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SE-UNSA 30


 Par SE-UNSA 30
 Le  vendredi 9 novembre 2018

Visite ministérielle à Nîmes : Compte-rendu d’audience

 

Jean-Michel BLANQUER (Ministre de l'Education Nationale) et Julien DENORMANDIE (Ministre de la Cohésion des territoires) étaient donc à Nîmes, ce lundi 5 novembre. En marge de l'opération médiatique, Le Se-UNSA et l'UNSA Education ont été reçus en audience, par le conseiller ministériel en présence du secrétaire général du rectorat.  L'occasion de questionner mais surtout de faire entendre, sans filtre et sans protocole, la parole des enseignants du Gard. Voici le compte-rendu :

À 14h15, le préfet Didier LAUGA s'est présenté dans la cour de la préfecture entouré d'élus locaux, pour accueillir la voiture ministérielle,  suivie par celles de la rectrice Béatrice GILLE, du DASEN Laurent NOE... le tout encadré par les motards...

Non pour se mettre au travail mais pour manger... la visite d'écoles et d'établissements ayant pris plus de temps que prévu.

Comme prévu, notre délégation, Gilles TENA (Unsa Education) et Olivier DUSSERRE-TELMONT (Se-UNSA) a été reçue en audience par Thierry LEDROIT, "Conseiller Territoires" du cabinet ministériel et par Stéphane AYMARD, Secrétaire académique du rectorat de Montpellier.

La spécificité de Thierry LEDROIT, sur les questions de "politiques territoriales et interministérielles", nous a permis d'aborder plus particulièrement "la concentration de la difficulté scolaire dans l'Ecole publique", mise en évidence par le Se-Unsa en amont de la carte REP/REP+ 2020.

Compte tenu du retard pris par la délégation ministérielle, on nous a demandé de resserrer l'audience sur 30 minutes. Nous avons demandé à ce que les portables soient coupés et que nous puissions parler de manière assez directe de la réalité du terrain, vécue par les enseignant.e.s du Gard, en marge du déplacement officiel.

Nous avons finalement pu aborder pendant plus de 45 minutes une grande partie des points prévus à l'ordre du jour initial.

1. Salaires, jour de carence, gel du point d'indice, suppressions de postes dans le 2nd degré et dans l'administration

Se-Unsa : "Le début du quinquennat a été marqué par certaines mesures qui peuvent faire débat dans l'Education (dédoublement des CP/CE1, retour à la semaine de 4 jours, etc.), mais d'autres ont indiscutablement impacté négativement les enseignants sur le plan financier comme sur l'organisation de leur travail, à nouveau remis en question. Nous parlons là du re-gel du point d'indice, du retour du jour de carence, du report du PPCR, du retour sur les programmes, des évaluations, des animations pédagogiques, etc. Autant de reculs, suite aux avancées, à peine obtenues du quinquennat précédent; nous citons l'ISAE obtenue par le Se-Unsa (+86€ nets mensuels pour tous les P.E.), le PPCR, l'augmentation des ratios de la Hors-Classe, la création de la Classe Exceptionnelle, la création de 60 000 postes.

Comment Jean-Michel BLANQUER peut-il appeler de ses voeux une ECOLE de la CONFIANCE dans ce contexte d'injonction, de précipitation ministérielles, et de mesures gouvernementales ?

Pour illustrer notre consternation nous prenons l'exemple récent des annonces budgétaires pour l’année 2019, enterrant de fait la priorité à l’Éducation nationale.

Avec 2 650 postes d’enseignant·e·s et 400 postes de personnels administratifs supprimés, n
otre ministère contribuera pour 40 % aux 4 500 emplois supprimés dans la Fonction publique d’État. C’est une nouvelle dégradation des conditions d’études des élèves et de travail des personnels qui est programmée.

Cela n’est pas compatible avec l’ambition d’un enseignement de qualité et d’une plus grande égalité de réussite, ni d’une bonne administration du système éducatif.

C'est la raison pour laquelle nous sacrifions une journée de salaire le 12 novembre, pour demander au gouvernement de renoncer à ce projet."

Thierry LEDROIT nous répond qu'il y a toujours des choix budgétaires à faire dans un gouvernement et que le ministre de l'Education Nationale inscrit son action dans un projet gouvernemental. "Nous avons fait le choix d'augmenter considérablement les moyens 1er degré sur les zones sensibles et les apprentissages fondamentaux. Mais j'ai pris connaissance des revendications syndicales pour la grève du 12 novembre et j'entends vos remarques que je transmettrai".

