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Une étude absolument pas convaincante sur l’efficacité des RASED.
Article publié le mardi 28 février 2017.
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Un document de travail de 16 pages concernant la recherche de l’IREDU sur l’efficacitĂ© des RASED est publiĂ© en ligne. Cette recherche, intitulĂ©e "Quels effets du passage en Rased sur le parcours scolaire des Ă©lèves ?" a Ă©tĂ© menĂ©e par Claire Bonnard, Jean-François Giret et CĂ©line Sauvageot Ă  partir d’un panel de la DEPP, une cohorte de 10 000 Ă©lèves entrĂ©s au CP en 1997, soit il y a 20 ans.
 
L’étude, prĂ©sentĂ©e au colloque de l’ADMÉE fin janvier, conclut que le fait d’être suivi par le RASED en CP a un effet nĂ©gatif sur le parcours scolaire des Ă©lèves.
 
À propos de l’étude
 
Les chercheurs utilisent trois outils pour constituer 4 groupes d’élèves (en grande difficulté, en difficulté, peu de difficulté et sans difficulté) : les scores aux épreuves d’évaluation des compétences à l’entrée de CP (mais le type d’épreuve n’est pas précisé), l’appréciation du comportement et des compétences sociales de l’élève de la part de son enseignant et le niveau de l’élève, du point de vue du langage, par rapport au niveau moyen de la classe (là encore aucune précision sur ce qui est utilisé concrètement).
Les chercheurs considèrent ensuite que les Ă©lèves de chaque groupe peuvent ĂŞtre comparĂ©s car prĂ©sentant "des caractĂ©ristiques comparables". Ils dĂ©terminent donc Ă  l’intĂ©rieur de chaque groupe le parcours et les performances des Ă©lèves ayant Ă©tĂ© pris en charge par les RASED au CP avec ceux qui ne l’ont pas Ă©tĂ©. Pour cela, ils retiennent deux critères : le redoublement du CP (ou l’orientation en classe spĂ©cialisĂ©e) et les scores aux Ă©valuations nationales CE2.  
 
Ce qu’on y "apprend"
 
Les élèves suivis par le RASED en CP sont davantage issus des CSP défavorisées que des CSP favorisées et une part plus importante sont de nationalité étrangère et scolarisés en REP.
En effet, dès avant le CP, ces élèves sont ceux qui présentent le plus souvent des difficultés à l’école, ils ont donc davantage besoin de l’intervention du RASED, ce n’est ni nouveau ni étonnant !
 
3,9 % d'élèves sans difficulté (selon la méthode de l’IREDU) sont suivis par le RASED en CP, alors que 40 % des élèves en grande difficulté ne le sont pas.
L’incohérence de ce constat est pointée mais à aucun moment les chercheurs ne mettent en doute la pertinence de leur façon de constituer les 4 groupes. En effet, s’il n’est pas exclu qu’il puisse y avoir des incohérences dans les signalement faits au RASED, on peut aussi raisonnablement penser que le questionnaire utilisé pour l’étude ne permet pas de repérer ce qui différencie un élève en difficulté signalé au RASED de celui qui ne l’est pas. Un des critères importants est le fait que l’élève qui rencontre des difficultés soit réceptif ou non à la différenciation pédagogique et à l’aide apportée par son enseignant dans la classe.

Le fait d’avoir redoublé en maternelle accroît la probabilité d’intégrer le RASED.
Rien de surprenant à cela, étant donné la rareté des maintiens en maternelle et ceux-ci concernant des élèves en très grande difficulté, ils ont effectivement particulièrement besoin de l’aide du RASED.
 
Les élèves se situant en zone rurale ont significativement moins de chances d’aller en RASED.
Oui, il suffit juste de savoir que l’accès au RASED est beaucoup plus difficile en zone rurale pour expliquer ce phénomène.
 
"Les rĂ©sultats pour l’ensemble des Ă©lèves indiquent clairement que le fait d’avoir bĂ©nĂ©ficiĂ© du RASED en CP accroĂ®t significativement la probabilitĂ© de redoubler l’annĂ©e de CP ou de partir en classe spĂ©cialisĂ©e en CE1." (p. 9)
Cette corrélation est logique. Les élèves suivis par le RASED en CP sont les élèves les plus fragiles et donc les plus susceptibles de se voir proposer un redoublement. De plus, les consignes à l’époque étaient clairement de ne pas proposer le maintien pour un élève sans avoir d’abord tenté une prise en charge par le RASED. Attention à ne pas confondre corrélation et causalité ! C’est comme si on disait que le médecin rend malade car il y a beaucoup de gens malades qui ressortent de son cabinet.
 
Les résultats aux évaluations CE2 montrent que les élèves suivis en RASED ont significativement plus de difficultés en mathématiques que les autres (mais il n’y a pas de différences significatives en français).
Cela confirme, ce que l’on sait déjà, à savoir que les élèves en difficulté dans un domaine le sont très souvent aussi dans d’autres. En revanche, l’absence de différence en français pourrait indiquer que l’action du RASED a contribué à réduire les écarts entre les élèves suivis et les autres. Mais cette hypothèse n’est pas évoquée par les chercheurs.

