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Crise de l’école et de l’hôpital, impact sur les pratiques professionnelles ?
Article publié le mercredi 24 février 2021.
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Introduction

En ces temps de crise et suite aux grands changements qui ont été apportés aussi bien dans le secteur du soin que celui de l’éducation, nous avons décidé de rédiger cet article dans l’objectif d’entamer une réflexion sur les différentes répercussions que ces réformes peuvent entraîner sur le travail et la pratique professionnelle quotidienne des enseignants et du personnel soignant.

La crise de l’École

Develay (1996) précise, dès les premières pages de son livre Donner du sens à l’école, que le concept de « crise Â» renvoie à deux origines sémantiques qui sont aussi distinctes que complémentaires : la première fait référence à une phase qualifiée d’aiguë dans l’évolution d’une maladie représentant un moment décisif de ce processus. La seconde quant à elle exprime à la fois un danger et une opportunité. Une ouverture engageant une vision à la fois pessimiste et optimiste signalant la fin de quelque chose et le début d’une autre (Develay, 1996). Ce que nous allons essayer de démontrer dans cet article c’est l’impact qu’ont pu avoir tous les changements gouvernementaux (au sens très large du terme) sur le système scolaire et éducatif français. Plus précisément, nous allons tenter d’explorer en quoi cette crise ou plutôt ces crises ont pu impacter les pratiques professionnelles des enseignants.

À la fin du XXe siècle, les politiques européennes dans le domaine de l’éducation étaient dominées par les restrictions imposées par le principe de subsidiarité. Ce principe permettait aux pays de traduire les orientations européennes en politiques nationales et régionales en fixant des objectifs et des mesures spécifiques. Rappelons que le Traité de Maastricht -1992- exclut explicitement toute harmonisation dans le domaine de l’éducation et de la formation. Cependant, avec la crise des années 1980, pour faire face à la concurrence économique et relancer l’emploi, l’éducation en France a progressivement pris la première place dans l’agenda.

En France, plusieurs réformes institutionnelles ont été lancées entre 1959 et 1975 afin de relever le niveau de l’enseignement et d’unifier les structures du secondaire. Les anciennes filières d’enseignement (avec des filières professionnelles courtes pour certains élèves) ont été supprimées et un programme commun unifié a été rendu obligatoire. En outre, toute sélection de filière a été reportée à la fin du premier cycle de l’enseignement secondaire (à l’âge de 15 ou 16 ans). Cependant, il a fallu un certain temps (et plusieurs actes ultérieurs) pour que cela soit réellement réalisé, et ce n’est que depuis les années 1980 qu’il est devenu obligatoire pour chaque élève français de suivre la totalité des 4 années du collège. En tout état de cause, ces lois ont produit une première vague d’expansion du nombre d’élèves scolarisés (Duru-Bellat, 2008). Cependant, les fortes inégalités sociales que les sociologues français (comme Pierre Bourdieu) avaient dénoncées dans les années 1960 ne se sont pas annulées, mais plutôt retardées à la fin du collège, lorsque les élèves ont été orientés soit vers le lycée, soit vers des filières professionnelles, de sorte que les inégalités ne se sont déplacées que vers un niveau supérieur.

Ainsi, une deuxième vague de réformes a été mise en Å“uvre à la fin des années 1980, à nouveau pour relever le niveau moyen d’éducation et tenter de réduire l’écart entre les groupes sociaux. Le moyen le plus simple d’y parvenir était d’élargir l’accès au deuxième cycle de l’enseignement secondaire, ce qui a été fait : La France a connu une expansion spectaculaire de l’éducation depuis les années 1960 et surtout au cours des années 1980. Après une augmentation constante du pourcentage d’une génération passant le « baccalauréat Â», d’environ 5% en 1950 à 28% au début des années 1980, l’objectif politique de « 80% d’une génération passant le baccalauréat Â» a été fixé en 1981, comme l’a proclamé le ministre de l’éducation de l’époque. Il s’agissait de réduire le nombre de redoublements dans l’enseignement primaire et de supprimer l’orientation précoce vers l’enseignement professionnel, ce qui signifiait, jusqu’au milieu des années 1980, que les élèves les plus « faibles Â» – et donc le plus souvent les élèves de la classe ouvrière – quittaient l’école secondaire à l’âge de 14-15 ans. Ces changements ont réduit la sélectivité dans les carrières scolaires, même si le niveau scolaire des élèves ne s’est pas amélioré de manière significative. Certains auteurs ont même parlé d’une sous-sélection relative des élèves de la classe ouvrière, susceptible d’affecter leur trajectoire scolaire ultérieure (Convert, 2006). On peut ajouter que cette baisse de la sélectivité dans le parcours scolaire ne s’est pas accompagnée d’échecs plus nombreux au baccalauréat ; à l’inverse, si le pourcentage de succès était de l’ordre de 66% dans les années 1970, il est aujourd’hui de l’ordre de 87%.

