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TĂ©moignage d’une enseignante du lycĂ©e Gallieni
Article publié le mardi 13 février 2018.
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Depuis le début de leur mobilisation, le SE-Unsa soutient les revendications des enseignants du lycéee Gallieni.
Nous avons relayé leur pétition, nos élus les ont accompagnés auprès de l’adminsitration...

Nous relayons ici le témoignage d’une enseignante à ce lycée, et adhérente du SE-Unsa, tel que l’a recueilli le journal "Marianne".

Au lycĂ©e professionnel Gallieni, Ă  Toulouse, les enseignants sont en grève depuis dĂ©cembre. L’établissement est gangrenĂ© par la violence : insultes, bagarres, trafic de drogues, armes introduites au lycĂ©e...
Magali Gabaude, prof d’espagnol, nous livre depuis l’intérieur le témoignage saisissant d’une école abandonnée par la République.

Un lycée "en état de guerre", un appel au secours lancé par des profs en grève depuis décembre, des bagarres ultra-violentes au sein de l’établissement...
Depuis que
L’Express lui a consacré sa une le 31 janvier dernier, le lycée professionnel Gallieni, à Toulouse, attire sur lui une lumière crue.
"Profondément scandalisé" par le rapport de l’inspection générale sur la situation, le ministre de l’Education Jean-Michel Blanquer a dépêché une "équipe expérimentée" dans l’établissement.
Marianne a recueilli le témoignage de Magali Gabaude, professeure d’espagnol à Gallieni. Elle nous décrit un lycée sinistré, miné par un noyau dur d’élèves à problèmes et des abandons politiques successifs.

Marianne : Comment s’est passĂ©e votre arrivĂ©e Ă  Gallieni ?

Magali Gabaude : J’ai intĂ©grĂ© le lycĂ©e il y a deux ans et demi et il m’a fallu une annĂ©e entière pour m’adapter. Au dĂ©but, j’étais en choc permanent parce que je n’étais pas habituĂ©e Ă  rencontrer des comportements aussi problĂ©matiques dans ma classe.
Ce qui m’impressionnait, c’était le fait que certains Ă©lèves ne possĂ©daient pas du tout certains codes normalement communs Ă  tout le monde : la communication, le respect...
Il m’a fallu un an pour intégrer cette "nouveauté" et décider de prendre le taureau par les cornes.

Quelle est l’atmosphère en salle de classe ?

Les Ă©lèves s’interpellent très fort, s’agressent verbalement, s’insultent... Et quand je leur fais remarquer qu’ils s’expriment entre eux de manière très violente, ils me rĂ©torquent : "Mais c’est normal ici Madame !"
Il y a trop d’élèves Ă  problèmes par classe : ce n’est pas la majoritĂ© mais Ă  chaque cours, vous devez gĂ©rer plusieurs jeunes qui dorment sur la table, ne ramènent jamais leurs affaires, Ă  qui il faut dire de manière rĂ©pĂ©tĂ©e de ranger leur portable…
Je ne me suis jamais vraiment sentie questionnée dans mon autorité, jamais sentie menacée par eux mais ils ne comprennent tout simplement pas l’autorité, ne peuvent jamais être contraints.
Le cours est interrompu et parasité en permanence à cause de 4 ou 5 éléments, cela empêche une bonne entrée en matière des autres qui veulent travailler. Quand on voit des élèves partir 3 mois puis revenir, on se doute qu’ils ont fait de la prison.
On voit aussi des Ă©lèves qui ont passĂ© le week-end en garde Ă  vue et reviennent en cours juste après en en parlant de manière très ouverte !
Ils ne sont pas tous "problématiques" mais certains ne viennent pas pour suivre des cours. Et nous, on est obligé de les accueillir.

N’est-il pas possible de faire de la discipline, d’exclure ces Ă©lèves problĂ©matiques de la classe ?

