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TED-i, pour « Travailler Ensemble Ă Distance et en interaction » est un dispositif pour les Ă©lĂšves empĂȘchĂ©s par des maladies somatiques, graves et de longue durĂ©e qui leur permet dâĂȘtre prĂ©sents dans leur Ă©tablissement scolaire via un robot de tĂ©lĂ©prĂ©sence. Le 3 dĂ©cembre dernier, le ministre a annoncĂ© avec Brigitte Macron le dĂ©ploiement de 4000 de ces robots sur tout le territoire qui devrait ĂȘtre effectif fin 2022.
LâUnsa-Ăducation a voulu en savoir plus sur ce projet dont lâannonce a paru soudaine aux acteurs de terrain. En effet, la gĂ©nĂ©ralisation des robots de tĂ©lĂ©prĂ©sence nâa absolument pas Ă©tĂ© Ă©voquĂ©e dans le cadre des Ătats gĂ©nĂ©raux du numĂ©rique pour lâĂ©ducation.
Contrairement Ă ce qui est indiquĂ© sur le site du ministĂšre, il ne sâagit pas dâune âpremiĂšre mondialeâ, les robots de tĂ©lĂ©prĂ©sence ont commencĂ© Ă ĂȘtre utilisĂ©s de façon expĂ©rimentale en CorĂ©e et aux Ătats-Unis dĂšs 1998 dans le champ Ă©ducatif. Ils arrivent France en 2013 en Auvergne-RhĂŽne-Alpes oĂč est nĂ©e la premiĂšre start-up française sur ce crĂ©neau, Awabot, qui a importĂ© un robot amĂ©ricain pour dĂ©velopper cette activitĂ©. Nous avions dĂšs 2014 Ă©voquĂ© la premiĂšre expĂ©rimentation dans des lycĂ©es de lâacadĂ©mie de Lyon, suivie par lâIFĂ©, sur notre site âĂcole de demainâ. En 2014, lâuniversitĂ© de Pau et le SAPAD (Service dâassistance pĂ©dagogique Ă domicile) des Landes ont commencĂ© Ă dĂ©velopper et Ă©tudier des usages pour les Ă©lĂšves empĂȘchĂ©s.
Le robot de tĂ©lĂ©prĂ©sence ne sert pas seulement Ă assister aux cours, comme le permettrait nâimporte quel moyen classique de visio-confĂ©rence. En effet, la capacitĂ© de se mouvoir (se dĂ©placer dans lâespace, tourner la tĂȘte) augmente trĂšs significativement les possibilitĂ©s dâinteraction et de participation, non seulement dans le cadre des apprentissages, mais aussi dans le lien avec les pairs. Le robot de tĂ©lĂ©prĂ©sence peut aller en rĂ©crĂ©ation, bavarder pendant les dĂ©placements, ĂȘtre prĂ©sent Ă la cantine⊠Il permet Ă lâĂ©lĂšve dâĂȘtre prĂ©sent dans son Ă©tablissement en restant membre de son groupe de pairs.
Il apparaĂźt Ă©vident que proposer cette possibilitĂ© aux Ă©lĂšves Ă©loignĂ©s physiquement de lâĂ©cole pour des raisons de longue maladie ou de handicap est quelque chose de fort intĂ©ressant et que vouloir le gĂ©nĂ©raliser est une trĂšs bonne idĂ©e.
Nous avons depuis 2013 du recul suite Ă des expĂ©rimentations accompagnĂ©es par des chercheurs, nous connaissons les conditions nĂ©cessaires, les Ă©cueils Ă Ă©viter et les points dâattention sont identifiĂ©s : lâextension et la gĂ©nĂ©ralisation du dispositif est donc envisageable dans de bonnes conditions sauf queâŠ
La confusion entre maintien du lien social et dispositif pĂ©dagogique est entretenue jusque dans le nom du projet. Or câest bien le maintien du lien social avec les pairs qui est central et premier (sinon de la visio suffirait pour un coĂ»t bien moindre), ne pas ĂȘtre clair sur ce point donne une impression de gĂąchis dâargent public et/ou dâune simple opĂ©ration gadget !
TED-i prĂ©voit lâutilisation de 3 robots diffĂ©rents : Beam, Buddy et Edmo.
Concernant le robot Beam dâAwabot, on a du recul et il existe des Ă©tudes, peut-ĂȘtre aurait-il fallu le dĂ©ployer en prioritĂ© et tester les autres Ă petite Ă©chelle dâabord.
