier le développement du numérique tout en protégeant l'Ecole ? C'est la problématique du discours de Christian Chevalier. Et c'est aussi une problématique humaine : le syndicat veut à la fois conforter les pionniers et tenir une ligne de contrôle sur le numérique. "Le numérique c'est le pire et le meilleur, tout dépend de l'usage", dit C Chevalier. Alors le syndicat dit oui aux pionniers et aux animateurs TICE qui doivent être rémunérés à la hauteur de leur engagement. Il dit oui aussi à l'allégement du filtrage des établissements.

 

Mais il craint que le numérique remplace l'enseignant. Le se unsa prend position contre l'adaptative learning accusé "d'uberiser" l'école. "Substituer une machine intelligente à l'enseignant est plausible", dit C. Chevalier. "La tentation peut être grande pour un gouvernement de se délester d'une mission couteuse". Même méfiance envers les  données collectées sur les élèves et les enseignants. "Affelnet et APB ne doivent plus être des monstres secrets".

 

C Chevalier attaque aussi les formations en ligne de l'éducation nationale. "La formation en ligne est emblématique du décalage entre les productions institutionnelles et l'appropriation par le enseignants", dit il. "Les collègues sont réfractaires aux formations ne ligne.. L'institution doit s'interroger sur les modèles mis en oeuvre et prévoir du travail horizontal et collaboratif qui doit être reconnu comme temps de formation".

 

La position syndicale reflète les résultats d'une enquête réalisée par le Se Unsa auprès de 7 400 enseignants. Elle montre des enseignants très largement utilisateurs d'internet pour préparer leurs cours mais nettement moins utilisateurs en classe.

 

Le syndicat demande un accès Internet dans chaque classe mais juge l'octroi d'un ordinateur par élève couteux et "pas forcément adapté". Le colloque sur "le métier augmenté" avec le numérique se clôt sur cette vision des dangers du numérique.

 

François Jarraud

 

Sur la note de Terra Nova