Mis à part ces différentes réformes et ces changements qu’a connus le système scolaire en France, plusieurs réformes majeures, au cours des trente dernières années, ont aussi eu comme objet la formation des enseignants. La durée de la formation, son organisation et son contenu ont été revus. Ces réformes ont donné lieu à de nombreux débats et controverses sur le rôle des universités et le rôle des écoles dans la formation des enseignants, l’articulation entre théorie et pratique, l’équilibre entre connaissances et pédagogie, etc. En juillet 1989, une loi importante a été adoptée par le Parlement français : la loi d’orientation sur l’éducation. Cette dernière énonce les grands principes de l’éducation : l’éducation est la première priorité nationale ; l’éducation doit être « centrée sur l’élève Â» ; chaque enfant doit être l’acteur principal de son orientation ; la communauté éducative, y compris les parents, est responsable de l’éducation, etc. Cette réforme a organisé l’école en « cycles Â» : un « cycle Â» est un ensemble d’années pendant lesquelles les compétences à acquérir sont fixées par un programme national. La nouvelle loi prévoyait (article 17, 8861-8862) la création d’IUFM (Instituts universitaires de formation des maîtres), chargés de la formation professionnelle initiale des enseignants (pour les enseignants du primaire et du secondaire) et de contribuer à la fois à la formation continue des enseignants et à la recherche pédagogique. L’idée principale était de former tous les enseignants dans la même institution universitaire. Les IUFM ont été créés en 1990 et 1991 (un dans chaque académie).

Un rapport de Daniel Bancel (1989) a fourni les principes fondamentaux sur lesquels la réforme était fondée : donner aux futurs enseignants non seulement une compétence dans une matière, mais aussi une solide préparation professionnelle (Losego, 1999). Le rapport indique qu’il y a trois principaux domaines de compétences nécessaires pour un futur enseignant : la connaissance de l’identité de la matière (connaissances à enseigner, histoire et épistémologie de la discipline, rôle social de la discipline), la connaissance de l’apprentissage et de l’enseignement (didactique et pédagogie), et la connaissance du système éducatif (politique nationale d’éducation, établissement d’enseignement, etc.). Les principaux éléments de la réforme étaient les suivants:

– Les enseignants du secondaire doivent bénéficier d’une préparation professionnelle et pédagogique, et non pas seulement d’une formation disciplinaire ;

– Les enseignants du primaire devraient être formés dans un contexte universitaire, et non dans des établissements distincts. Ils devraient recevoir une préparation de même qualité (et de même durée) que les enseignants du secondaire (ce qui a conduit à une augmentation de la préparation d’un an). Et, par conséquent, les enseignants du secondaire et du primaire recevraient alors les mêmes salaires.

– Tous les futurs enseignants (primaire et secondaire) devraient être formés dans le même établissement universitaire. Des IUFM seront créés dans chaque académie et seront chargés de la préparation des enseignants. Ce seront des institutions indépendantes, ne faisant pas partie de l’université, mais ayant un statut très proche des universités, et étant fortement liées aux universités.

– Les IUFM devraient également contribuer à la fois à la formation continue des enseignants et la recherche pédagogique.

