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SE-UNSA 30


 Par SE-UNSA 30
 Le  jeudi 1er décembre 2016

FILLON : que prévoit concrètement son programme pour l’Education nationale ?

 

Vous avez entendu les promesses de François Fillon de supprimer 500000 postes de fonctionnaires, ou bien encore d’allonger le temps de travail des professeurs, y compris celui des enseignants. Vous connaissez sa position sur le mariage pour tous, sur l’avortement et la sécurité sociale, mais savez-vous réellement ce que prévoit  son  programme pour l’Éducation nationale? Lisez, vous allez frémir !

 

A. "DES CHANGEMENTS EN PROFONDEUR"

François  Fillon propose un changement en profondeur de notre système éducatif, qu'il résume en une formule « changer de logiciel ».  Sans surprise, c’est une conception ultra libérale de l’Éducation nationale que propose le candidat de la droite. Le rôle de l’état y est réduit au minimum. Celui-ci fixe les principes et les programmes, le niveau des professeurs et certifie les examens nationaux. Pour le reste, c'est à chacun de se débrouiller, mais qu’est-ce que cela signifie concrètement ?

1. Une autonomie accrue des établissements

Les chefs d’établissement décideront du recrutement des enseignants et  auront un avis prédominant sur leur avancement. Extraits du programme de F. Fillon :

«  Les directeurs d’école et les chefs d’établissement disposent de réels pouvoirs de décision dans l’établissement et la promotion des enseignants. »

Pour le Premier degré :

F. Fillon veut « donner aux écoles (ou à un ensemble d’écoles en milieu rural) le statut d’établissements publics et les doter d’un « vrai » directeur, supérieur hiérarchique des enseignants ». Nous retrouvons les mêmes propositions dans le programme de Marine Le Pen.

Dans le second degré :

 Le candidat du parti des républicains prévoit de « Confier aux chefs d’établissements du second degré le choix de tous les personnels pour lesquels ils auront établi préalablement et publié un profil des postes. »

Mais l’autonomie dans le second degré va plus loin. Ainsi on pourra :  

Globaliser tous les moyens (heures et crédits) dont dispose l’établissement afin de créer les conditions d’une vraie autonomie de gestion pédagogique

Laisser chaque établissement choisir son dispositif d’accompagnement des élèves (programmes d’aides, travaux interdisciplinaires,..)

2. Une autonomie de l’établissement sous contrôle de personnes extérieures

Le chef d’établissement  ne dirige plus les instances :

 « La présidence du conseil d’administration est dissociée de la fonction de principal et de proviseur et confiée à une personnalité extérieure à l’établissement, de façon à renforcer l’ancrage des établissements dans leur territoire et dans la vie économique locale. Un vice-président du conseil d’administration est élu parmi les parents d’élèves de l’établissement au suffrage universel direct de tous les parents. »

3. Un renforcement du rôle des parents d’élèves.

En plus de la vice-présidence du CA, les parents d’élèves auront un rôle plus important, ils auront leur mot à dire dans toutes les décisions importantes de l’établissement et même dans le choix des enseignants. Ainsi dans le programme de François Fillon, il est écrit qu’il faudra :  

« Informer les représentants des parents du profil envisagé pour le recrutement des nouveaux professeurs. Avant de publier le profil des postes qu’il souhaite pour son établissement, le chef d’établissement recueille l’avis des délégués des parents »

« Prendre l’avis des parents dans toute évaluation portant sur le fonctionnement d’un établissement scolaire ».

 

B. LES "SOLUTIONS" PROPOSÉES PAR FRANÇOIS FILLON

1. L’avenir de l’éducation nationale est ... dans le privé

En homme politique de droite, F. Fillon souhaite renforcer le financement de l’enseignement privé :

« Les parents doivent avoir une vraie liberté de choisir de confier leur enfant à l’enseignement public ou à l’école privée ; à cet égard, il sera sans doute nécessaire d’assouplir la règle limitant à 20% le financement de l’enseignement privé sous contrat par l’Etat ». 

Autant d’argent qui sera retiré aux établissements publics.

2. Une logique de sélection à la fin du collège : le brevet devient un examen d’entrée pour le lycée  

Le brevet atteste le socle acquis dans la période de scolarité obligatoire. Il ne comprend que trois épreuves dont une épreuve de français qui comporte notamment une dictée de trente lignes destinée à vérifier la maîtrise de l’orthographe. L’acquisition du brevet est nécessaire pour entrer au lycée.

En revanche, dans le programme du candidat Fillon, rien n’est proposé pour les élèves qui n’auront pas le niveau pour accéder au lycée, à part l’apprentissage comme voie de sortie.

