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AESH : tĂ©moignage personnel d’un militant du SE-Unsa
Article publié le mardi 16 février 2021.
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Ces jours-ci, une intersyndicale se mobilise en envoyant un courrier au ministre et en interpelant nos politiques.
Oui la rémunération des AESH et plus largement la valorisation de ce métier mérite ce collectif, cette implication de tous, cette juste reconnaissance d'un rôle social crucial.

Une fois qu'on a dit ça, que le ton est donné, faut-il vraiment en dire davantage ?

Oui, Bien sûr ! Vous en doutiez ?

D'abord, par la force des choses, je me sens concerné par tout ce qui s'intéresse au statut des AESH.
Ensuite, sachez que je ne suis pourtant ni AESH moi-même, ni parent d'élève handicapé, ni élève handicapé pour ceux qui se posaient la question.
Alors, pourquoi ce billet ?

Juste pour vous apporter un point de vue, mon point de vue.
Je parle d'autant plus facilement du métier d'AESH que je suis aveugle moi-même, que j'ai connu l'éducation en établissement spécialisé, l'intégration sociale dans le milieu universitaire "normal", le métier de prof en collège assisté par un.e AVS/AESH.
Je vous parlerai donc de mon cas mais ce ne sera en rien ma biographie, vous pouvez souffler.

Du "haut" de ma carrière approchant la vingtaine d'années, j'ai vu, en tant que professeur aveugle, disons que j'ai entrevu l'évolution de notre "société scolaire".

Issu d'un milieu scolaire fermé, on peut dire intimiste au regard du nombre d'élèves par classe dépassant rarement les dix élèves par salle, je me suis souvent posé cette question :
Pourquoi intégrer les élèves en situation de handicap dans les établissements scolaires dits "normaux" ?
Quelle utilité puisque les enseignants n'y sont pas collectivement formés aux handicaps.
Après tout, j'ai fait 15 ans d'internat et je n'en suis pas mort !
De plus, la pédagogie différenciée était une réalité et c'était plutôt rassurant.

Certes, mais qu'ai-je connu de l'école ? Une école spéciale, protectrice, confinée aux handicaps.
Bien sûr, il y avait de la diversité sociale, mais la société elle-même m'échappait, ou plutôt, je lui échappais en tant que personne avec une différence.
Rien de mauvais ici, aucun regret, juste le constat d'un changement social d'une Ă©volution bienvenue.
D'ailleurs, les établissements spécialisés dans l'aide aux personnes en situation de handicap garderont chez moi une place particulière et importante. Il est en effet illusoire d'intégrer à marche forcée le plus d'élèves en situation de handicap. Le milieu "ordinaire" peut être une source de stress pour certains handicaps sociaux par exemple. Le bien-être des élèves en situation de handicap doit toujours être la priorité.

Dès lors, ma question première a évolué en :
Mais qu'est-ce qu'une Ă©cole ?

D'abord, c'est une Ă©cole du choix.
Pouvoir s'intégrer aux autres si cela est possible se révèle primordial. Non pas que les élèves handicapés aient à diffuser une doctrine du "bien" quelconque. Non, juste être présent au quotidien, dans la vie et l'évolution des élèves dits "normaux".

Ensuite, c'est une Ă©cole sociale.
L'instruction est importante : ne doutez pas de ma conviction. On est bien entendu "envoyé" à l'école pour apprendre, pour faire ses devoirs et connaître ses droits de citoyen du monde. L'école forme des citoyens est une affirmation qui me tient à coeur. Nous avons des droits mais aussi des devoirs et c'est ce qui explique que je sois adhérent au syndicat UNSA.
Bien sûr, certains pensent sûrement qu'un bon tutoriel sur un réseau social suffit. Mon expérience est tout autre. Un enseignant a l'avantage de s'adapter et d'apporter de l'aide.
La différence culturelle, physique, l'accessibilité à ce qui nous entoure, la diversité, voilà un des rôles de l'école prioritaire. Oui, avec la crise sanitaire tout le monde s'est rendu compte de ce rôle social je sais bien. Mais, j'irai plus loin : les différences sont une force trop longtemps ignorée.

Et le handicap dans tout ça ?
C'est l'une des différences avec le plus d'exigences, de contraintes, de barrières.
C'est une réalité qui m'est apparue alors que je débutais ma carrière au début du siècle.

Contrairement à mes collègues, il me fallait faire appel à quelqu'un pour me seconder en classe. Aveugle, j'ai en effet souvent du mal à me pencher sur les cahiers des élèves. J'ai aussi des difficultés à analyser le paralangage si souvent utilisé par des élèves attentifs ou non.

En fait, j'ai souvent eu moi-mĂŞme Ă  faire le recrutement de ces personnes, ces AVS, (ces assistants de vie scolaire). Pour ĂŞtre clair cela arrangeait tout le monde, moi y compris.
J'ai même été jusqu'à recruter ma compagne en milieu d'année ce qui m'avait à l'époque valu la réflexion de :
"c'est votre compagne, pourquoi demandez-vous un contrat avec plus d'heures" ?
Euh, parce que compagne ou pas il y avait un besoin clair de plus d'heures !