Dès le début, la réforme de la formation des enseignants et la création des IUFM ont donné lieu à d’intenses débats et combats politiques et idéologiques (Le Point, 1991). Un débat politique : le gouvernement a considéré cette réforme comme majeure, dans le cadre de la nouvelle loi d’orientation de l’éducation. Le Premier ministre et le ministre de l’éducation nationale sont personnellement et fortement impliqués dans la réforme, et s’engagent dans plusieurs discours forts pour la soutenir. Un débat idéologique a aussi émergé suite à cette reforme à travers lequel les enseignants soutiennent que « l’enseignement est un art, pas une science Â». Ils se fondent sur le bon sens et le pragmatisme, et dénoncent la pédagogie comme quelque chose de vide et d’inutile, des mots sans véritable contenu. Ils considèrent que la connaissance des matières est la composante essentielle de l’éducation et critiquent les méthodes pédagogiques basées sur la collaboration, les projets, etc. L’un des objectifs de la création des IUFM était d’introduire davantage de pédagogie et de didactique dans la formation des enseignants, en particulier pour les enseignants du secondaire, qui n’étaient formés qu’au contenu de leurs matières. Pédagogie, didactique et psychologie étaient considérées comme des éléments importants du programme de l’IUFM. Mais les républicains ont déclaré que le renforcement de la pédagogie réduirait les connaissances de la matière, et que cela n’est pas acceptable. Certains philosophes et écrivains ont soutenu ces idées, comme Alain Finkielkraut ou encore Elisabeth Badinter (Le Monde, 1990). D’autre part, des spécialistes de la pédagogie et des sciences de l’éducation comme Philippe Meirieu encourageaient le développement de la recherche pédagogique et soutenaient les IUFM.

Après l’élection présidentielle de 2012, le nouveau gouvernement a décidé d’entamer une nouvelle réforme de la formation des enseignants, et de donner à la formation des enseignants une réelle priorité. Le 1er septembre 2013, 23 ans après leur création, les IUFM ont été supprimés et remplacés par de nouveaux établissements : les ESPE (Ecoles Supérieures du Professorat et de l’Education). Les ESPE sont des écoles internes aux universités, et il y a une ESPE dans chaque académie, ce qui fait 32 ESPE en France (Journal Officiel de la république française 2013). L’ambition principale des ESPE est de proposer une formation professionnalisante de 2 ans, après l’obtention de la licence, menant à un master national : MEEF (Métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation). La formation est basée sur le concept de « formation en alternance Â», qui combine des cours académiques et des périodes de pratique dans les écoles.

Ces différentes réformes et changements subis par le système éducatif et par prolongement à la formation initiale et continue des futurs enseignants ont provoqué des tensions croissantes et des remises en question de la définition même du travail enseignant. Les sujets traitant du « malaise enseignants Â» dénoncent ainsi l’extension et l’augmentation des tâches qu’effectuent les enseignants dans leur pratique professionnelle (Maroy, 2006).

Dans un article de 2008, Christophe Hélou et Françoise Lantheaume ont pu mettre en exergue l’ensemble des difficultés que rencontrent les enseignants dans leur pratique quotidienne. En effet, ils ont mis en évidence un certain nombre d’éléments nous permettant d’avoir une vision objective de ce que peuvent rencontrer les enseignants dans leur métier. Dans un premier temps ils pointent les différentes difficultés liées à la mobilisation des élèves en classe qui devient de plus en plus compliquée à atteindre. Etant donné que l'aspect d’intéressement de l’élève représente un des aspects fondamentaux de la pratique enseignante (Hélou, Lantheaume, 2005) l’échec causé par la non atteinte de cet objectif représente un échec pour l'enseignant lui-même et pouvant de ce fait entrainer des répercussions aussi bien sur la qualité d’apprentissage des élèves que sur la manière par laquelle la séance pédagogique est vécue par les participants (Hélou & Lantheaume, 2008). Cela entrainerait une obligation ressentie par les enseignants de développer de nouvelles stratégies d’intéressement ce qui représente une tâche de plus en plus compliquée considérant l’augmentation astronomique du nombre d’élèves dans les classes. Ce qui rend la tâche encore plus difficile c’est l’incertitude des résultats des efforts fournis par les enseignants en classe. En effet, la mobilisation et l’investissement dont ils font preuve ne sont très souvent pas récompensés entrainant un découragement exprimé par la majorité des enseignants (Hélou & Lantheaume, 2008). Une autre difficulté pour les enseignants concerne la limite étroite entre la sphère professionnelle qui empiète de plus en plus sur la sphère privée. Toutes ces difficultés énoncées ne permettent en aucun cas d’avoir une vision claire et limpide de ce que peut représenter un « bon Â» travail et donc une définition plus difficile à cerner pour l’enseignant. Cela complique la tâche aux enseignants car ces éléments portent atteinte aux deux logiques orientant la pratique enseignante et ayant été identifiées par Van Zanten : une première concerne la conduite et à l’acquisition des apprentissages, donc des objectifs à court terme, tandis que l’autre fait référence à des objectifs à plus long terme et qui doivent se conformer au système telle que la démocratisation de la réussite (Van Zanten, 2012).

