DĂ©finition de lâempathie
Omar Zanna, maĂźtre de confĂ©rences en sociologie et en psychologie Ă lâuniversitĂ© du Maine, dĂ©finit la notion dâempathie comme Ă©tant la comprĂ©hension de lâautre, Ă distance.
Il ne sâagit pas de âse mettre Ă la place de lâautreâ comme on lâentend souvent mais dâavoir la capacitĂ© dâapprĂ©hender le paysage intĂ©rieur de lâautre sans sây confondre. On nâest pas lâautre, mais Ă distance de lâautre on peut le comprendre.
Ce nâest pas non plus la contagion Ă©motionnelle qui mĂšne Ă la compassion oĂč il nây a plus de diffĂ©rence entre la douleur de lâautre et nous.
Toujours selon Omar Zanna, lâempathie comporte deux dimensions complĂ©mentaires : lâempathie Ă©motionnelle et lâempathie cognitive.
Lâempathie Ă©motionnelle est celle qui nous permet dâidentifier les Ă©motions dâautrui, lâempathie cognitive câest notre capacitĂ© Ă comprendre autrui qui ne nĂ©cessite pas forcĂ©ment une dimension Ă©motionnelle. Câest cette derniĂšre que les enseignants activent principalement pour accompagner leurs Ă©lĂšves.
Lâempathie mature, qui sâinstalle vers 5-6 ans, est une combinaison de ces deux empathies.
Lâempathie se dĂ©veloppe davantage et plus complĂštement quand on est amenĂ© Ă cĂŽtoyer des personnes diffĂ©rentes. Le manque dâempathie provoque une objectivation de lâautre qui disparaĂźt alors de notre paysage mental et devient âune choseâ. Enfin Omar Zanna insiste sur la dimension corporelle, lâempathie doit sâĂ©prouver physiquement, en transitant par le corps pour sâimprimer au-delĂ de la cognition.
La méthode danoise
La mĂ©thode danoise Ă©voquĂ©e par le ministre se nomme âFri For Mobberiâ que lâon peut traduire par âsans brimadesâ ou âlibĂ©rĂ© de lâintimidationâ. Elle est axĂ©e autour de quatre valeurs fondamentales qui sont enseignĂ©es dans des moments dĂ©diĂ©s, et mĂȘme au-delĂ , dans tous les temps de lâenseignement : la tolĂ©rance, le respect, le soin et le courage. Lâempathie nâen est quâune des composantes.
Elle vise à développer les compétences psychosociales dÚs le plus jeune ùge, à favoriser les interactions positives dans le groupe en promouvant un climat scolaire inclusif et respectueux.
Actuellement expĂ©rimentĂ©e par la Ligue de lâEnseignement en France, la mĂ©thode est composĂ©e de divers outils pour les professionel·les, les parents et les enfants : guides, cartes dilemmes, planches de discussion, livrets dâactivitĂ©âŠ
Elle suppose une formation préalable de 6 heures à destination de la communauté éducative (professionnel·les et parents).
Elle comporte un volet nommĂ© âmassageâ mais le terme est inadaptĂ©, car il ne sâagit pas que les enfants se fassent des massages Ă proprement parler, mais quâils sâamusent en dessinant avec leurs doigts dans le dos les uns des autres. Ces contacts physiques ne sont pas obligatoires, mais permettent dâintĂ©grer lâaspect corporel mentionnĂ© par Omar Zanna et de rendre concrĂšte la notion de consentement. Cette dĂ©nomination peut gĂ©nĂ©rer des rĂ©ticences chez nous, le toucher est plus libre et plus dĂ©veloppĂ© au Danemark. On voit dans cette vidĂ©o de quel type dâexercice il sâagit.
Et en France ?
Il existe aussi en France des exercices pour dĂ©velopper lâempathie chez les Ă©lĂšves comme le jeu des 3 figures du psychologue Serge Tisseron qui consiste en un jeu thĂ©Ăątral original centrĂ© sur les 3 figures de lâagresseur, de la victime et du tiers, animĂ© chaque semaine par les enseignants aprĂšs une formation initiale de 18h. Il est adaptĂ© pour les Ă©lĂšves de la MS Ă la 6e incluse.
Pour les plus grands, on a le jeu des mousquetaires dâOmar Zanna, oĂč les enfants sont en Ă©quipe de quatre. Trois dâentre eux sont dans une position inconfortable, lâun assis avec une jambe tendue en lâair, lâautre tenant un ballon Ă bout de bras etc. Le quatriĂšme est le joker, il court autour de ses coĂ©quipiers et les observe. Il doit remplacer celui qui en a besoin avant quâil lĂąche sa posture. Dans une premiĂšre version du jeu, les enfants peuvent parler, dans une seconde, le joker doit remplacer un camarade en Ă©valuant visuellement ses difficultĂ©s. Ă lâissue du jeu, chacun sâexprime sur la façon dont il a vĂ©cu la sĂ©quence.
On voit dans ces deux exemples que le corps est en jeu, sans lâaspect âmassageâ qui ne nous est pas forcĂ©ment familier en France.
Questions en suspens et points de vigilance
Comment et quand les enseignants vont-ils ĂȘtre formĂ©s pour ĂȘtre prĂȘts dans moins dâun an Ă mener des sĂ©ances de ce type avec leurs Ă©lĂšves ? Alors que lâannonce a Ă©tĂ© faite quâil ne devrait plus y avoir de formation sur le temps de cours et Ă un moment oĂč les programmes de formation continue de lâannĂ©e sont dĂ©jĂ dĂ©finis, cela ne va pas ĂȘtre simple !
Sur quels temps ces cours vont-ils avoir lieu ? Sur lâEMC peut-ĂȘtre, mais ce nâest pas forcĂ©ment compatible avec le travail en cours du conseil des programmes pour recentrer lâEMC autour des valeurs et principes de la rĂ©publique et de lâĂ©ducation aux mĂ©dias et Ă lâinformation.
Enfin il va falloir se montrer trÚs vigilant à ce que ces cours ne deviennent pas un nouveau réceptacle pour les pratiques se réclamant de la psychologie positive et du développement des compétences psychosociales mais qui ont plus à voir avec des pratiques de développement personnel, voire carrément new-age ou ésotériques.
Ce nâest pas en prĂŽnant un bien-ĂȘtre individuel âobligatoireâ via des pratiques qui nâont pas leur place dans une Ă©cole laĂŻque, que nous allons agir positivement sur les dynamiques de groupe Ă mĂȘme dâenrayer les dynamiques de harcĂšlement !