Faute de réponses plus précises, nous reprenons la parole pour focaliser sur l'Ecole qui semble la priorité maintenue du ministère.

2. Direction d'Ecole, temps/charge de travail et aide administrative

Se-UNSA : "L'école souffre d'un manque de reconnaissance lié à un "double cadre contraignant", celui de la commune qui finance et celui de l'Education nationale qui donne les instructions officielles. On ne donne pas aux directrices et aux directeurs les moyens de faire face aux missions qui s'empilent, d'autant que le contexte sécuritaire ajoute à la difficulté et à la charge de travail. Pire encore ! Au lieu de poursuivre l'augmentation progressive des décharges de direction, négociées sous Vincent PEILLON, dans le cadre de la loi de refondation de l'Ecole; au lieu de pérenniser les emplois d'aide administrative, également obtenus par le Se-UNSA, lors du protocole de direction, la décision est prise de supprimer massivement des contrats aidés.

Nous avons ensuite fait le parallèle assez explicite entre un collège d'une centaine d'élèves encadré par un.e principal.e, un secrétariat, un.e intendant.e, un.e CPE, un.e infirmièr.e, des surveillant.e.s...

...et une école de 300 élèves où la directrice ou le directeur assume seul.e toutes ces missions !!!

Il y a encore un an, chacun s'accordait à reconnaître la souffrance des directeurs et leur surchage de travail. Il y avait urgence à simplifier les tâches de direction. Après deux années de travail inutiles, non seulement la montagne a accouché d'une souris mais  il est décidé de supprimer les aides administratives. Cette mesure est brutale et injuste. Elle va à contre-courant !

Thierry LEDROIT nous répond que François Hollande avait laissé un très grand nombre de contrats aidés non financés et qu'il a laissé à son successeur le mauvais rôle. Nous avons consolidé les contrats aidés en élaborant des contrats PEC plus sûrs pour les personnels, mais nous n'avions pas d'autre choix que de mettre fin à des contrats non financés.

Le Se-Unsa, indique avoir effectivement pris conniassance de cette situation, en échangeant avec des députés gardois de la "République En Marche", que nous avons sollicités pour adresser ces questions au gouvernement en session parlementaire. Mais si l'argument s'entend pour la rentrée 2017, il n'est pas valable pour le budget suivant et la rentrée 2018 ! C'est bien un choix budgétaire qui a été fait, de priver les directeurs et directrices de leur aide administrative, pour financer d'autres mesures.

Soyez certains que nous avons identifié le problème de la direction d'école. Nous avons d'ailleurs prévu d'aborder cette question à l'agenda social qui débute en janvier 2019 et demandé un rapport parlementaire.

Nous saluons ce point, mais rappelons à Thierry LEDROIT, que sans la semaine de la direction et tout le tapage médiatique initié par le Se-UNSA, la direction d'école n'aurait pas été au programme. Aucune mention de cette question dans l'agenda initial.

En outre, nous précisons que nous avons pris connaissance des conclusions de la mission parlementaire, et que s'il y a des idées intéressantes et des constats que nous partageons, certaines propositions ne vont pas du tout dans le bon sens selon nous. 

Il y a un "double risque majeur" : d'un côté, celui d'aller vers des groupements d'écoles avec une direction rattachée aux collèges et des décisions qui échappent aux écoles. Mais il y a aussi le risque de l'immobilisme, voulu par d'autres organisations syndicales, qui voudraient surtout ne rien entreprendre par frilosité.

Le Se-UNSA fait d'autres propositions sur la base de consultations menées, notamment avec l'IFOP ou Gérard Fotinos, mais aussi des mandats votés en congrès national en avril 2018. Nous voulons une direction d’école reconnue et dotée des moyens nécessaires pour l’exercer. Cela passe par une décharge d'enseignement proportionnée (décharge à 75%) correspondant à la charge de travail réelle selon la taille de l'école. Cela passe aussi par une autonomie financière pour les écoles, un conseil des maîtres qui n'attend pas la permission des mairies pour acheter 2 ramettes de papier, des secrétaires de direction formé.e.s et pérennes pour décharger les directrices et les directeurs de tout ce qui peut l'être et se concentrer sur le coeur de leur mission, etc.

Nous porterons ces propositions lors de l'agenda social.