C’est impossible : le manque de moyens, Ă  tous les niveaux, rejaillit sur les cours et les possibilitĂ©s des professeurs. L’an dernier, en raison des restrictions de personnel, nous manquions d’assistants d’éducation.
Pour ne pas déborder nos collègues de la vie scolaire (personnels du lycée non-professeurs, ndlr), on nous a fait savoir qu’il faudrait désormais justifier l’incapacité de poursuivre son cours avant d’exclure le moindre élève de classe. Comme il n’y a plus de salle d’étude, on ne peut plus y mettre tous les élèves exclus ensemble...
Ils ont donc crĂ©Ă© une zone de surveillance dans le CDI, qui n’est pas prĂ©vu pour ça. Mais on ne peut pas y rassembler tous les perturbateurs ! Donc on nous incite Ă  les garder en classe.
La hiérarchie nous a également demandé de limiter le nombre de conseils de discipline car il y en avait trop à Gallieni.

Comment arriver Ă  faire cours dans ces conditions ?

Il arrive la mĂŞme chose Ă  tous les collègues qui arrivent ici la première annĂ©e : ils tombent malades car ils somatisent...
On craque, on pleure trop, les médecins nous disent d’arrêter, de nous reposer...
Il faut accompagner les nouveaux, il faut les prévenir du contexte de Gallieni. Chacun trouve des astuces pour tenir.
Moi, avant chaque journĂ©e au lycĂ©e, j’ai dĂ©cidĂ© de me dire : "Focalise-toi sur les Ă©lèves chouettes, sympas motivĂ©s, appuie-toi sur eux pour aller en cours et les accueillir avec le sourire".
Peu après mon arrivée, un soir de décembre, l’amicale des professeurs a organisé une soirée de repas pour Noël. Le fait de parler avec mes collègues d’autre chose que ce qui nous accable tous les jours m’a donné, pour la première fois en trois mois, l’envie d’aller travailler au lycée le lendemain.

Qu’est-ce qui a provoquĂ© la rupture et dĂ©cidĂ© les professeurs Ă  se mettre en grève ?

Depuis deux ans et demi que je suis ici, chaque année se produit un événement important, et on monte en tension. Il y a deux ans, plusieurs collègues ont été agressés physiquement.
Puis il y a eu la bagarre entre des élèves et les forces de l’ordre, devant le lycée. Cette année, au mois de décembre, il y a eu un incident par jour.
Des bagarres violentes ont éclaté, des élèves qui veulent travailler dans le calme ont décidé de se battre avec ceux qui foutent le bordel. Ils n’en peuvent plus, ces gamins, que 5 élèves absentéistes perturbent le cours dès qu’ils viennent. Il y a tout le temps des perturbateurs. Habituellement, les élèves calmes, on ne les entend jamais, ils attendent patiemment que le professeur fasse la discipline car c’est notre rôle. Là, ils se sont énervés. Cela a été très violent pour moi de les voir se révolter avec violence afin de pouvoir travailler.

Le lycĂ©e Gallieni a atteint un point de non-retour ?

Chez les professeurs, on a tous senti qu’on n’irait pas plus loin car on atteindrait alors quelque chose qui marquerait un avant et un après : on a très peur que les violences finissent par un mort, que ce soit un prof ou un Ă©lève.
La violence qui monte nous amenait vers l’irrĂ©mĂ©diable : un trafic de drogue, impossible Ă  juguler, s’est installĂ© Ă  l’intĂ©rieur de l’établissement.
Plusieurs élèves, qui ne sont pas au lycée Gallieni pour de bonnes raisons, ont pris beaucoup de place. On n’avait pas les moyens de les contenir, ils imposaient leur loi.
On a des élèves qui venaient en cours armés de poings américains, certains étaient munis d’armes blanches...
A quel moment un Ă©lève qui s’énerve contre un prof ou un camarade allait-il finir par sortir une arme ? On a eu très peur. On s’est dit : "On arrĂŞte, tout le monde doit le savoir, et puisque le rectorat ne nous entend pas..."

Comment une telle situation a-t-elle pu s’installer sans rĂ©action de la hiĂ©rarchie ? Celle de Jean-Michel Blanquer, qui vous a envoyĂ© une nouvelle Ă©quipe, est-elle suffisante ?