 

3. Retour de l’autorité  et réouverture des maisons de redressement

Pour complaire à son électorat le plus réactionnaire, M. Fillon propose toute une série de mesures déjà mises en place sur le terrain :

 « Clarifier dans chaque établissement les règles disciplinaires et prévoir un système de sanctions. » Ce qui est déjà le cas, tous les établissements ont un règlement intérieur où figurent les sanctions.

"Permettre aux chefs d’établissement d’exclure les élèves les plus perturbateurs". C’est encore prévu par les sanctions, mais il semblerait que dans les propositions de M. Fillon le conseil de discipline ne soit plus nécessaire.

Certaines sont franchement d’un autre temps que l’on espérait révolu.

S’il ne les nomme pas ainsi, M. Fillon ne propose rien de moins dans les faits que la réouverture des maisons de redressement. Pour preuve cet extrait de son programme : « les confier (les élèves perturbateurs) à des établissements chargés de corriger leur comportement en même temps que de les remettre sur la voie des apprentissages scolaires ... »

 

4.  École, collège, lycée général et professionnel

Voici quelques-unes des propositions de M. Fillon :

Pour les écoles :

 «Concentrer l’enseignement élémentaire sur le socle de connaissances (lecture, calcul, écriture, grandes dates et grands personnages de l’histoire de la Nation, géographie de la France et des régions) auquel les maîtres devront consacrer les 3/4 du temps d’enseignement"

 "Commencer la scolarité obligatoire à cinq ans (au lieu de six) de sorte que l’apprentissage de la lecture, avec des méthodes efficaces, débute plus tôt, pendant l’année de grande section de l’école maternelle »

"Supprimer l’interdiction des devoirs après la classe"

Pour le collège :

"Rétablir la note de vie scolaire"

Demander aux conseils d’administration (...) de se prononcer sur la tenue des élèves.  Nous retrouvons ici  comme dans le programme de l’extrême droite,  la question de l’uniforme.

« Permettre aux élèves une meilleure continuité avec le primaire en ne prévoyant pas plus de 5 enseignants dans les deux premières années de collège : par exemple, un seul professeur de sciences pourrait enseigner en 6e mathématiques, sciences de la vie et de la terre et technologie, un seul professeur pourrait enseigner le français et l’histoire-géographie ou bien le français et une langue. »

"Abolir la notion de cycles et organiser en quatre ans, pour les disciplines stratégiques, une montée méthodique du niveau des connaissances."

"Allonger le temps scolaire réel jusqu’à la fin juin en organisant les examens du brevet en juillet."

Pour le lycée

"Permettre à chaque élève de première et de terminale de se concentrer davantage sur les matières dominantes de sa série (littéraire, économique, scientifique, technologique)"

"Revaloriser le baccalauréat en réduisant à 4 le nombre d’épreuves  (...) une épreuve de français en première passée début juillet et trois épreuves en terminale portant sur les matières dominantes de la série"

"Allonger le temps scolaire en programmant les examens du baccalauréat en juillet".

 

Pour l’enseignement professionnel

"Confier aux régions toute la responsabilité de l’enseignement professionnel scolaire."

 "Autoriser les régions à définir, pour les diplômes nationaux menant à une insertion directe dans l’emploi des adaptations régionales"

 

C) L’ANALYSE

Pour plaire à son électorat de droite, M. Fillon fait appel aux mêmes vieilles recettes que l’on retrouve dans le programme tout aussi réactionnaire de l’extrême droite française :

Retour aux enseignements des fondamentaux, réaffirmation de l’autorité des enseignants, réintroduction de la méritocratie.

Si ces propositions peuvent paraître légitimes à certains d’entre nous,  elles peinent à masquer le véritable défaut de programme de M. Fillon en matière d’éducation. Nous avons ici un homme politique qui a une approche idéologique et populiste de notre système éducatif, mais qui n’a vraiment aucune solution concrète à proposer sur le terrain pédagogique.

Pour reprendre la métaphore informatique initiale du candidat Fillon, avec un programme pareil on ne va pas échanger notre PC actuel contre le dernier Apple à la mode, mais plutôt contre un vieil Amstrad à cassette poussif, que les plus vieux d’entre nous ont connu. Son efficacité est loin d’être garantie.

Le but de M. Fillon ne semble d’ailleurs pas l’intérêt des élèves. On ne parle pas beaucoup d’eux dans son programme et toujours de manière négative (rappel à l’autorité,  leur inculquer le sens de l’effort, renvoyer les plus turbulents). Il s’agit surtout de faire des économies en transformant brutalement notre système éducatif, pour qu’il devienne identique à celui des pays anglo-saxons avec des établissements privés de qualité et un enseignement public dont les carences budgétaires ne permettent plus de faire face correctement à ces missions.

M. Fillon n’est pas le candidat du changement mais du retour en arrière.