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Article de Libération sur les expulsions
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Des personnes chassées de leur domicile, à Mamoudzou à Mayotte, le 17 mai 2016Des personnes chassées de leur domicile, à Mamoudzou à Mayotte, le 17 mai 2016 Photo ORNELLA LAMBERTI. AFP

Malgré les condamnations du gouvernement, les opérations montées par des collectifs d'habitants se poursuivent. La place de la République, à Mamoudzou, fait aujourd'hui office de camp de réfugiés.

  • A Mayotte, l'Etat accusĂ© de fermer les yeux face aux expulsions punitives d'Ă©trangers

Des expulsions «sauvages» et «illĂ©gales». Le dĂ©fenseur des droits, Jacques Toubon, a condamnĂ© lundi la chasse aux Ă©trangers en cours Ă  Mayotte. Plus d’un millier de personnes, pour la plupart des Comoriens en situation rĂ©gulière ou non, ont Ă©tĂ© expulsĂ©es depuis janvier de leur domicile par des collectifs d’habitants de l’île.

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Ă€ chaque fois, c’est la mĂŞme mĂ©thode. Des collectifs d’habitants se crĂ©ent, publient des tracts qui accusent les Ă©trangers de tous les maux (vols, agressions, Ă©conomie meurtrie, systèmes de santĂ© dĂ©bordĂ©s, Ă©coles surchargĂ©es…) et appellent Ă  des actions d’expulsion. Les habitations sont saccagĂ©es, brĂ»lĂ©es, et leurs habitants jetĂ©s Ă  la rue.

Face au cri d’alarme des associations, les voix des pouvoirs publics se sont élevées la semaine dernière. En vain. Malgré l’appel à la vigilance de François Hollande et la volonté déclarée des ministères de l’Intérieur et des Outre-mer de «mettre fin à ces exactions inadmissibles», les expulsions punitives se poursuivent.

«Rien n’a changĂ© depuis les dĂ©clarations… Comme d’habitude, avec Mayotte, il y a beaucoup d’effets d’annonce», lâche un membre de l’Unsa Mayotte, syndicat d’enseignants signataire d’une lettre d’avertissement adressĂ©e Ă  l’ancien prĂ©fet, dont le remplaçant a pris ses fonctions le 23 mai. MalgrĂ© la mobilisation de 822 policiers et gendarmes, les effectifs des forces de l’ordre sont encore insuffisants, selon ce syndicaliste, qui tient Ă  prĂ©server son anonymat. «La prĂ©sence policière n’empĂŞche pas les expulsions, confirme Yohan Delhomme de la Cimade. Les forces de l’ordre sont rapidement dĂ©bordĂ©es. Le 8 mai Ă  BouĂ©ni, elles ont essayĂ© de bloquer un cortège qui allait mener des expulsions, sans y parvenir.»

«Ça risquerait de partir en émeutes»

Selon tous les tĂ©moins sur place, les forces de l’ordre assistent donc impuissantes aux expulsions. «Les gendarmes sont lĂ  et regardent», affirme un membre du collectif Les exilĂ©s de Tsimkoura.   «Lors des expulsions de BouĂ©ni, les forces de l’ordre sont arrivĂ©es Ă  10 heures alors que l’action commençait Ă  6 heures et tout le monde le savait», raconte Yohan Delhomme de la Cimade. «Elles ne veulent pas s’interposer car ça pourrait faire Ă©clater un conflit plus grave encore, ça risquerait de partir en Ă©meutes», appuie le syndicaliste de l’Unsa. Selon lui, dans un dĂ©partement français sous pression migratoire, cette inaction est aussi une forme d’aveu de culpabilitĂ©. «Si on s’oppose aux expulsions, on s’oppose Ă  la colère lĂ©gitime d’une population qui en a ras le bol. Face Ă  l’incapacitĂ© de l’État Ă  assumer ses fonctions rĂ©galiennes, on tolère que les habitants se fassent justice eux-mĂŞmes», assure-t-il. Un plan d’action contre l’insĂ©curitĂ© et l’immigration clandestine devrait d’ailleurs ĂŞtre prĂ©sentĂ© Ă  la fin du mois Ă  la demande de Manuel Valls.

Carte Mayotte

ConsĂ©quence de cette chasse aux Ă©trangers, la place de la RĂ©publique, Ă  Mamoudzou, chef-lieu de l’île, fait aujourd’hui office de camp de rĂ©fugiĂ©s. «Ils dorment Ă  mĂŞme le sol, entourĂ©s par des barrières. Les gens viennent les regarder», raconte ce syndiquĂ© UnsaSelon un rapport de MĂ©decins du Monde, 500 personnes y Ă©taient rassemblĂ©es le mardi 17 mai. Ils seraient aujourd’hui environ 300, femmes et enfants, en majoritĂ©. «Les conditions sanitaires sont dĂ©plorables. Il n’y a pas de sanitaires, pas assez de couvertures ni de matelas, de nourriture…», Ă©numère AurĂ©lien Roisin, coordinateur de MĂ©decins du monde Ă  Mayotte. Une Ă©pidĂ©mie de gastro-entĂ©rite est dĂ©jĂ  apparue selon AurĂ©lie Arribat, urgentiste au CHM Mayotte et prĂ©sidente de l’association Le Village d’Eva, qui s’occupe des enfants dĂ©scolarisĂ©s. «Il y a une centaine d’enfants, la plupart de nationalitĂ© française, prĂ©cise-t-elle. Ils ne peuvent plus aller Ă  l’école.»

Aucune solution de rescolarisation

Si l’AcadĂ©mie explique ne pas pouvoir prĂ©cisĂ©ment chiffrer le nombre d’enfants dĂ©scolarisĂ©s depuis le dĂ©but des expulsions, l’Unsa Ă©ducation affirme que dans la seule commune de Kani-KĂ©li, dans le Sud, oĂą ont lieu la plupart des expulsions, 80 Ă©lèves ont disparu de la circulation au collège et 150 en primaire. Le syndicat, qui doit ĂŞtre reçu au ministère de l’Éducation ce mardi 24 mai, assure qu’aucune solution de rescolarisation n’a Ă©tĂ© Ă©voquĂ©e pour l’instant. «Les enfants ne sont pas pris en charge, il n’y a aucun suivi. On a un sentiment d’abandon de l’État. Les chefs d’établissement doivent gĂ©rer au mieux, sans consignes.»

Selon un membre de l’Unsa, face au manque d’enseignants Ă  Mayotte, il y a peu de chances pour qu’un dispositif spĂ©cifique soit mis en place. Â«Et il faudrait qu’une commune accepte de bâtir des locaux… C’est trop lourd politiquement.»

Aucune mairie ne s’est portĂ©e volontaire pour accueillir un centre d’hĂ©bergement d’urgence pour les expulsĂ©s, malgrĂ© les demandes de la prĂ©fecture. La seule initiative entreprise a finalement avortĂ©. «On devait installer une structure d’accueil Ă  Mamoudzou sur un terrain vague. La lĂ©gion Ă©trangère Ă©tait mĂŞme venue mais une partie de la population a fermĂ© l’accès au campement», raconte Yohan Delhomme de la Cimade. Les associations espèrent aujourd’hui que le nouveau prĂ©fet trouvera une solution de relogement, ne serait-ce que temporaire. 

Charlotte Belaich

 
 
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