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SE-UNSA 91


 Par SE-UNSA 91
 Le  mardi 15 octobre 2013

Le miroir brisé de Simone Sausse (Ed. Calmann-Levy)

 

Cet ouvrage est l’un de ceux dont la lecture m’a fortement marquée lors de mon stage CAPSAIS il y a déjà plusieurs longues années.

Simone Sausse est psychanalyste et enseigne à l’université Paris 7, elle pose la douloureuse question de l’arrivée de l’enfant handicapé dans une famille.

Depuis l’annonce souvent maladroite (l’enfant est parfois encore retiré à la mère) faite par le corps médical à la maternité qui réduit l’enfant à son handicap au lieu de faire vivre celui-ci « par son corps, son odeur... avant de devenir une source d’angoisse », Simone Sausse explore en termes clairs et précis appuyés sur des expériences personnelles, les différents phases que vont vivre ces familles.

Elle pose très vite l’énigme de l’origine, la quête d’une causalité : « pourquoi nous ? » qui poussent ces pères et ses mères à faire du « shopping médical » afin de trouver une réponse, un diagnostic même le plus terrible qui soit cautionné par l’académie des sciences, plutôt qu’un vide « tout est mieux que l’incertitude insupportable qui laisse la porte ouverte aux fantasmes concernant une faute imaginaire »

Puis il y a un deuil nécessaire mais impossible à réaliser entre l’enfant rêvé et l’enfant arrivé. Mais c’est un « deuil trompeur, car s’il y a un objet perdu, il y a aussi un objet présent qui empêche le remplacement ».

Simone Sausse évoque ensuite toutes les croyances liées au handicap qui aujourd’hui encore semblent paralyser notre société : la crainte « d’attraper le handicap », l’espèce de hiérarchie inconsciente que nous établissons entre le handicap visible (apparemment mieux toléré) et le handicap invisible.

L’école aussi participe de cette difficile acceptation malgré les efforts qu’elle dit vouloir réaliser pour l’intégration des enfants « différents ».

En témoigne la place très grande occupée par une enfant trisomique dans une école maternelle, objet de toutes les attentions, on assiste à un jeu de séduction assez judicieux de la part de cette élève et de ceux (petits et grands) qui l’entourent, c’est notre « poupée »...

Mais cette place « très grande » équivaut-elle à une « vraie place » ?

L’auteur milite depuis plusieurs années pour l’intégration collective d’enfants handicapés dans des groupes d’enfants ordinaires, elle est d’ailleurs à l’origine de la création d’une crèche qui compte un tiers d’enfants handicapés.

En effet suite à des recherches sur la scolarisation des enfants handicapés en classe maternelle, elle semble avoir été frappée par « la solitude de l’enfant handicapé... qui ne rencontre aucun enfant comme lui... tout seul, il est privé des images d’identification nécessaires à tout enfant. Seul support des projections des adultes concernant le handicap, il absorbe tous les fantasmes relatifs à l’anormalité, l’étrangeté, la mort ; Il est -l’autre- mais semblable à qui ? L’enfant a besoin de rencontrer d’autres enfants comme lui, porteurs d’une anomalie. Cette expérience lui permettra d’affirmer son appartenance à un groupe, qui est une des conditions nécessaires à la construction de l’identité ».

Etre le seul « de son espèce » reste en effet l’expérience la plus effrayante qui soit.

Enfin nous semblons parfois vouloir oublier que l’enfant « porteur d’un handicap » nouvelle dénomination qui a l’avantage de présenter l’Enfant avant même sa maladie, prend très vite conscience de sa différence ; dès que le regard blessé de sa mère se porte sur lui en fait.

Il va devoir renoncer à une normalité impossible pour pouvoir arriver à intégrer son handicap et à le surmonter. Cela démontre bien que l’enfant même le plus régressé qui soit possède une vie intérieure, une vie psychique et un développement affectif tout à fait comparable aux autres enfants.

Il va donc s’agir pour l’ensemble de la communauté d’accepter l’autre dans sa différence, ce qui est une chose, mais surtout « dans sa ressemblance » qui semble être une tâche beaucoup plus ardue car apparemment vécue comme « plus menaçante ».

Muriel Moreau, enseignante en CLIS.