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SE-UNSA 63


 Par SE-UNSA 63
 Le  dimanche 14 octobre 2012

Débat sur les conditions de la réussite à l’école : intervention du sénateur du Puy de Dôme Jacques-Bernard MAGNER

 

Débat sur les conditions de la réussite à l’école du mercredi 3 octobre 2012.

Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Mes Chers Collègues Sénatrices et Sénateurs,

Pour refonder l’Ecole, il conviendra avant tout de restaurer la confiance dans l’institution. Cela nécessite de porter un regard juste sur la situation de notre système scolaire et de ses personnels. C’est pourquoi il convient de souligner l’implication et le dévouement des enseignants, au quotidien, auprès des élèves. Ils ne manquent pas de créativité pour développer les projets de leurs établissements ou des pratiques pédagogiques innovantes. En effet, les enseignants ne sont pas des exécutants mais des créateurs. C’est sur cette force, cette richesse que la refondation de l’école devra s’appuyer.

La refondation de l’Ecole doit se faire avec l’ensemble des acteurs du système scolaire et ceux qui composent la communauté éducative. Il est indispensable de revenir à des pratiques d’écoute, d’attention et de considération des besoins de l’enfant, des attentes des parents, à conjuguer avec les objectifs de l’institution scolaire.

L’Ecole n’est pas utilitariste. Elle doit redevenir le lieu d’éveil, d’instruction, de formation et d’appréhension des valeurs du vivre ensemble dans notre République.

En ce sens, l’hommage rendu par le Président de la République le 15 mai dernier, à l’Ecole et aux enseignants était un signe fort en faveur d’une « nouvelle hiérarchie de valeurs au sommet  de laquelle se situera la science, l’intelligence, la recherche, la volonté d’apprendre et de transmettre ».

Un coup d’arrêt a été porté aux évolutions de notre système éducatif préjudiciables à la réussite de tous les élèves et des mesures de réparation ont été prises pour que la rentrée 2012 se passe dans les meilleures conditions possibles.

Au-delà, d’autres dispositions préparent l’avenir, notamment pour assurer le recrutement des futurs enseignants.

Recréer une formation pour les enseignants constitue une priorité pour la refondation de l’Ecole, car enseigner, ce n’est pas un art, c’est un métier qui s’apprend.

Les enseignants doivent être formés à la pluralité scolaire en leur permettant d’avoir une meilleure connaissance de leurs élèves. Il apparaît nécessaire de se réapproprier la psychopédagogie afin de donner aux futurs professeurs la connaissance fondamentale de ce qu’est l’enfant.

Les systèmes éducatifs les plus performants sont aussi ceux qui ont développé une formation initiale et continue des professeurs de grande qualité. Or, pour des raisons budgétaires, idéologiques et par méconnaissance de la réalité du métier, l’ancien gouvernement a négligé et sacrifié la formation des enseignants.

Alors que l’insuffisance de formation pratique était décriée, il l’a encore réduite, comme si enseigner était le seul métier qui ne s’apprend pas !

Dans l’exercice de leur métier, les enseignants sont amenés à travailler en équipe. Leur formation doit prendre en compte cette dimension en les formant au travail collectif et à la pédagogie de projet. Même s’ils enseignent des matières très différentes, ils exercent le même métier.

Actuellement les étudiants qui doivent réussir leur master et préparer les concours se trouvent dans une situation impossible : les deux exercices étant difficilement compatibles, sinon en opposition. C’est d’ailleurs un des facteurs identifiés du faible taux de réussite et d’inscription au concours.

Quelles que soient les nouvelles modalités de la formation, il faudra s’assurer que son contenu permette aux étudiants de mener à bien les deux projets.

Par ailleurs, la formation par alternance offre une voie intéressante à consolider. La formation devra mettre en outre l’accent sur les nouvelles technologies, qui représentent un vecteur de changement de la pédagogie.

Dans la refonte de la formation des enseignants, un traitement particulier devra être réservé à l’école maternelle.

Car la mise en œuvre d’une véritable politique d’égalité des chances dès l’école maternelle implique à la fois une pédagogie différenciée et un rééquilibrage des objectifs de l’école maternelle qui ne doit plus être dans l’anticipation des enseignements de l’école élémentaire.

