Des chiffres glaçants

Violences sexuelles faites aux enfants : on vous croit. En choisissant ce titre, la CIIVISE ne s’en cache pas, se met au service et du côté des victimes. Elles sont 30 000 à avoir témoigné des violences subies mais aussi des traces indélébiles que celles-ci laissent très longtemps après sur l’enfant devenu.e adulte. La Commission égrène des chiffres terrifiants tout au long de son épais rapport. En France :

  • 160 000 enfants sont victimes chaque année de violences sexuelles, soit un toutes les trois minutes.
  • 3,9 millions de femmes et 1,5 millions d’hommes ont été confronté.es à des violences sexuelles avant l’âge de 18 ans.
  • 8 ans et demi est l’âge auquel les violences débutent en moyenne, 7 ans et demi dans les cas d’inceste et pour 22% des victimes avant 5 ans.
  • Dans 97% des cas, l’agresseur est un homme et dans 81% des cas, il est majeur. Il s’agit le plus souvent du père pour 27% des victimes (frères à 19%, oncle à 13%, amis des parents à 8%).
  • Chaque année, les violences sexuelles coûtent 9,7 milliards d’euros à la société française selon la CIIVISE.

La CIIVISE insiste : dans 81% des cas c’est un membre de la famille qui est l’agresseur et dans 22% c’est une personne proche de la famille. Elle en fait une étude fouillée en se basant sur la psychiatrie notamment et détaille leur mode opératoire criminel qui est bien loin de la supposée pulsion.

Des conséquences lourdes et à vie

Le rapport documente les conséquences de ces violences sexuelles d’autant plus lourdes lorsque les victimes obtiennent le « silence en (seule) réponse à la révélation Â». Peu d’entre elles osent parler, seule une sur 10 révèle les violences au moment des faits. Or si elles sont crues à 70% par leur confident.e (le plus souvent la mère), elles ne reçoivent ni aide, ni protection. C’est-à-dire que « personne ne fait cesser la violence et n’oriente l’enfant vers un.e professionnel.le de santé Â».

Sans protection ni soins, impossible de se construire et d’avancer, ce que le rapport définit comme le « présent perpétuel de la souffrance Â». Les victimes développent à 90% des troubles de stress post-traumatiques : conduites à risque (alcool, drogue, relations sexuelles non protégées, etc.), des troubles psychiques et/ou physiques (dépression, conduites suicidaires, etc.). Tous ces troubles ont des conséquences sur la vie affective et sexuelle (difficulté à s’attacher dans une relation, à tomber enceinte, hypersexualité ou absence de sexualité, etc.) et un risque accru de subir à nouveau la violence. Le fait d’avoir été « victime de violences sexuelles dans son enfance, augmente par 2 le fait d’être victime de violences conjugales au cours de sa vie Â».

Un mal endémique et systémique

La CIIVISE est allée au-delà des chiffres actuels dans son rapport. Elle s’est tournée vers l’Histoire, la littérature, le cinéma, la psychiatrie et les sciences sociales. Elle montre ainsi que la position et la représentation de l’enfant au fil des siècles ont évolué, qu’à certains moments, l’enfant est devenu un humain comme un autre qui a le « droit au plaisir Â» donc à une sexualité.

Ce contexte favorise les « bonnes planques Â» dans lesquelles peuvent se faufiler les agresseurs. La parole de l’enfant, on l’a vu, n’est pas toujours entendue et/ou crue, la peur d’une manipulation de l’autre parent (« syndrome de l’aliénation parentale Â») reste vivace. Surtout, la CIIVISE dénonce le traitement judiciaire réservé aux violences sexuelles envers les enfants. Elle parle même d’impunité dont jouissent les agresseurs : très peu de plaintes, encore moins de condamnations, une plainte sur six pour viol ou agression sexuelle sur mineur.e  et une sur dix en cas d’inceste y aboutissent. La prescription, toujours maintenue en France, n’arrange rien.

82 préconisations

L’immense travail de la CIIVISE aboutit à 82 préconisations pour lutter contre le déni, écouter les victimes, les croire et mieux les protéger.

Elles sont déclinées autour de quatre axes :

  • Le repérage des enfants victimes, 19 préconisations dont la « formation de tous les professionnel.les au repérage par le questionnement systématique Â» notamment avec l’outil de formation créé par la CIIVISE : Mélissa et les autres.
  • Le traitement judiciaire, 41 préconisations dont « reconnaître une infraction spécifique d’inceste Â», « ajouter le cousin ou la cousine dans la définition des viols et agressions sexuelles qualifiés d’incestueux Â» et surtout « déclarer imprescriptibles les viols et agressions sexuelles commis contre les enfants Â».
  • La réparation incluant le soin, 9 préconisations dont « la garantie des soins spécialisés du psychotraumatisme avec un parcours de soin modélisé Â» (au moins 20 séances de soins annuelles).
  • La prévention des violences sexuelles, 12 préconisations dont « généraliser le repérage des facteurs de risques par tous les professionnel.les (violences conjugales, grossesse), « assurer la mise en Å“uvre effective à l’école des séances d’éducation à la vie sexuelle et affective Â».

La dernière préconisation, « assurer la continuité de la CIIVISE Â», elle, est actée. Le gouvernement a annoncé que la commission va bien continuer avec une nouvelle direction et de nouvelles missions, notamment la lutte contre la pédocriminalité en ligne. Cette évolution suscite actuellement des débats sur l’évolution des missions de cette commission et plusieurs membres ont déjà annoncé leur démission.

L’UNSA Éducation salue l’œuvre de la CIIVISE pour son remarquable travail d’analyse, de synthèse et de propositions. Elle soutient bien évidemment les recommandations proposées, en particulier toutes celles qui ont trait à l’école : éducation à la vie affective et sexuelle, formation des personnels au repérage. Il est également indispensable d’avoir davantage de personnels sociaux et de santé dans les écoles et les établissements. A présent, il faut aller plus loin et au-delà de l’écoute des victimes, leur offrir le cadre législatif protecteur dont elles ont besoin.

Pour aller plus loin

Site CIIVISE

Rapport de la CIIVISE

Article EVAS