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SE-UNSA 30


 Par SE-UNSA 30
 Le  lundi 25 juin 2018

Laïcité : passer du voeu pieux à l’outil indispensable

 

Le CNAL tenait un colloque le 13 juin 2018. Le Se-UNSA du Gard y était représenté convaincu que notre Institution n'investit pas suffisamment cet espace pédagogique. A la veille de la rentrée 2018-2019 qui verra la remise à plat de la carte d'Education Prioritaire, nous voulons prendre notre part dans l'indispensable réflexion autour des questions liées à la mixité scolaire, au vivre ensemble. ces questions qui gravitent autour du principe de laïcité. Découvrez aussi l'enquête IFOP qui ouvre les yeux sur la réalité  vécue par les enseignants, quelquefois très éloignée des représentations de l'opinion publique. (Pour en savoir plus sur le CNAL, cliquez ici !)

La laïcité, on s'en intéresse par devoir, puis on (re)prend consience qu'elle est la clé de tous nos problèmes sociétaux. Un outil riche pour  aider les enseignants à faire face à des situations complexes mais aussi un domaine transversal qui offre des possibilités multiples de "faire des fondamentaux" tout en éclairant la conscience de nos élèves.

Dans son intervention de clôture, le président du CNAL, Jean-Paul Delahaye, a posé quatre questions clés soulevées par les résultats du sondage IFOP pour le CNAL et par les auditions qui ont été organisées pour préparer le colloque « La laïcité et l’école : les enseignants ont la parole ». 

Selon votre emploi du temps au moment où vous lisez ces lignes, vous pouvez visionner le colloque en intégralité ICI et y retrouver l’enquête IFOP, la synthèse du CNAL et la conclusion de Jean-Paul Delahaye.

Vous pouvez aussi prendre le temps de mettre à la réflexion ces quatre questions éminemment politiques... Ou les deux ;-)

1. Peut-on enseigner sereinement la laïcité dans un pays dans lequel le débat autour de la laïcité est souvent confus, la laïcité souvent instrumentalisée ou dévoyée, et dans lequel les enseignants ne perçoivent pas clairement de consensus au sein de la société sur ce qu’est la laïcité ?

Cette question met en lumière les instrumentations et dévoiements de la laïcité, qui, par calcul politique et/ou dogmatisme foncièrement incompatible avec la laïcité, transforment un principe républicain de rassemblement du peuple entier par-delà les diversités spiriturelles, cultuelles, philosophiques, religieuses, en un principe d’empêchement et d’exclusion. Refuser la présence de menus de substitution à la viande dans les restaurants scolaires, refuser dans l’espace public la présence de signes d’appartenance religieuse, c’est aller à l’encontre même du principe de laïcité. Ces tentatives récurrentes de dévoyer le principe républicain ne facilitent pas le travail au quotidien des équipes enseignantes et créent un climat propice à la stigmatisation et à son corolaire, la victimisation.

2. Peut-on faire vivre la laïcité dans un pays qui a laissé se ghettoïser des parties entières de son territoire ? 

La question est posée, du séparatisme social et scolaire, et de l’impérieuse nécessité de veiller à la mixité sociale et scolaire, dans chaque école, collège, lycée et lycée professionnel, comme dans toutes les classes. Les conflits d'intérêt mis en évidence par la presse régionale montre s'il en était encore besoin, que ce sujet est plus que d'actualité à Nîmes et dans le Gard. On sait pourtant combien pèse lourdement sur les écoles et établissements scolaires ce qu’Eric Maurin caractérisait dès 2004 comme « le ghetto français » : non pas celui, apparent et médiatisé, des « quartiers » dits sensibles ou difficiles, mais celui, caché, organisé par la sécession des ghettos chics à l’autre bout de la chaîne, qui alimente une dynamique de cloisonnement organisant une « société de l’entre-soi ». Les acteurs de l’enseignement public que nous sommes, réclament davantage de mixité sociale et scolaire. Mais comment aller très loin dans ce domaine dans un pays qui a, en quelque sorte institué le séparatisme scolaire en finançant la concurrence privée de son enseignement public ?

3. Peut-on faire vivre la laïcité avec l’échec scolaire précoce et cumulatif des élèves issus des familles les plus défavorisées, échec qui met gravement en cause l’idéal du système éducatif d’assurer l’égalité des enfants ? 

La troisième remet en question le poids de l’origine sociale sur le destin scolaire des élèves. La France, dont la devise met en exergue les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité, ne propose pas une école libératrice, égalitaire et fraternelle à tous ses enfants et tous ses jeunes. Mais la France est loin de favoriser la mobilité sociale grâce à l’école. L’article 1 de notre Constitution affirme que « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances(…) ». Mais l’écart se creuse entre le texte constitutionnel et les réalités sociales et scolaires d’aujourd’hui.

4. Peut-on, enfin, être un personnel de l’enseignement public sans être un militant de la laïcité ?

Cette quatrième question interroge la formation initiale et continue des enseignants sur la laïcité, comme leur pratique professionnelle quotidienne. Seulement 26% des enseignants ont bénéficié d’une formation initiale au principe de la laïcité et 6% ont eu une formation continue. Il ressort du sondage comme des auditions des points de vue très contrastés sur la réalité, la qualité et l’utilité des formations dispensées. Si les pratiques actives et coopératives permettent aux élèves une appropriation concrète du principe de laïcité, 12% des enseignants disent pratiquer l’autocensure en classe, régulièrement ou de temps en temps, ce qui pose également question et pourrait témoigner d’une fragilité dans la posture professionnelle.

Le colloque 2018 du CNAL a permis de dessiner les enjeux fondamentaux de la question laïque dans l’école et la société française d’aujourd’hui. Il est un salutaire rappel de l’avertissement lancé par Jaurès en 1904 : “la République doit être laïque et sociale mais restera laïque parce qu'elle aura su être sociale”.

Le Se-Unsa du Gard n'hésitera pas à inviter ces questionnements dans les débats autour de la carte d'Education Prioritaire à la rentrée 2018. D'où notre présence à ce colloque...

Olivier Dusserre-Telmont