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SE-UNSA 30


 Par SE-UNSA 30
 Le  mardi 15 octobre 2019

Port du voile, accompagnants de sorties pédagogiques et laïcité : gare à l’escalade

 
Les polémiques autour de l’encadrement des sorties pédagogiques prennent une ampleur inédite. Le point de clivage concerne la participation des accompagnatrices portant le voile islamique qui est au centre d’instrumentalisations sans fin. Au SE-Unsa, nous avons coutume de dire que "c'est dans les tempêtes qu'on reconnaît les capitaines !" N'est-ce pas au plus haut niveau de notre administration et de l'Etat qu'un dialogue serein et républicain doit être mis en place ?
 

Un débat polarisé au-delà du raisonnable

Chacune et chacun a le droit d’être hostile au voilement des femmes pour ce qu’il représente  en termes de sujétion de la femme. Mais en République, on ne peut pas interdire tout ce qu’on conteste. Dans l’espace public, le libre exercice d’un culte est la règle, qui est simplement encadré par des considérations d’ordre public.

La laïcité de l’École a une place particulière. Pour protéger les consciences en construction des enfants et adolescents,  la neutralité est imposée aux enseignants depuis 1886, et depuis 2004 pour les élèves des écoles, collèges et lycées publics. En 2013, Le Conseil d’État a dit l’état actuel du droit, en indiquant que rien n’oblige les accompagnateurs de sorties pédagogiques à la même neutralité que les agents de l’État, et que seules des considérations de trouble à l’ordre public et de prosélytisme peuvent justifier le refus de participation. 

Force est de reconnaître que ces troubles étaient très limités. Mais les instrumentalisations de la laïcité sur ce sujet troublent notre société.

Ainsi,  vendredi 11 octobre,  en séance plénière du Conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, un élu du Rassemblement national a interpellé la présidente pour exiger le dévoilement d’une accompagnatrice de sortie scolaire présente dans l’hémicycle. Pour le SE-Unsa, au-delà de la grossière erreur de droit, l’extrême-droite continue de dévoyer la laïcité pour déployer son aversion des Musulmans. C’est inacceptable et dangereux ! 

Concrètement, on fait quoi si une mère d'élève portant le voile se propose d'accompagner une sortie scolaire ou de s'occuper de la BCD en présence d'élèves... Que propose l'Administration et que me suggère le SE-Unsa ?

Côté SE-Unsa, pas de réponse toute faite mais des éléments de réponses. Si l'on peut prendre l'attache de son IEN, si l'on doit savoir assurer ses arrières en informant par écrit sa circo de situations de tension, selon nous, il faut impérativement laisser aux équipes, la prérogative de placer le curseur entre le respect strict de la loi d'une part et la tolérance d'autre part

Lorsque le voile (ou tout autre signe religieux) est discret, on peut facilement "composer avec". Après tout, nos grand-mères portaient quotidiennement un foulard.

Lorsque celui-ci est jugé trop visible donc provocant pour tout individu athée ou croyant d'une autre religion, il faut selon nous, réfléchir en équipe à la nécessité de poser explicitement une limite.

Une fois dit cela, les enseignants sont seuls capables d’apprécier ce que l’on doit exiger ou pas d’une mère d’élève en fonction du degré de visibilité du voile, en fonction du temps, de la fréquence, du lieu, du moment où ce signe est affiché. Il faut bien anticiper sur les conséquences dans un sens comme dans l’autre.

Un respect trop strict de la loi peut être contreproductif et entrainer de nouvelles manifestations ostentatoires qui ne seraient pas venues naturellement.

Si l'équipe choisit de formuler la demande au parent d'élève, il convient peut-être de s'assurer préalablement que toutes les conditions du dialogue sont là. Que la demande vienne en dehors d'un contexte déjà sous tension...

Si la demande n’est pas entendue, on arguera qu'il y a une loi qui s'impose à tous, qui interdit le port de signes religieux ostentatoires dans les lieux publics et a fortiori dans le cadre de missions de service public. Qu'il y a un cran d’exigence supplémentaire quand cette mission s’exerce en direction d’un jeune public dont les convictions, les repères et le jugement sont en pleine formation.

Que cette loi nous protège tous car elle permet d'éviter que d'autres religions ou expressions politiques ne viennent s'ajouter et entrent en conflit avec les nôtres.

La question des accompagnants scolaires se place à la charnière entre les règles de l’Ecole et les libertés individuelles…

Quand on sait combien le voile peut être partie intégrante de la personnalité d’une femme, et quoiqu’on en pense, il est difficile de demander à cette mère de choisir entre cette part de son identité et le droit d’accompagner son enfant lors de sorties scolaires sans y mettre les formes et sans avoir préparé le terrain d’un dialogue respectueux.

Lors d'un récent conseil national, notre invitée Caroline FOUREST évoquait le cas de la Turquie qui a voté l’interdiction du voile dans les universités. Les associations islamistes intégristes y ont trouvé un tremplin phénoménal.

Notre démocratie doit se poser la question de « Comment gérer les anti-démocrates sans verser dans l’autoritarisme ? »

Et maintenant ?

Le Sénat va bientôt étudier une proposition de loi visant la neutralité des accompagnateurs de sorties pédagogiques. Pour le SE-Unsa, dans le contexte actuel, il est urgent de faire descendre les tensions.
 
Le SE-Unsa demande aux législateurs de prendre le temps et de construire les conditions d’un dialogue apaisé et constructif en mettant en place une commission parlementaire qui devra auditionner toutes les parties concernées. Un espace serein de confrontation des idées doit désormais être créé en gardant en ligne de mire le droit des élèves à bénéficier d’une éducation laïque.