Mardi 21 avril, le ministre, auditionné par les députés de la Commission des Affaires Culturelles, a exposé de manière détaillée les hypothèses sur lesquelles le ministère travaille pour une reprise progressive des écoles, collèges et lycées à partir du 11 mai. N’ayant fait l’objet d’aucun échange préalable avec les personnels, ces hypothèses soulèvent de très nombreuses questions.
Les hypothèses pour une rentrée progressive
1) La rentrée se ferait par niveau:
• La semaine du 11 mai : rentrée des GS, CP et CM2.
• La semaine du 18 mai : rentrée des 6ème et des 3eme en collège, des premières et terminales en lycée.
• La semaine du 25 mai : rentrée de tous les autres niveaux.
• Dans les écoles, la pré-rentrée aurait lieu le 11 mai et l’accueil des élèves débuterait dès le 12. En revanche, dans le second degré, on aurait une semaine complète pour s’organiser.
2) Les conditions et précisions apportées par le ministre:
• Un protocole sanitaire national : pour rouvrir, les écoles et établissements devront pouvoir respecter ce protocole qui n’est pas encore connu.
• Des groupes à effectif réduit (le ministre évoque le nombre de 15 élèves). Lorsque les élèves ne sont pas avec leur(s) enseignant(s), ils sont soit à la maison (école à distance), soit en étude, soit accueillis dans des activités péri-scolaires (sportives, sanitaires, culturelles ou civiques) organisées par les collectivités.
• Les élèves et les personnels présentant des risques ou ayant des membres de leur famille à risques resteront à distance.
• L’organisation concrète sera locale pour prendre en compte la réalité des locaux, des équipements, des effectifs, des personnels disponibles,…
• Le rythme de mise en œuvre pourra être différencié selon les territoires (régions épargnées par l’épidémie ou très touchées par exemple ; écoles en EP avec classes dédoublées ; écoles à faible effectif en zone rurale).
• La priorité sera accordée aux élèves décrochés de l’enseignement à distance (4% selon le ministre) et aux élèves en situation de handicap.
• Sur le plan pédagogique, il ne s’agira pas de faire les programmes mais de faire le point avec chaque élève et de consolider ses apprentissages grâce à la « personnalisation ».
Des incertitudes qui nourrissent l’inquiétude des personnels et des familles.
L’absence d’un protocole sanitaire établi à partir de recommandations des autorités de santé et en dialogue avec les représentants des collectivités et des personnels, stabilisé et connu de tous contribue fortement à l’impression que le ministre « met la charrue avant les bœufs » et tente d’imposer avant tout débat ses choix préférentiels. Interrogé par les députés sur les avis scientifiques qui le conduisent à faire de telles propositions, le ministre n’a cité qu’une publication de l’Académie des Sciences allemande. Celle-ci, au vu de la situation de la pandémie en Allemagne recommande la réouverture des écoles pour des raisons principalement sociales et économiques. Mais la comparaison avec l’Allemagne est-elle bien judicieuse ? Au final, le ministre affirme que « faire durer le confinement scolaire serait la solution de facilité ». Pas sûr que les personnels qui s’échinent à faire fonctionner la « continuité pédagogique » partagent cette opinion.
Les incertitudes sur les masques, les tests, le gel hydroalcoolique, les sanitaires des établissements scolaires, les difficultés à respecter et faire respecter les gestes barrière que mettent en évidence les enseignants qui participent à l’accueil des enfants de soignants, expliquent en grande partie les réserves des personnels.
Les objectifs mis en avant par le ministre pour cette reprise sont des objectifs sociaux. Il cite les décrocheurs de l’école à distance, les enfants qui n’ont plus accès à la cantine et les violences intra-familiales. Cette affirmation du rôle social de l’Ecole est positive mais il ne faudrait pas qu’elle soit utilisée pour « culpabiliser » les personnels et les contraindre à accepter de reprendre le chemin de leur école ou de leur établissement même si les garanties sanitaires ne sont pas assurées.
Des questions auxquelles il faudra répondre
En nous plaçant dans l’hypothèse que la situation sanitaire permet d’envisager une reprise selon le calendrier du ministre, de nombreuses questions se posent encore :
• Comment assurer la « distanciation sociale » dans les transports scolaires ou publics utilisés par les élèves et les personnels ?
• Comment assurer les mouvements des élèves dans les espaces communs (couloirs, cour de récréation,…) ?
• Comment assurer la restauration scolaire ?
• Comment assurer la rotation des groupes d’élèves ?
• Comment organiser les entrées et les sorties pour éviter les regroupements d’adultes ?
• Comment seront identifiés les personnels à risques ?
• Comment procéder en cas de repérage d’un cas suspect ?
• Qui assurera l’école à distance si les enseignants sont à temps plein dans leur établissement ? Penser qu’ils puissent faire les deux, comme le ministre l’a laissé entendre, c’est nier la réalité du métier. Des garanties doivent être apportées sur cette question.
• Un effectif de 15 élèves ne peut être une norme absolue. Elle doit être modulée en fonction de l’âge des élèves et des locaux. Qui décidera ?
• Une pré-rentrée est indispensable pour mettre au point une organisation nouvelle. Une journée n’est pas suffisante dans les écoles et il ne peut pas être demandé aux personnels de se réunir avant le 11 mai. Il faut décaler la rentrée des élèves pour donner plus de temps en équipe pour préparer leur arrivée.
Bien sûr, nous pensons tous qu’il est souhaitable que les élèves reviennent en classe au plus vite, pour limiter au maximum le décrochage des apprentissages, permettre une mise en commun des expériences, et faciliter la projection vers la reprise en septembre.
Bien sûr, nous comprenons qu’il va falloir apprendre à vivre avec le Covid-19 et qu’il faut que l’école reprenne.
Mais cela ne peut se faire au détriment de la santé des élèves et des personnels et doit s’inscrire dans le déconfinement général de la société toute entière.
Les personnels demandent simplement les mêmes garanties et les mêmes mesures de protection que le reste de la population.