L’un des plus grands bouleversements de l’éducation depuis que l’école est devenue obligatoire et gratuite au XIXe siècle tourne autour de l’école de la confiance – ramener la confiance dans les écoles. « De la maternelle à l’université, nous sommes en train de tout changer Â», a déclaré le président Emmanuel Macron. Ces changements permettent en effet de restructurer le système de la maternelle au collège. Les changements permettront de garantir que tous les élèves bénéficient des mêmes chances, indépendamment de leur classe sociale ou de leur milieu. Cette OI n° 2019-791 du 26 juillet 2019 avait un ensemble d’objectifs bien précis : de transmettre les savoirs fondamentaux, de préparer les élèves à leur avenir, de rassembler autour de l’école. Ces grands changements, et ceux depuis 1980, de la société ont des conséquences considérables pour les écoles et vont modifier de manière drastique la profession d’enseignant. La loi pour une école de la confiance impose aux enseignants de suivre des formations continues tout en exerçant leur métier ce qui a déjà été rédigé de manière plus globalisante au niveau de la loi Sapin stipulant que « La formation professionnelle tout au long de la vie constitue une obligation nationale. Elle vise à permettre à chaque personne, indépendamment de son statut, d’acquérir et d’actualiser des connaissances et des compétences favorisant son évolution professionnelle, ainsi que de progresser d’au moins un niveau de qualification au cours de sa vie professionnelle. Â». Ces formations devront être adaptées aux besoins de chaque professionnel enseignant et doivent participer à leur développement professionnel et personnel ce qui peut donner lieu à une certification ou un diplôme valorisant et valorisable tout en prenant en compte les spécificités de l’exercice réalisé. En effet, les parcours de formation seront de cette manière individualisés, tout en prenant en considération les savoirs et les savoirs-faire acquis en formation initiale, l’étudiant pourra choisir et sélectionner, selon certaines modalités, les formations qui seront le plus en adéquation avec son profil, ses besoins, ses attentes et son contexte socio-professionnel.

« Outre la transmission des connaissances, la Nation fixe comme mission première à l’école de faire partager aux élèves les valeurs de la République. Le service public de l’éducation fait acquérir à tous les élèves le respect de l’égale dignité des êtres humains, de la liberté de conscience et de la laïcité. Par son organisation et ses méthodes, comme par la formation des maîtres qui y enseignent, il favorise la coopération entre les élèves. Dans l’exercice de leurs fonctions, les personnels mettent en œuvre ces valeurs. » (Article L111-1 du Code de l’Éducation).

L’enseignant se retrouve indubitablement au centre d’un croisement le confrontant à des forces qui, dans la majeure partie des cas, sont en opposition : cadres institutionnels, les normes de la société, leurs propres éthiques et valeurs ainsi que les besoins des apprenants qui se diversifient complexifiant de plus en plus leur travail au fil des années. Cela pourrait représenter un des facteurs expliquant les résultats statistiques d’une étude réalisée par la DEP relevant que 53% des enseignants estiment vivre leur métier difficilement contre seulement 37% en 2011. Cela s’explique en partie par le fait que dans le contexte économique et social dans lequel nous sommes actuellement l’enseignant se retrouve à jongler entre plusieurs casquettes qu’il n’a pas forcément choisi d’incarner : pédagogue, psychologue, éducateur, didacticien et ce dans des classes de plus en plus hétérogènes et aux effectifs de plus en plus élevés. Comme stipulé dans une des lois apparues en 2019 : « L’engagement et l’exemplarité des personnels de l’éducation nationale confortent leur autorité dans la classe et l’établissement et contribuent au lien de confiance qui unissant les élèves et leur famille au service public de l’éducation. Ce lien implique le respect des élèves et de leur famille à l’égard des professeurs, de l’ensemble des personnels et de l’institution scolaire ».