Voilà, on y est. AVS autrefois, AESH aujourd'hui, voici ma réalité.

Les premières années, j'ai dû recruter une nouvelle personne en moyenne tous les ans et demi. La plupart étaient étudiants et m'ont quitté pour des cieux plus cléments et souvent bien mieux payés. Problème, il fallait tout reprendre à chaque fois, recréer une équipe.
Comment leur en vouloir de me laisser. Après tout, c'était un job d'étudiant et les étudiants ça trouve un vrai travail, avec un vrai salaire...
Pourtant, cet acquis d'une vie professionnelle reposant uniquement sur des étudiants a volé en éclat.

J'ai trouvé une personne pour qui ce travail, eh bah, en est un vrai, réel, épanouissant (disons que j'aime à le croire). Certes, son salaire d'AESH me fait pitié eu égard à tout ce que son travail m'apporte.
Au moins, elle est en CDI actuellement pour me seconder dans toutes mes tâches : en cours, dans mes responsabilités diverses et variées, dans mon métier d'enseignant engagé.

Oui il est question ici d'un vrai métier. De cours avec deux adultes qui dialoguent sur le contenu d'un cours, sur des réactions d'élèves... C'est une vraie équipe dans laquelle je ne suis pas le prof-chef. D'ailleurs, je plains mes collègues qui, seuls dans leur classe ne connaissent pas ma chance.
Oui, mon AESH, enfin je veux dire APSH (assistant d'un personnel en situation de handicap) a un travail différent de celui d'un.e AESH (assistant d'un élève en situation de handicap).
Pourtant, je me mets facilement à la place d'un élève en situation de handicap actuel, et je perçois le chemin qu'il reste à parcourir.

Pour avoir le droit de se faire aider d'un.e AESH, il faut que l'élève obtienne une notification de la maison départementale des personnes handicapées.
Souvent, un nombre d'heures de présence de l'AESH est défini qui ne couvre absolument pas l'ensemble des heures de cours.
Je ne suis pas médecin et n'ai pas à critiquer les décisions professionnelles.
Non, juste ces décisions sentent tellement souvent la "priorité économique" que cela m'inquiète.

Ainsi, les matières étudiées dans lesquelles l'aesh est présent sont délibérément choisies. Il est en effet étrange que dans ma matière, l'éducation musicale et chant choral, je n'ai accueilli que trois aesh durant toute ma carrière. Serait-il possible que le handicap de mes élèves n'ait aucune importance pendant mes heures de cours ? Non, ne répondez pas !
De plus, un.e aesh mutualisé.e comme c'est désormais la règle la plupart du temps, aide plusieurs élèves en même temps (qui a dit rentabilité ?).
Enfin, avec les PIAL (les pôles inclusifs d'accompagnement localisés), les AESH semblent inter-changeables. Ils.elles peuvent en cours d'année être déplacé.e.s, changer d'élève. C'est là le point qui me heurte le plus.
Oui, des personnes qui travaillent ensemble, peu importe leur âge, sont une équipe. En déplaçant ces personnels essentiels on casse les équipes. J'ai trop reconstruit d'équipes pour savoir que cela n'est pas simple et que la confiance n'est pas immédiate. D'ailleurs, il arrive parfois que les élèves culpabilisent et cherchent une explication dans laquelle ce changement en cours d'année est dû à une faute qu'ils auraient pu commettre.
Cela revient aussi à nier le rôle de facilitateur scolaire, social et psychologique des AESH. N'oublions pas qu'un élève en confiance va s'épanouir au contact d'un adulte qu'il connaît et grâce auquel, être humain reconnu comme tel, l'élève va pouvoir évoluer.

J'entends souvent que laisser le mĂŞme AESH Ă  un Ă©lève en situation de handicap facilite l'assistanat. Je ne nie point qu'il existe des dĂ©rives, qu'il est difficile  de faire la part des choses lorsque un Ă©lève, adolescent par exemple recourt Ă  la pitiĂ© de sa condition pour ne pas jouer son rĂ´le d'Ă©lève et laisser aux adultes bienveillants le loisir de le sur-protĂ©ger, de l'excuser pour son absence d'effort. Pourtant, il existe une solution simple, la formation.

Il faut donc des formations complètes, pour un métier d'AESH complet, avec un salaire complet car un métier si socialement important nécessite une reconnaissance certes mais aussi la possibilité de vivre de son travail.

Un travail au contact de l'humain doit ĂŞtre une plus-value et non un travail qui va de soi. N'oublions pas que sans ces personnes de l'ombre notre Ă©ducation nationale ne jouerait pas ses rĂ´les.

Cédric Picard secrétaire départemental SE-UNSA 37 et UNSA Education 37

 
 
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