Le métier d'homme

Auteur : Alexandre Jollien

Editeur : Seuil

C’est un petit livre à la couverture sobre, que nous présentent les éditions du Seuil. Paru depuis l’année 2002, cet ouvrage est un véritable trésor, que l’on a envie de lire et relire inlassablement.

Son auteur est un jeune Suisse âgé d’une trentaine d’années, philosophe de formation et de cœur.

« Le métier d’homme Â» est son deuxième livre, qui s’intercale entre « l’Eloge de la faiblesse Â» écrit quelques années plus tôt (et aujourd’hui d’ailleurs mis en scène) « la construction de soi Â» paru plus récemment.

Alexandre Jollien s’interroge en effet depuis des années, sur cette idée déjà largement débattue que l’ « on ne naît pas homme, on le devient Â» selon Erasme.

L’originalité et la force de ses écrits proviennent de son souci constant d’impliquer ses propres expériences aux idées philosophiques déjà émises par les plus grands auteurs tout au long des siècles depuis l’Antiquité...

Source effectivement inépuisable dans laquelle, ce jeune écrivain puise avec joie et intelligence ! Il argumente, illustre, se rassure, discute, médite, analyse, contredit, admire, dans une prose toujours claire et lucide même si le propos apparaît parfois grave... parce que la spécificité de cet auteur tient dans son identité même.

Alexandre est « un anormal Â» comme il le dit, un handicapé aux gestes empreints « d’étrangeté Â» à « la démarche qui dérange Â» et qui focalise le regard des autres.

Il a subi un accident de naissance précise Michel Onfray dans la préface, « strangulé par son cordon ombilical, il a brièvement mais trop longuement rencontré la mort dans ces minutes inaugurales consacrées à l’épiphanie de la vie Â» et porte « dans le creux de sa matière grise, la trace de ce souffle Â».

Alexandre Jollien apprend la lutte, le combat pour « devenir Â» Homme, il souhaite pouvoir s’expliquer afin de ne pas être réduit à l’image de « débile Â» à laquelle le renvoie tant de regards.

Alors que l’école s’ouvre à la tolérance et à l’accueil toujours plus important d’enfants porteurs de handicaps, ce petit livre peut répondre à nos questions, nous, enseignants des classes dites du secteur régulier.

Répondre non seulement aux interrogations liées au handicap mais surtout et d’abord à ce qui transforme un petit d’homme en être humain... « on ne naît pas homme, on le devient Â»...

Et puis j’aime beaucoup le regard que ce philosophe porte sur les hommes, on a coutume de dire que les êtres humains sont tous différents, on emprunte également ce raccourci pour éviter de parler de handicap en évoquant « la différence Â» de l’autre, Alexandre Jollien lui, préfère l’idée de « singularité Â», et il me semble très vrai de dire que chaque humain est un être singulier, entier, avec ses forces et ses faiblesses.

Muriel Moreau