Cette situation met en exergue le côté relationnel que doit prendre en charge un enseignant et qui finalement fait partie intégrante de sa pratique professionnelle quotidienne mais traduit aussi une aggravation et une complexification de la situation de l’enseignant dans les établissements éducatifs.

Ce qui selon le gouvernement français permettrait en partie de répondre à ces contraintes concerne la préprofessionnalisation des enseignants. A l’issue des différentes réformes de l’éducation nationale que le système Français subit depuis une dizaine d’année, le ministère propose la mise en place d’un dispositif qu’il qualifie d’ambitieux. En effet, le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse propose à ceux qui se destinent au métier d’enseignant « une meilleure formation initiale et des parcours plus attractifs pour entrer dans le métier ». Pour y parvenir il a mis en place un nouveau dispositif de préprofessionnalisation ayant pris effet à la rentrée 2019 ce qui permettra une entrée progressive dans le métier de professeur.

Les objectifs de cette préprofessionnalisation sont aussi ambitieux que pertinents. Dans un premier temps ce serait de permettre aux personnes qui le souhaitent une entrée progressive dans le métier de professeur tout en ayant un accompagnement personnalisé et une prise de responsabilité adaptée. Ces premiers pas dans le contexte professionnel se feront progressivement pouvant aller d’interventions ponctuelles sur des séquences pédagogiques sous la responsabilité du professeur-tuteur jusqu’à une prise en charge de séquences pédagogiques complètes en passant par une participation à l’aide aux leçons et aux devoirs dans le cadre du dispositif « devoirs faits Â». Deuxièmement, cela permettrait d’augmenter l’attractivité, attirer un plus grand nombre d’étudiants en ouvrant plus tôt l’accès à l’expérience du métier d’enseignant tout en accompagnant financièrement les étudiants, en leur donnant la possibilité d’avoir un contrat spécifique d’assistant en éducation, d’une durée de 3 ans, dans un établissement scolaire, leur permettant de sécuriser leur parcours jusqu’au concours de recrutement.

Cette démarche compte se développer de manière à atteindre dès la rentrée 2020 près de 3000 étudiants qui intégreraient ce dispositif de préprofessionnalisation.

La crise hospitalière 

Le secteur de la santé est un exemple de l’intervention de l’État, à la fois omniprésente et limitée. La politique de santé, tout comme le logement, la sécurité sociale et la politique d’éducation, fait partie de la politique sociale, qui est et restera toujours un domaine très stratégique. Elle a été définie comme « un processus politique pour la reproduction de la main-d’œuvre et des citoyens Â» (Jobert, 1985). Ainsi, la santé de la population, et par conséquent les actions visant à la maintenir ou à l’améliorer, ont une influence particulière sur la force économique d’un pays. En même temps, la santé est devenue un domaine très technique dans lequel l’État s’appuie dans une large mesure sur la compétence des médecins, notamment en raison de la grande difficulté technique d’évaluer la pertinence de toute action.

Dans le cadre du système de santé français, les soins sont dispensés dans différents types d’établissements : cabinets privés pour les soins non hospitaliers, établissements de soins pour les soins hospitaliers, sanitaires et sociaux, et établissements d’hébergement pour les clients « vulnérables Â» âgés ou handicapés. Il repose sur la liberté de choix du patient et du résident : chaque patient est libre de choisir son médecin traitant, son spécialiste en accès direct, son établissement de santé ou son établissement d’hébergement, qu’il soit public ou privé.

Cette conception sociale de la santé en France se prolonge par un système d’assurance maladie qui repose sur une philosophie de redistribution visant à faire correspondre les contributions financières des ménages à leur capacité de paiement et à garantir aux personnes à faibles revenus l’accès à une couverture de bonne qualité.