On peut aussi se féliciter du retour au pré-recrutement qui permettra de restaurer une filière de promotion sociale. Les conditions d’entrée dans le métier d’enseignant sont une préoccupation majeure qui n’a pas été prise en compte ces dernières années. En témoigne le dernier rapport de la Cour des comptes qui dresse un véritable réquisitoire contre la gestion des ressources humaines dans l’Education nationale, et surtout des enseignants débutants.

A cet égard, une plus forte mixité au sein des établissements, entre néo-titulaires et enseignants chevronnés, devra être recherchée afin de développer un véritable accompagnement à l’entrée dans le métier. L’identification de maître accompagnateur qui constituerait une forme de tutorat pourrait être expérimentée, à l’instar du contrat de génération, dans les établissements réputés difficiles.

L’élève reste avant tout un enfant : enfant de sa famille, de son quartier, de son village… Son environnement est une donnée fondamentale à prendre en compte dans la réussite éducative. Il convient de replacer l’école, l’établissement dans son environnement, à travers une cohérence des politiques éducatives territoriales, peut-être à l’échelon d’un bassin de vie prenant en compte la nécessaire mixité sociale.

Dans cette perspective, l’établissement scolaire est bien l’élément central à appréhender en lien avec les autres structures du champ de « l’éducation globale » qu’elles soient périscolaires, communales ou associatives.

Il est grand temps de retrouver la notion de communauté éducative, pour une école plus ouverte, où l’enfant est considéré dans sa globalité. Les maîtres ont un rôle pivot à jouer dans le dialogue avec les autres partenaires de la communauté éducative : les parents, les élus, les intervenants extérieurs…

Dès leur formation, les enseignants doivent être sensibilisés à cette dimension de leur métier qu’il faut désormais orienter vers la co-éducation plutôt que la standardisation des pratiques. C’est cette communauté éducative qui doit être associée à la révision des rythmes scolaires, par la création de parcours cohérents et complémentaires d’éducation, car c’est le même enfant qui parcourt les différents espaces et temps éducatifs.

Pour lutter contre l’échec scolaire, la continuité des parcours éducatifs, du « fil continu » pour les élèves en rupture que l’on appelle les « décrocheurs », sera une question centrale dans la mise en œuvre de chemins différents pour réussir. Actuellement, le manque de deuxième chance représente un fléau pour notre Ecole républicaine et pour la réussite de tous. Contre le décrochage scolaire, nous avons besoin d’apporter des réponses diverses, construites sur le terrain, avec des allers retours possibles entre les différentes solutions proposées, et non de plaquer des réponses toute faites, uniformes, pour tout le monde et partout.

Pour chaque école, chaque établissement scolaire, il faut un projet pédagogique co-construit. Le projet pédagogique d’établissement, en tant que co-construction d’un projet partagé par une équipe enseignante devra être le cœur de cette démarche d’éducation globale.

Enfin, redéfinir le métier enseignant implique de réfléchir aux modes d’évaluations pertinents des pratiques professionnelles. Il faut passer d’une évaluation individuelle pour classer à une évaluation collective pour progresser.  Poursuivant notre idée de co-construction du projet pédagogique, nous souhaitons une auto-évaluation collective du fonctionnement de l’établissement qui ne se confondrait pas avec l’inspection individuelle des enseignants.

En conclusion, la refondation de l'Ecole que nous appelons de nos vœux permettra de réhabiliter un service public d’éducation pour tous. L’école devra être au cœur du dialogue avec les collectivités locales, les parents, les associations partenaires de l’école, tout particulièrement celles de l’éducation populaire, dans une démarche de co-construction. Il s’agira de (re)créer de vrais liens entre les différents institutions et partenaires du milieu éducatif, en restaurant la confiance et redonnant des marges de manœuvre aux enseignants. Au sein de cette communauté éducative,  l’enseignant aura toute la place qui doit lui revenir. Mais ce réel changement des pratiques éducatives nécessitera une redéfinition du métier, et par conséquent du statut des enseignants. Ce sera le rôle de la concertation que de définir les grandes lignes de ce nouveau cadre référentiel, qui se concrétisera par la loi d’orientation et de programmation que vous nous présenterez, Monsieur le Ministre.