Article publié le jeudi 30 janvier 2020.
Le
service national universel (SNU) était un élément du programme sur
lequel a été élu le président de la République. Au-delà d’une certaine
nostalgie d’un service national largement idéalisé, ce dispositif tire
sa légitimité du constat d’archipellisation de la jeunesse française en
groupes distincts plus ou moins Ă©tanches. Sans doute, ce morcellement de
la jeunesse grève la cohésion nationale et explique sur le long terme
les fractures qui fragilisent notre société.
Ainsi, service national universel s’adresse à chaque fille et garçon
âgés de 15 à 16 ans durant l’année qui suit la classe de 3e.
Il comporte obligatoirement une phase de cohésion de deux semaines et
une mission d’intérêt général de deux semaines également. Chaque jeune
(jusqu’à 25 ans) peut ensuite poursuivre une période d’engagement
facultative de trois mois minimum dans le département de son choix. Ses
objectifs affichĂ©s sont "transmettre le goĂ»t de l’engagement",
"raffermir le creuset républicain" et "favoriser le brassage social et
territorial".
La première phase de mise en œuvre a été réalisée en 2019 ; 3000
jeunes ont été accueillis dans 13 départements. Le bilan est très
mitigé. 40 % des inscrits ont un parent exerçant dans le monde la
sécurité et de la protection (armée, police, sécurité publique) :
difficile de tirer un bilan avec un échantillon si peu représentatif de
la jeunesse. En outre, la forte tonalité militaire, avec des images de
salut au drapeau, ou de visionnage de matchs au garde Ă vous, ont
interrogĂ© des adolescents et des parents qui ont une autre idĂ©e du «
goĂ»t de l’engagement » et du « raffermissement du creuset rĂ©publicain ».
Ainsi, la généralisation aux 800 000 personnes issues de la même
classe d’âge demeure un horizon lointain. Pour cela, la constitution
devra être amendée de manière à créer cette nouvelle obligation pour des
mineurs, et un cadre légal devra être établi pour proposer un
environnement laĂŻque Ă tous les jeunes, notamment pour ceux qui en ont
été privés (élèves enseignés à domicile, dans des écoles privées
sous-contrat ou hors contrat, dans lesquelles la loi de 2004 sur les
signes religieux à l’école ne s’applique pas). Ce serait l’occasion pour
les « appelĂ©s » de partager une expĂ©rience authentiquement
républicaine.
Pour le
SE-Unsa, il est important que la jeunesse française trouve des lieux
pour faire l’expérience de la fraternité dans la différence ; pour cela,
il faut favoriser la mixité sociale à l’École. Sur ce sujet, l’École
publique subit la forte concurrence de l’enseignement privé, financé par
l’État et dont le montant global demeure inconnu (1)
La séparation
scolaire des enfants et des adolescents sur des critères religieux, mais
surtout sur des critères sociaux pèse sur notre avenir commun. Comment
croire qu’un service national de quelques semaines et qui connaîtra bien
des difficultés à devenir universel, pourra réussir là où l’École a été
empêchée ? Les sommes engagées (1,7Mds€ annuel à terme) seraient mieux
employées pour consolider le lien entre l’Éducation nationale et
l’Éducation populaire, lutter contre la pauvreté qui pénalise les
destins scolaires, pour développer l’aide sociale à l’enfance et la
protection de la jeunesse.