3. Concentration de la difficulté scolaire dans nos écoles publiques

Se-UNSA : "Nous voulons attirer l'attention de Thierry LEDROIT, conseiller spécial du ministre, sur les questions de la cohésion des territoires au niveau du contexte gardois. Au moment où l'on commence à élaborer la nouvelle carte d’éducation prioritaire et avant de parler légitimement de priorité éducative en REP et REP+, nous soulignons l'évidence de la question de la « concentration de la difficulté scolaire dans nos écoles publiques du fait de l'absence de mixité sociale dans certains quartiers ». À Nîmes, notamment mais pas seulement, les statistiques parlent d'elles-mêmes avec un taux de scolarisation dans le privé largement supérieur au reste du Gard. Le tout financé en partie sur des fonds publics dans la plus grande opacité.

Nous profitons de la présence du secrétaire général de l'académie  Stéhane Aymard pour lui faire part de notre stupéfaction devant le reportage de France 3, qui évoque la soudaine implication de notre ancien recteur Christian Philip et plus haut représentant de l'Ecole publique, pour favoriser l'expansion de l'institut privé d'Alzon.

Nous nous inquiétons également de l’absence d’ambition de certaines politiques territoriales dans les plans d’urbanisme, pour faire de la mixité sociale dans les quartiers au lieu d'attendre des établissements publics qu'ils remédient aux conséquences.

Cette absence d'ambition des politiques territoriales à Nîmes fait la part belle au phénomène d'évitement scolaire, laissant de fait la grande difficulté scolaire se concentrer toujours plus dans nos écoles publiques.

Nous faisons également part d'appels de journalistes, qui nous interrogent sur  ce qui semble être un phénomène d'actualité : la multiplication des écoles privées qui proposent des pédagogies  dites "innovantes". Nous soutenons que ces pédagogies ont toujours existé dans le public, avec en plus pour les enseignants publics, l'ambition d'apprendre... et d'apprendre à vivre ensemble.

Le Se-UNSA prend sa part sur ces sujets et aimerait pouvoir compter sur l'implication de tous les acteurs publics.

À notre invitation, Philippe Meirieu viendra développer ces idées lors d'une RISTT conférence mercredi 16 janvier de 9h à 12h.

Jean-Paul Delahaye viendra également dans le Gard le 19 novembre parler de fracture scolaire et de laïcité.

Enfin, nous proposons depuis plusieurs années des stages favorisant la mutualisation de pratiques pédagogiques entre enseignants (de l'IGEM notamment).

Nous rappelons à nos interlocuteurs qu'en tant qu'acteurs de l'Ecole publique, nous devons être mobilisés jusqu'au plus haut niveau de notre Institution, pour éviter qu'il existe de fait dans nos Ecoles deux jeunesses qui ne se croisent plus, ne se connaissent plus et que ce côte-à-côte finisse en face-à-face sur le modèle des écoles communautaires.

Thierry LEDROIT entend avec intérêt nos arguments et nous répond que les travaux qui s'amorcent autour de la nouvelle carte d'Education prioritaire, accorderont une part plus importante à l'implication des territoires ; et c'est d'ailleurs tout le sens de sa mission et de la visite conjointe de Jean-Michel BLANQUER et de Julien Denormandie (Ministre de la cohésion des territoires).

Nous évoquons les progrès de la précédente carte REP/REP+, qui reposaient enfin sur des critères transparents et objectifs, au regard de ce qui était le cas du temps où telle ou telle intervention politique pouvait faciliter l'accès en ZEP. Nous rappelons également l'augmentation des indemnités REP et REP+, et des décharges de 10% d'enseignement en REP+. En revanche, nous dénonçons à nouveau un des écueils du projet de Najat Valaud Belkhacem : la logique de collège tête de réseau et le sort réservé aux écoles isolées, privées des moyens alors que les populations accueillies en avaient tous les indicateurs.

Thierry LEDROIT nous assure avoir identifié cette problématique et c'est tout le sens de son travail de conseiller auprès du ministre que d'y trouver des solutions.

En conclusion, 45 minutes assez denses où, faute de réponses précises, nous avons pu exprimer un certain nombre de points directement auprès d'un conseiller du ministre.

Mais il ne fait aucun doute que ces sujets mériteront que nous les portions encore et encore.

Il vous appartient de nous donner les moyens de continuer notre action en votant et en faisant voter UNSA aux élections professionnelles dès le 29 novembre ;-)

Olivier