La hiĂ©rarchie nous a toujours demandĂ© de "faire avec" car ils ne nous donnent pas les moyens nĂ©cessaires. Tout le monde compte sur nous : les bons Ă©lèves pour faire preuve d’autoritĂ©, la vie scolaire pour ne pas exclure trop d’élèves, la direction scolaire pour qu’on jugule les Ă©lèves en classe et ne multiplie pas les conseils de discipline…
A tous les niveaux de l’institution, on compte sur nous. Mais nous, on compte sur qui ? On n’a que nos familles pour nous remonter le moral.

On se sent abandonnĂ©s. Le DASEN (Jacques Caillaut, depuis remplacĂ©, ndlr) a donnĂ© une interview rĂ©voltante, il s’est dressĂ© contre les professeurs ! Jean-Michel Blanquer a tenu un discours de fermetĂ© qui est positif. Mais nous avons besoin de moyens.
Cela a Ă©tĂ© reconnu : le rapport des inspecteurs gĂ©nĂ©raux sur le lycĂ©e est accablant, celui du comitĂ© d’hygiène et de sĂ©curitĂ© Ă©galement. Le ministre a dĂ©cidĂ© de changer le proviseur et le DASEN (directeur acadĂ©mique des services de l’Éducation nationale) mais ces gens-lĂ  ne sont pas des superhĂ©ros qui vont gĂ©rer Ă  eux tout seuls la petite centaine d’élèves difficiles !
On ne peut plus travailler à flux tendu, à classes entières. On sait que c’est impossible de prélever des ressources au niveau du rectorat car les difficultés retomberaient sur les lycées professionnels d’autres villes.
Mais on doit prendre des moyens sur les rĂ©serves ministĂ©rielles. Pourquoi ne le font-ils pas, alors que c’est possible ? Pour nous enlever les revenus de nos jours de grève, par contre, ils sont allĂ©s très vite !

Comment le lycĂ©e Gallieni a-t-il pu ĂŞtre gangrenĂ© Ă  ce point par la violence ?

C’est un problème d’affectation. ll y a une volonté politique de mettre tous les élèves difficiles en bac pro ou en CAP à Gallieni.
Un certain nombre d’élèves, qui sortent de prison, sont concentrĂ©s ici. Ils ne vont pas dans les lycĂ©es du centre-ville !
Or ce n’est pas parce qu’on va en prison et qu’on a dealĂ© de la drogue qu’on a une vocation dans l’automobile (spĂ©cialitĂ© du lycĂ©e Gallieni, ndlr) !

Un lycĂ©e, c’est une micro-sociĂ©tĂ©. Ici, Ă  Gallieni, on a une sociĂ©tĂ© "de seconde zone", de banlieue difficile. Les gamins ne grandissent pas dans un environnement de mixitĂ© sociale, comment voulez-vous qu’ils y croient ?
Un Ă©lève m’a dit en cours : "Madame, vous nous dites qu’on est tous Ă©gaux, mais dans notre classe, il n’y a jamais eu de Marie, de Nathalie ou de Pierre. Que des Mehdi et des Abdelkader."
Ils se sentent en marge, ne voient pas en quoi leur classe reflète la société française. Le problème de l’école, ce sont les conséquences de politiques urbaines désastreuses.
Nous soulevons des questions qui embêtent les politiques car ils sont dépassés par l’ampleur des dégâts et de ce qu’il faudra mettre en place pour revenir à l’équilibre.
Les gens, eux, ont compris ce qu’on dénonce.
On ira jusqu’au bout, on est extrêmement déterminés.
C’est choquant car on a l’impression de lutter pour des choses Ă©videntes : les gens ont besoin d’une Ă©cole de qualitĂ© pour leurs enfants.
On a envie de rappeler aux politiques que le fondement de leur métier, c’est d’agir, et qu’ils doivent nous donner les moyens de faire notre métier à nous, professeurs.

 
 
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