Ce que les chercheurs semblent ignorer
 
Les missions des RASED
L’étude indique que les RASED prennent en charge "des difficultés d’apprentissage et de comportement des élèves" (p. 2). Les RASED prennent en charge les élèves rencontrant des difficultés scolaires pour lesquels la différenciation pédagogique de l’enseignant dans sa classe n’a pas d’effet. L’enfant est considéré par les enseignants spécialisés des RASED dans sa globalité et donc, si des difficultés de comportement l’empêchent d’apprendre, celles-ci seront prises en compte. Mais un enfant qui a des problèmes de comportement ne gênant pas ses apprentissages, ne relève pas de l'action du RASED. La confusion est regrettable de la part de chercheurs en sciences de l’éducation.
 
L’organisation des prises en charge
Les élèves pris en charge par le RASED sont des élèves qui ne profitent pas vraiment des apprentissages en classe, une attention toute particulière est portée au moment où l’élève est aidé et comment il est accompagné par le RASED. D’abord il peut tout à fait être aidé dans la classe avec une aide spécifique lui permettant de profiter au mieux de la séquence d’apprentissage. S’il est sorti de sa classe c’est pour travailler en petit groupe de façon adaptée et intensive, il "manque" donc un temps de classe pas ou peu efficace pour lui au profit d’un moment en petit groupe adapté à ses besoins. Bien évidemment on évite au maximum que les sorties de la classe se fassent sur des temps d’apprentissages fondamentaux sans lien avec la prise en charge. Cela fait tomber la conclusion hâtive des chercheurs selon laquelle l’aide du RASED provoquerait des difficultés en mathématiques car l’élève manquerait des séances de mathématiques. Il est d’ailleurs bien précisé dans l’étude qu’ils n’ont aucun élément sur le type de prise en charge, sa durée, son moment…
 
À propos de l’étiquetage
Ensuite nous avons le fameux effet "étiquetage stigmatisant" de la prise en charge RASED avancée comme explication de la plus grande difficulté des élèves suivis par rapport aux autres. Quand un élève sort de la classe pour un travail au calme, adapté à ses besoins et en petit groupe, il est dans l’immense majorité des cas content et soulagé que l’on s’occupe de lui. Le travail proposé par le RASED, exigeant mais adapté à ses difficultés, contribue le plus souvent à restaurer une image de soi mise à mal, à prendre confiance, à être valorisé dans ses efforts et ses réussites. Cet "étiquetage stigmatisant" est très présent dans les a priori des adultes qui méconnaissent le contexte de travail des RASED, mais il est absent sur le terrain.
 
Les questions que pose l’étude
 
Cette Ă©tude porte sur les RASED d’il y a 20 ans, 7 ans après leur crĂ©ation et avant qu’ils ne soient dĂ©cimĂ©s par le gouvernement de Nicolas Sarkozy. Elle indique en prĂ©ambule les conclusions de l’analyse proposĂ©e par Mingat en 1991 portant sur les GAPP, dispositif ayant prĂ©cĂ©dĂ© les RASED et les reprend Ă  son propre compte. Elle s’appuie sur une Ă©valuation de dĂ©but de CP dont on ne sait rien, un questionnaire rempli par les enseignants non prĂ©sent dans les annexes et le redoublement, une pratique qui a Ă©tĂ© supprimĂ©e depuis. On peut vraiment se demander, outre les dĂ©fauts flagrants pointĂ©s plus haut, ce que peut dans ces conditions apporter cette Ă©tude de toute façon obsolète et ne disant rien des RASED d’aujourd’hui !

La pertinence de sortir cette étude maintenant, malgré sa piètre qualité, et avec des propositions aussi caricaturales pose question. Ce qui est certain, c’est qu’elle pourra être utilisée pour justifier une éventuelle suppression d’un dispositif déjà agonisant, le seul qui reste au service des élèves fragiles, gratuit pour les parents, assuré pendant le temps scolaire de l’enfant.
 
En conclusion
Cette étude, faite à partir de données dépassées recueillies dans un contexte qui n’a plus rien à voir avec celui actuel ne montre rien de probant. Tout au plus elle fait des constats, non expliqués en utilisant des outils dont on ne sait pas s’ils sont pertinents. Cela n’est vraiment pas à la hauteur des enjeux d’une école inclusive !
Suite Ă  la publication des Ă©lĂ©ments de cette Ă©tude, nous allons pouvoir constater qui va dĂ©fendre, ou non, la nĂ©cessitĂ© de prendre en compte les Ă©lèves en difficultĂ© dans les classes. On ne peut considĂ©rer que tout doit se gĂ©rer dans la classe sans aide ou que chaque difficultĂ© scolaire doit ĂŞtre transformĂ©e en problème mĂ©dical ou en handicap devant ĂŞtre pris en charge en dehors de l’école. L’inclusion effective et profitable de TOUS les Ă©lèves ne se fera pas sans l’aide de professionnels spĂ©cialisĂ©s Ă  mĂŞme d’accompagner ces Ă©lèves et leurs collègues !
 
Pour lire une autre Ă©tude tout Ă  fait intĂ©ressante, menĂ©e de façon sĂ©rieuse qui, elle, conclut que l’action des RASED peut se rĂ©vĂ©ler très efficace, nous vous renvoyons ici.
 

 

 
 
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