Depuis
septembre le ministère a mis en expérimentation une méthode de lecture
qu’il a éditée : la méthode Lego. Outre le fait que les principes
didactiques sur lesquels s’appuie la méthode ne font pas l’unanimité,
une édition ministérielle pourrait remettre en cause l’autonomie
professionnelle des enseignants.
Cette
méthode se base sur les préconisations du conseil scientifique de
l’Éducation nationale (CSEN). Lors de sa présentation, les enseignants
ont été assurés qu’il s’agissait d’un projet dans lequel leurs retours
seraient pris en compte pour l’améliorer. Une recherche-action, sans
chercheurs pour l’instant, puisque le Ministère n’a lancé que très
récemment un appel à manifestation d’intérêt pour sélectionner le
laboratoire qui sera chargé du suivi. Cet appel est tellement précipité
qu’il a été décliné par deux laboratoires pourtant particulièrement
compétents sur la lecture (EMA et LIRDEF). L’inexistence d’une équipe de
recherche dès le début de l’expérimentation montre déjà que la démarche
scientifique mise en place par le ministère est bancale, du moins pour
cette année.
Il
s’agit d’une méthode fondée sur les apprentissages progressifs des
correspondances graphophonologiques, de l’orthographe grâce aux lettres
dites « muettes », du lexique et de la grammaire. C’est une mĂ©thode
syllabique, avec une attention particulière à la fluence de lecture.
Elle est très mécanique et peut paraître assez austère pour les enfants
les plus éloignés de la culture scolaire.
Le CSEN avait publié une analyse portant sur le choix des manuels de lecture au CP d’après une étude menée en 2018-2019.
De cette analyse, ressortaient plusieurs prescriptions que la méthode Lego ne remplit pas. En effet, des enseignantes qui ont pris part à l’expérimentation ont fait remarquer que les exercices de compréhension étaient quasiment absents alors que l’analyse du CSEN montrait que si un travail assez dense devait être mené lors de la première moitié de l’année autour du décodage, la compréhension et le vocabulaire devaient occuper les enseignants et leurs élèves tout au long de l’année, et cela même depuis la maternelle. La méthode Lego, utilisée par des enseignants non aguerris au CP et sans formation, pourrait leur faire oublier l’importance de la compréhension, qui est le but de la lecture.
De cette analyse, ressortaient plusieurs prescriptions que la méthode Lego ne remplit pas. En effet, des enseignantes qui ont pris part à l’expérimentation ont fait remarquer que les exercices de compréhension étaient quasiment absents alors que l’analyse du CSEN montrait que si un travail assez dense devait être mené lors de la première moitié de l’année autour du décodage, la compréhension et le vocabulaire devaient occuper les enseignants et leurs élèves tout au long de l’année, et cela même depuis la maternelle. La méthode Lego, utilisée par des enseignants non aguerris au CP et sans formation, pourrait leur faire oublier l’importance de la compréhension, qui est le but de la lecture.
Une
méthode éditée par le ministère, pour les communes qui financent
l’achat des manuels, c’est un gage de sérieux… Si en plus cette méthode
est accessible gratuitement, elle devient la méthode parfaite ! Ce qui
pose à terme la question de la variété des méthodes et de la possibilité
de choisir sans pressions une méthode en accord avec les convictions
pédagogiques des enseignants. L’enquête LireEcrire de
l’institut français de l’éducation (IFÉ), qui a mobilité soixante
chercheurs coordonnés par Roland Goigoux, sur l’influence des pratiques
d’enseignement sur la qualité des premiers apprentissages, a pourtant
montré que l’effet maître était bien plus important que le manuel
utilisé dans la réussite des élèves. Il est donc capital qu’ils se
sentent à l’aise avec la méthode utilisée.
Il
est donc important que les enseignants puissent choisir la méthode
qu’ils utiliseront et qu’ils puissent l’adapter à leurs élèves. Une
méthode représente un cadre dans lequel les professionnels que sont les
enseignants construisent leur progression. Le fait que des prescriptions
basées sur la recherche existent ne doit pas entraîner l’obligation de
suivre à la lettre une méthode qui ne prendrait pas en compte la réalité
de la classe.
Les
enseignants qui se lancent dans l’expérimentation ont confiance dans le
fait que leurs retours seront pris en compte. Il s’agit donc d’un
travail réflexif. Le tâtonnement, l’expérimentation, l’adaptation font
partie du métier d’enseignant. Si des projets de recherche permettant
l’échange entre pairs sont montés, cela ne peut apporter qu’une
plus-value à un métier qui est vécu, trop souvent, de façon solitaire.
Mais cela ne doit pas aboutir à une méthode unique qui risquerait d’être
un carcan de plus là où des espaces de libertés et de créations doivent
exister.
L’avis du SE-Unsa
Michel
Fayol, spécialiste de la lecture et membre du CSEN, avait déjà souligné
l’inanité d’un manuel unique, en ajoutant que les enseignants étaient
décisifs dans le bon déroulement des apprentissages de leurs élèves. Les
recherches sur la façon dont les enseignants travaillent n’existent pas
vraiment, c’est un métier complexe où l’humain a une part importante.
La motivation et le bien-être sont des dynamiques prépondérantes pour la
réussite de tous, il ne faudrait pas que le ministère l’oublie.
Va-t-on vers UNE méthode officielle, censée fonctionner pour tous les élèves, dans tous les contextes ?
Si oui c’est contraire à tout ce que les sciences de l’éducation nous apprennent.
Va-t-on vers UNE méthode officielle, censée fonctionner pour tous les élèves, dans tous les contextes ?
Si oui c’est contraire à tout ce que les sciences de l’éducation nous apprennent.