Le robot Buddy, conçu initialement pour des personnes ĂągĂ©es isolĂ©es, est petit, il doit ĂȘtre posĂ© sur une table en classe ce qui retire une partie de lâintĂ©rĂȘt de la mobilitĂ©. De plus, son aspect âmignonâ risque de gĂȘner lâeffacement du robot au profit de lâĂ©lĂšve et augmente le risque que le robot devienne une âmascotteâ. Dans les documents du ministĂšre il est prĂ©cisĂ© que âde par son apparence, il est principalement destinĂ© aux Ă©lĂšves du 1er degrĂ©, de 5 Ă 11 ansâ ce qui tĂ©moigne dâun point aveugle sur ce sujet, au moins dans la communication officielle.
Quant au robot Edmo, il est bon marché mais son équipement est low cost, sa caméra notamment donne une image de piÚtre qualité qui risque de rendre vaine toute tentative de lire ce qui est écrit sur un tableau. De plus, il ne peut pas se déplacer, juste orienter sa caméra, il est donc peu adapté pour les échanges informels entre pairs.
Les conditions techniques nĂ©cessaires au dĂ©ploiement massif de ces robots sont loin dâĂȘtre partout rĂ©unies : il faut une connexion adaptĂ©e, un port wifi dĂ©diĂ© ouvert⊠ce nâest pas toujours possible, notamment dans le 1er degrĂ© !
Il semblerait que seul le financement des robots ait Ă©tĂ© prĂ©vu, les volets formation et accompagnement, indispensables Ă la rĂ©ussite du projet, ont Ă©tĂ© confiĂ©s Ă des personnels existants sans crĂ©ation de postes supplĂ©mentaires ou allĂšgement dâautres missions. MĂȘme quand ils sont intĂ©ressĂ©s et volontaires, les collĂšgues concernĂ©s nous ont confiĂ© avoir du mal Ă envisager sereinement cette surcharge de travail.
La prise en main technique des robots est loin de suffire ; la connaissance des freins et les accompagnements nécessaires des élÚves, des familles, des équipes et des enseignants concernés est essentielle.
Il faut organiser la prĂ©sence et la gestion du robot dans lâĂ©tablissement : comment est-il connectĂ© ? rechargĂ© ? stockĂ© ? transportĂ© dâun endroit Ă un autre ? relancĂ© sâil buggue ?⊠Il faut rassurer les enseignants qui, Ă juste titre, sâinquiĂštent de la prĂ©sence dâune camĂ©ra dans leurs cours qui devient potentiellement visible par dâautres que lâenfant empĂȘchĂ© (ses parents, des soignantsâŠ).
Le cours doit ĂȘtre adaptĂ© en termes de volume sonore, de traces Ă©crites (certaines couleurs sur tableau blanc ne seront pas visiblesâŠ) et la tĂ©lĂ©prĂ©sence de lâĂ©lĂšve ne dispense pas de la mise Ă disposition du travail par les moyens habituels (ENTâŠ).
Il faut aussi prĂ©voir des rĂŽles remplis par des Ă©lĂšves volontaires pour gĂ©rer le robot (son transport, son positionnementâŠ) en veillant Ă ce que ce ne soit pas pesant et quâil nây ait pas de phĂ©nomĂšne de moqueries dommageable pour lâĂ©lĂšve empĂȘchĂ©.
Enfin la famille et lâĂ©lĂšve doivent ĂȘtre accompagnĂ©s par le SAPAD dans la prise en main technique, lâorganisation (temps de tĂ©lĂ©prĂ©sence possibles en fonction des soins, de la fatigabilitĂ©âŠ) et le vĂ©cu de cette situation trĂšs particuliĂšre qui nâest pas Ă©vidente.
Il y a par exemple la question dĂ©licate du choix de lâenfant de montrer ou non son visage, il peut y avoir des Ă©tapes en fonction de son Ă©tat physique et de son ressenti (avatar, photo, vidĂ©o en direct). Il nous a Ă©tĂ© rapportĂ© que dans le cadre de TED-i il y aurait eu la consigne dâune interdiction absolue que le visage de lâenfant soit visible ce qui dĂ©sincarnerait fortement le dispositif lui enlevant une grande partie de son intĂ©rĂȘt et de la possibilitĂ© pour lâenfant concernĂ© de travailler lui-mĂȘme sur cet aspect.
Si vous souhaitez en savoir plus, cette confĂ©rence organisĂ©e en 2019 par lâuniversitĂ© de Pau est trĂšs complĂšte.
Il ne faudrait pas que lâon aille vers un abandon rapide dâun projet aussi utile pour les Ă©lĂšves auxquels il est destinĂ©, faute de rĂ©els moyens et dâune stratĂ©gie vraiment opĂ©rationnelle, progressive et prenant en compte tous les acteurs.
Nous espérons vivement, que TED-i permettra à terme, une réelle amélioration du vécu des élÚves en longue maladie.
Pour aller plus loin :