Les réformes introduites à la fin des années 1990 visaient à améliorer la qualité et à contenir les coûts. Cependant, ces deux objectifs ont souvent été confondus dans l’esprit des médecins en exercice. Certains auteurs affirment même que l’accent mis sur la maîtrise des coûts a eu un impact négatif direct sur la mise en œuvre des lignes directrices. Par exemple, le Plan Juppé stipulait que les médecins devaient être soumis à des sanctions collectives s’ils dépassaient le budget approuvé par le Parlement. Cette politique a finalement été considérée comme anticonstitutionnelle et a été révoquée, mais les efforts déployés pour évaluer et réglementer la qualité et les coûts ont perdu de leur crédibilité au cours du processus.

Historiquement, le système français d’assurance et de prestation de soins de santé est un système qui implique des institutions publiques, des groupes à but non lucratif mais aussi des organismes du secteur privé. Au cours des dernières décennies, la réglementation gouvernementale a joué un rôle croissant dans le système français sans toutefois le centraliser. D’une part, les acteurs locaux conservent une grande autonomie : les professionnels de santé ont une grande liberté de travail et participent à la gouvernance des hôpitaux et des autres établissements de santé. Les patients, de leur côté, ont la liberté de choisir leur mode d’accès au système de santé. Ensuite, la diversité institutionnelle est maintenue et la coordination locale entre les prestataires et les payeurs reste insuffisante. Aujourd’hui, le renforcement de l’État dans sa supervision du système de santé prend des formes complexes, voire hybrides. Il repose sur l’introduction de règles gouvernementales issues des techniques de gestion des entreprises et sur ce que l’on appelle la nouvelle gestion publique (Benamouzig & Besançon, 2007). Elle promeut également des programmes de prévention visant à rendre les individus plus responsables de la gestion de leurs soins et des risques pour leur santé, comme pour les cas de tabagisme (Nathanson, 2007), d’alcoolisme (Berlivet, 2000) ou encore d’obésité (Etilé, 2013).

Malgré les nombreuses faiblesses de l’organisation du système de santé français, le niveau toujours élevé des investissements, l’encouragement continu à l’innovation médicale et la persistance d’une densité relativement élevée de professionnels de santé convergent pour donner à la France une note plutôt favorable en comparaison internationale. Selon les enquêtes d’opinion coordonnées par Eurostat, la perception des Français sur l’accessibilité aux soins se situe entre les pays les plus pessimistes et ceux qui estiment leur situation la plus avantageuse. Contrairement à la situation qui prévaut dans l’ensemble de l’Europe, le sort des moins favorisés, selon ces enquêtes, ne s’est pas aggravé pendant les années les plus difficiles de la crise.

Ce qui a accompagné les crises subies par le système français sont les évolutions que connait la population française en elle-même aussi bien au niveau démographique que perceptuel par rapport à ce qui est conçu en matière de soins et de prise en charge. En effet, le pays connaît une augmentation importante de l’espérance de vie parallèlement à un taux de recours aux soins qui ne cesse de croître. Certaines études démontrent que les Français ont des attentes différentes par rapport au processus et à la finalité des soins, si dans les décennies qui précèdent les démarches de prise en charge médicale étaient entamées pour des raisons curatives, de nos jours ces démarches sont de plus en plus préventives car les français accordent de plus en plus d’intérêt au bien-être de leur corps (Béraud, 2002).

