Article publié le mercredi 10 juin 2020.
Des PsyEN au service du médical ? La proposition de la Cour des comptes
Saisie
pour une enquête sur les médecins et personnels de santé scolaire, la
Cour des comptes a décidé d’élargir son périmètre d’intervention aux
psychologues de l’Éducation nationale. Le sujet initial n’était
probablement pas suffisamment dense pour accaparer l’attention de ces
fonctionnaires zélés.
Pourtant,
malgré une relecture attentive du Code de la santé publique, les
psychologues ne font pas partie des professions médicales, ce qui
n’empêche pas les rédacteurs de proposer un dispositif de santé scolaire
incluant les PsyEN.
Pour vous épargner la lecture de ce fastidieux et redondant rapport, nous avons sélectionné quelques morceaux choisis.
« Les effectifs de personnels infirmiers et d’assistance sociale mais aussi de psychologues ont cru. »
Nul
doute que les sources d’information dont dispose la Cour des comptes
soient fiables, mais il est difficile de porter crédit à l’accroissement
des effectifs de PsyEN alors que les volumes de recrutement n’ont fait
que diminuer depuis 2017.
« Pour
les assistants de service social et les psychologues, les dotations
sont fondées sur les effectifs d’élèves du second degré public et privé,
alors que les élèves du privé ne bénéficient pratiquement jamais de
leurs services. »
En
référence à la circulaire du 28 avril 2017, les PsyEN exercent pourtant
bien leurs missions « dans le cadre du Service public d’Éducation ». La
Cour des comptes apparaît ici bien mal informée quant à notre périmètre
d’intervention…
« Parmi
les psychologues de l’Éducation nationale (PsyEN), seuls ceux du second
degré sont concernés par une évaluation interne. L’activité des
psychologues du 1er degrĂ© ne fait l’objet d’aucune enquĂŞte ou Ă©valuation interne. »
Effectivement,
ce serait tellement plus simple de contrôler notre activité sur la base
de données quantitatives, telles que le nombre de bilans
psychométriques réalisés, par exemple. Toutefois, nos missions
s’exercent dans la relation et la qualité de celle-ci n’est pas
quantifiable.
« Les PsyEN […] ne sont pas sollicitĂ©s pour remplir l’enquĂŞte « santĂ©-social »
de la Dgesco et ne font pas l’objet d’une enquête spécifique. L’enquête
de la Cour conclut Ă un processus d’évaluation très relâchĂ©. »
Rien de plus normal, puisque nous n’appartenons pas davantage au champ social qu’au champ médical.
« Le
MENJ fait porter essentiellement par les personnels infirmiers la
prévention en matière de santé mentale des jeunes. Il a laissé de façon
surprenante les PsyEN en marge de cette action, alors mĂŞme que leur
recrutement garantit désormais qu’ils ont une formation initiale
appropriĂ©e. »
Est-ce Ă dire
que les formations initiales donnant accès au DEPS et au DECOP,
octroyant le titre de psychologue conformément au décret du 22 mars
1990, n’étaient pas de nature à conférer des compétences à leurs
détenteurs ?
« En
deçà des heures de présence demandées aux médecins, ASS et infirmiers
la dĂ©finition des quatre heures hebdomadaires consacrĂ©es Ă
l’organisation de leur activité se justifie difficilement compte tenu du
peu d’heures de présence demandées à ces personnels. La définition de
leurs obligations de service met en lumière une conception réductrice de
leur travail, particulièrement pour les infirmiers et les PsyEN du 1er degrĂ©, dont les missions seraient limitĂ©es Ă la seule prĂ©sence des Ă©lèves. »
Ne
serait-ce pas plutôt la stricte délimitation de nos missions à la santé
mentale qui serait réductrice ? En effet, nous contribuons par notre
expertise à la prise en compte de toutes les dimensions de l’évolution
et du développement cognitif, psychologique et social de chaque
enfant/adolescent. Nos interventions ont vocation à faciliter l’accès de
tous les élèves aux apprentissages, mais également à la culture, à la
citoyennetĂ©, Ă l’autonomie et au « vivre-ensemble », ainsi qu’au
développement d’un environnement favorable au bien-être en milieu
scolaire.
À l’exercice de ces
missions qui se dĂ©roulent sur le temps scolaire, s’ajoute « le temps de
travail restant », consacrĂ© au « secrĂ©tariat administratif et la tenue
des dossiers, la rédaction des écrits psychologiques (établissements de
protocoles, cotation, comptes rendus et interprétation), la préparation
des bilans et des réunions de synthèse, la consultation de documentation
professionnelle, les activitĂ©s d’études et de recherche ». Qui, parmi
nous, a déjà réussi la prouesse de faire tenir tout cela en seulement 4
heures ?
« Les infirmiers scolaires, les PsyEN ou les ASS pourraient aussi ĂŞtre accueillis dans les CMS[1]
pour la réalisation d’entretiens, de visites, de bilans ou de suivis
pour les élèves du premier degré, les écoles n’étant pas toujours
Ă©quipĂ©es de locaux adaptĂ©s. »
Voici donc la solution proposée par la Cour des comptes pour nous éviter de nous disperser entre les différentes écoles !
Mais
l’accès aux psychologues pour tous les élèves fait justement partie de
ce qui nous distingue des psychologues en libéral : nous pouvons
rencontrer les élèves dans le contexte scolaire, observer leurs
comportements là où les difficultés apparaissent, sans que leurs parents
n’aient besoin de faire la démarche de se déplacer. Exiger des parents
qu’ils accompagnent leurs enfants reviendrait à en perdre la plupart. À
moins que ce ne soit précisément cet objectif qui est visé : appauvrir
la psychologie à l’École pour accroître l’inégalité d’accès aux services
des psychologues… Ou encore pour pathologiser davantage les difficultés
scolaires…
Dans
ce rapport, la Cour des comptes suggère de revaloriser les
rémunérations des médecins scolaires. La contrepartie ? Gérer et piloter
le service auquel seraient rattachés infirmiers, assistants sociaux et
psychologues ! Le corps des PsyEN a eu notamment pour vertu de sortir
les psychologues du modèle pédagogique, nous n’allons pas davantage
accepter un modèle médical !