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La question des tenues des filles à l’école, révélatrice d’un sexisme ordinaire
Article publié le mardi 29 septembre 2020.
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Tribune de Catherine Ambeau, professeure de lettres-histoire-gĂ©ographie en lycĂ©e professionnel, militante syndicale du SE-Unsa, publiĂ©e dans Le Monde du 29 septembre 2020.
 
DĂ©but septembre, partout en France et dans un contexte de tempĂ©ratures au-dessus des normales saisonnières, les tenues vestimentaires ont eu tendance Ă  s’allĂ©ger ou se raccourcir dans les Ă©tablissements scolaires. Les rĂ©seaux sociaux ont rĂ©percutĂ© de nombreux tĂ©moignages de jeunes filles dĂ©voilant les remontrances subies du fait de leurs jupes jugĂ©es trop courtes, de crop tops (hauts laissant voir le nombril) ou de dĂ©colletĂ©s. Un appel a Ă©tĂ© lancĂ© aux lycĂ©ennes et collĂ©giennes Ă  faire du 14 septembre une journĂ©e durant laquelle elles ont revendiquĂ© le droit de s’habiller Ă  leur guise, sans ĂŞtre victimes de remarques ou de harcèlement, et dĂ©noncĂ© le sexisme, car ces remarques ne visent pas les garçons.
 
Cette polémique n’est pas nouvelle au sein de l’Éducation nationale et notamment dans les lycées. Elle renvoie à la question de la visibilité - ou de l’invisibilité - du corps des filles et des femmes à l’École et dans la société. Il existe en effet une tradition patriarcale du contrôle de l’apparence qui conduit certaines d’entre elles à se censurer en matière vestimentaire, et pour longtemps. En lycée professionnel, par exemple, beaucoup de sections sont majoritairement masculines. Les réflexions et les regards y sont parfois douloureux pour les filles, aussi bien pour celles qui cherchent à ne pas se faire remarquer que pour celles qui font le contraire afin de s’affirmer.
 
Ă€ Pessac (Gironde) oĂą j’enseigne, le 14 septembre, j’ai fait cours la porte ouverte, en raison de la chaleur, avec un groupe uniquement composĂ© de garçons. Des jeunes filles aux tenues plus courtes que d’habitude mais non provocantes sont passĂ©es devant notre salle pour se rendre Ă  un cours dehors. Le sexisme de la rĂ©action de mes Ă©lèves m’a surprise : ils se sont mis Ă  les siffler. J’ai fermĂ© la porte et engagĂ© une discussion sur leur attitude et ce qui a pu ĂŞtre ressenti par les lycĂ©ennes. Mes Ă©lèves sont restĂ©s sur l’idĂ©e que leur rĂ©action avait Ă©tĂ© normale car celles-ci Ă©taient jolies. J’ai nĂ©anmoins rouvert la porte car il ne s’agissait pas de punir mais de faire rĂ©flĂ©chir ces jeunes et je compte bien revenir dans l’annĂ©e sur ce sujet, avec pĂ©dagogie.
 
Il y a quelques annĂ©es, j’ai pu mener avec des Ă©lèves de terminale un travail sur le thème de l’acceptation des autres. Ă€ la fin, une jeune fille prĂ©cĂ©demment moquĂ©e par ses camarades sur ses tenues et son rapport aux autres s’est affirmĂ©e au point de dynamiser sa classe vers la rĂ©ussite Ă  l’examen. Je regrette que, depuis la dernière rĂ©forme du lycĂ©e professionnel, en 2019, les programmes d’enseignement moral et civique (EMC) et d’histoire-gĂ©ographie ciblent moins qu’auparavant la dĂ©construction des stĂ©rĂ©otypes : ils provoquaient une prise de conscience des Ă©lèves sur des sujets tels que la rĂ©partition des charges domestiques ou les projets de carrière dans un couple.
 
Il reste indispensable que le système Ă©ducatif se saisisse rĂ©ellement de ces thĂ©matiques pour affranchir les jeunes, filles et garçons, des reprĂ©sentations sexistes et construire des relations plus Ă©galitaires dans la sociĂ©tĂ©. Il est Ă©galement regrettable, qu’il n’y ait que si peu de cours d’éducation Ă  la sexualitĂ© et de disciplines qui s’ouvrent Ă  cette question et pourraient dĂ©sactiver bien des stĂ©rĂ©otypes. Mais pour ce faire, la formation initiale des enseignants devrait ĂŞtre plus dĂ©veloppĂ©e sur l’égalitĂ© filles-garçons ; seule une politique volontariste en ce domaine, dont les personnels sont demandeurs, permettra de mieux accompagner les jeunes en vue de leur Ă©mancipation.
 
Les règlements intĂ©rieurs des Ă©tablissements scolaires sont aussi en cause : ils mentionnent gĂ©nĂ©ralement l’obligation du port d’une tenue correcte, dĂ©cente ou adĂ©quate. Ce sont des normes souvent mal dĂ©finies, subies et incomprises par les jeunes. DĂ©cente vis Ă  vis de la morale dominante et patriarcale ? Correcte en fonction d’une norme, alors que la mixitĂ© sociale Ă  l’École est en recul et que les problème Ă©conomiques, aggravĂ©s par la Covid-19, rendent encore plus difficile, pour certains Ă©lèves, d’afficher une apparence vestimentaire leur convenant ? Le terme adĂ©quate, en revanche, semble plus appropriĂ© Ă  ce lieu social qu’est l’École et aux activitĂ©s que l’on y effectue, notamment en Ă©ducation physique et sportive ou en atelier dans les lycĂ©es professionnels.
 
Le ministre de l’Éducation nationale a cru devoir rĂ©pondre Ă  cette polĂ©mique en indiquant qu’il suffisait de s’habiller normalement. InterrogĂ© le 21 septembre sur RTL, il a affirmĂ© que chacun peut comprendre qu’on vient Ă  l’école habillĂ© d’une façon rĂ©publicaine. On se reprĂ©sente bien la tenue des agents de la garde rĂ©publicaine qui assure des missions de sĂ©curitĂ© publique et de reprĂ©sentation protocolaire, mais la tenue rĂ©publicaine de nos Ă©lèves ? Il me semble que les valeurs rĂ©publicaines ne se dĂ©crètent pas mais se transmettent grâce Ă  l’esprit critique.
 
Dans l’espace scolaire persiste un flou qui ne permet pas d’expliciter une quelconque norme d’habillement et laisse donc le champ libre Ă  toutes les interprĂ©tations. Dans les faits, il arrive rarement que des tenues qui, disons, ne conviennent pas soient constatĂ©es ; les jeunes concernĂ©s sont alors convoquĂ©s avec leur famille par les chefs d’établissements pour des Ă©changes qui, gĂ©nĂ©ralement, permettent d’apaiser la situation.
Il faudrait cependant que les élèves puissent débattre avec le corps enseignant, notamment par le biais de leurs instances consultatives, les conseils de la vie collégienne et de la vie lycéenne, afin d’établir des propositions pour affiner les règlements intérieurs. De même, le fonctionnement des comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté, créés dans tous les collèges et lycées par un décret de 2005, devrait cesser d’être aléatoire. L’École doit aider nos jeunes à se débarrasser d’un sexisme ordinaire encore bien trop présent et qu’il convient de combattre collectivement.
 
 
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