En France, les professionnels de la santé se plaignent de plus en plus de leur insatisfaction quant à leurs conditions de travail, de la charge de travail importante, du statut inférieur des travailleurs de la santé (en particulier les infirmières), de la montée du consumérisme médical et des contraintes administratives et juridiques qui pèsent sur la pratique. Beaucoup font également état de sentiments d’insécurité quant à leur avenir aussi bien personnel que professionnel (Rechel et al., 2006). Les facteurs qui y contribuent sont le vieillissement de la population des professions de santé, la charge de morbidité croissante liée au vieillissement de la population et les changements apportés au système de sécurité sociale (Mission démographie des professions de santé 2002). En effet, la pénurie de personnel infirmier par exemple, est un problème mondial dans tous les pays et il est reconnu que la satisfaction professionnelle est liée au maintien du personnel. En France, les dernières réformes hospitalières sont en train de modifier le rôle des gestionnaires de santé qui ont un rôle important sur la satisfaction professionnelle des infirmières (Randon, 2012). En France, les dernières réformes hospitalières et les nouvelles technologies modifient le rôle des gestionnaires de santé. La mise en place de nouveaux systèmes de gestion a conduit à de plus en plus de prédicteurs de tensions, de contradictions et de paradoxes (Detchessahar & Grevin, 2009).

L’un des principaux problèmes auxquels est confronté le système de santé français est l’interface entre le privé et le public. La continuité des soins en souffre, car, par exemple, un patient atteint d’un cancer peut être opéré dans le secteur public, subir sa chimiothérapie dans un hôpital du secteur privé, mais recevoir une radiothérapie dans un autre hôpital (Mission démographie des professions de santé 2002). Cela représente un enjeu mais aussi une limite au système de santé français aussi bien pour les professionnels de santé, qui se retrouvent confrontés à de telles problématiques inhérentes à l’organisation entre privé et public mais aussi pour les patients en besoin et en demande de soins qui se retrouvent à faire un va et vient entre ces deux entités sans qu’il n’y ait la communication et la coopération nécessaire pour garantir la meilleure prise en charge et transmission possible.

Une autre problématique rencontrée par le système de soins français concerne le rapport offre/demande. En effet, au cours des 30 dernières années, le nombre de travailleurs de la santé en France a augmenté mais cette tendance devrait maintenant s’inverser au cours des 30 prochaines années (Rechel et al., 2006). Cette diminution des effectifs prévus dans le secteur de la santé intervient à un moment où les facteurs démographiques tels que le vieillissement affecteront à la fois l’offre de santé, les professionnels et la demande de soins de santé. En outre, l’impact de l’UE, la directive sur le temps de travail et la modification des schémas de travail en faveur d’un nombre réduit de travailleurs peuvent contribuer à menacer la qualité des soins et le fonctionnement des hôpitaux dans tout le pays. Le plan hôpital 2007 qui a été proposé par le gouvernement français ne résout pas entièrement la question de savoir comment le système de santé va faire face à l’augmentation de la demande et à la diminution de l’offre. Les impacts de cette situation sont apparus plus tôt que prévu avec la situation sanitaire dans laquelle nous nous retrouvons actuellement. La gestion de l’expansion du virus Covid-19 a pu mettre en exergue ces lacunes et ce rapport non équilibré entre l’offre et la demande de soins. Pour cause, la COVID-19 a mis l’accent sur le secteur des soins de santé de manière disproportionnée et en particulier sur les hôpitaux et donc sur le personnel hospitalier.

Ces différents changements que subit le secteur hospitalier combinés au vieillissement du personnel soignant renvoie à ce que Molinié et Volkoff (2006) appelle des astreintes nocives (Cambois, 2009). Ces dernières, en se référant aux études épistémologiques, sont de trois ordres : le décalage des horaires de travail, une dépense et des efforts physiques importants ainsi que l’exposition à un environnement professionnel toxique (Lasfargues, 2005). Cette augmentation des contraintes temporelles, physiques et organisationnelles contribue à l’augmentation du rythme de travail pour les salariés du secteur entraînant à une altération de la perception qu’ils peuvent avoir pour leur propre profession faisant naître un sentiment que la qualité de travail ne cesse de se dégrader au cours du temps.

Conclusion

Cet article nous permet d’avoir une vision claire mais loin d’être exhaustive des changements subis par les deux secteurs en question et les différents impacts que ces derniers ont pu avoir. Comment chacun des professionnels pourrait pallier son échelle à ces différentes difficultés auxquelles ils sont confrontés? Quelles ressources personnelles, individuelles mais aussi sociétales et gouvernementales peuvent amener à faciliter leur exercice tout en leur procurant un environnement favorable à l’exécution d’une pratique qui puisse convenir à toute personne qui est impliquée ?

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