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Billet d’humeur de directeu·rice d’école en temps de COVID
Article publié le mardi 14 décembre 2021.
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Aujourd'hui on a l'impression d'obéir aux instructions liées à la situation sanitaire en trahissant le service public d'éducation.

Entre les élèves positifs qui généraient une fermeture de classe pour sept jours ou qui suspendent maintenant l'accueil des élèves le temps d'être testés, et l'absence d'enseignant faute de remplaçant, on a l'impression d'avoir passé ces deux dernières années à empêcher l'accès à l'école. Tantôt on ferme une classe pour raison sanitaire, tantôt pour raison administrative, tantôt on contrôle les tests à l'entrée... tout en continuant bien sûr à demander aux parents de ne pas prendre de congés sur le temps scolaire.

À partir du niveau 2, la limitation du brassage par niveau est "obligatoire". Même dans une école de 10 classes et plus il n'y a souvent "que" deux classes par niveau, on ne peut évidemment pas demander à un·e enseignant·e de prendre tous les élèves du niveau. On est donc censé dire aux parents qu'il n'y a pas d'enseignant pour la classe. Parfois, on demande aux parents de signaler quels jours leur enfant aurait besoin d'être présent malgré tout, parce qu'on sait bien que c'est compliqué de remplir ses obligations avec les enfants à la maison. Plus les occasions se répètent, moins certains parents jouent le jeu. Mais peuvent-ils faire autrement ? Au bout du compte, ce seraient 20 élèves à répartir certains jours voire plus. On pourrait penser qu'annoncer que la classe est "fermée" faute d'enseignant résout le problème. À court terme, oui.
 
Ce qui est génant, c'est que la FAQ n'est pas explicite sur ce qu'il est possible de faire et ne mentionne pas les leviers règlementaires qui autoriseraient les directeu·rice·s à refuser des élèves dans le cas où il n'y a pas d'enseignant·e.
 
En réponse à la question "Les élèves des écoles peuvent-ils être répartis dans d’autres classes lorsqu’un enseignant est absent et dans l’attente de son remplacement ?", la FAQ prévoit que :

"Dans les départements où s'applique le protocole de niveau 2 / niveau jaune, les élèves peuvent être répartis dans une classe correspondant à leur niveau en cas d’absence de leur professeur. Dans les situations où la limitation du brassage ne peut se faire par niveau, par exemple pour les classes multi-niveaux, alors les élèves peuvent être accueillis dans les classes du même groupe (exemple CP/CE1 ou CM1/CM2 en fonction de l’organisation mise en place au sein de l’école). 

En revanche, à partir du niveau 3 / niveau orange, la limitation du brassage entre les classes s’impose. Les élèves ne peuvent donc être répartis dans les autres classes."

La FAQ a été présentée aux directeu·rice·s au départ comme une circulaire. Dans la hiérarchie des normes, une circulaire ne peut pas contredire une loi. Dans ce cas précis, la loi, c'est le code de l'éducation, qui définit l'obligation scolaire. Et c'est là qu'il devient difficile de composer avec sa conscience professionnelle.
Déjà, pendant le premier confinement, il a fallu privilégier certains élèves considérés comme prioritaires grâce à la profession de leurs parents tout en sachant que ce ne sont pas précisément ces élèves qui ont le plus besoin de l'école. Aujourd'hui, on devrait refuser d'accueillir des élèves parce que notre institution n'est pas en mesure d'assurer la présence d'un·e enseignant·e. Et voilà comment depuis bientôt deux ans, on a l'impression de passer son temps à surveiller, voire empêcher l'accès à l'école. C'est un vrai déchirement.
 
Bien sûr, chacun a un rôle à jouer pour arriver à bout de la pandémie. Mais comment concilier les discours au grand public qui annoncent que l'école est ouverte et que les classes ne ferment plus, quand sur le terrain, les directeu·rice·s doivent en réalité le faire s'ils respectent les consignes de la FAQ ? Pourquoi ne pas brasser du tout alors qu'en cas d'élève positif, un simple test est requis pour revenir en classe ?
Le vrai brassage est là, quand on fait revenir en collectivité des individus qui seraient à l'isolement partout ailleurs, sans même vérifier une éventuelle positivité après incubation. Au final, on a l'impression de porter le poids de beaucoup d'incohérences, d'apparaitre aux yeux des parents d'élèves comme celle ou celui qui les empêche d'aller travailler et qui ralentit l'éducation de leur enfant alors qu'ils ont entendu qu'on ne fermait plus les classes.
 
Les interlocuteurs de proximité, en circonscription, ne peuvent pas proposer de solution pratique car ils ne peuvent pas disposer de plus de personnels que ce que l'on leur donne.

La plupart du temps les directeu·rice·s ont le soutien de leur IEN sur cette question, la circonscription fournit une attestation d'absence d'enseignant pour les parents. Mais le problème n'est pas là. Ce n'est pas le fait de se savoir couvert·e qui peut suffire à apaiser la conscience qui se trouble. Car les premières personnes envers qui les enseignant·e·s et les directeu·rice·s se sentent engagé·e·s, se sont leurs élèves.

Si on nous avait dit il y a trois ans qu'on contrôlerait aujourd'hui l'entrée de l'école et qu'on refoulerait des élèves parce qu'il n'y a pas d'enseignant dans la classe, on n'y aurait pas cru. Quand on nous demande d'appliquer une FAQ - qui est au maximum une circulaire - qui contredit à demi-mot le principe légal de l'obligation scolaire, est-ce que ce n'est pas un premier glissement qui nous habitue à ne plus respecter la loi, tout doucement ? Il semble que les extrêmes soient aux portes du pouvoir. Que nous demandera-t-on de faire dans trois ans ?

 
 
 
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