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140 ans d’École publique : une histoire d’avenir
Article publié le mardi 22 juin 2021.
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L’École de la RĂ©publique est souvent associĂ©e Ă  trois prioritĂ©s : lire, Ă©crire, compter. Est-ce exact ?
Claude Lelièvre : Ce n’est pas le moindre des paradoxes que cette lĂ©gende qui attribue Ă  Jules Ferry une fixation sur le lire-Ă©crire-compter, alors qu’il n’a cessĂ© de lutter en sens contraire. Discours de Jules Ferry au Congrès pĂ©dagogique des instituteurs de France du 19 avril 1881 : Pourquoi tous ces « accessoires Â» que nous groupons autour de l’enseignement traditionnel du « lire, Ă©crire, compter Â» : les leçons de choses, l’enseignement du dessin, les notions d’histoire naturelle, les musĂ©es scolaires, la gymnastique, les promenades scolaires, le travail manuel, le chant, la musique chorale ? Pourquoi tous ces accessoires ? Parce qu’ils sont Ă  nos yeux la chose principale. Telle est la grande distinction, la grande ligne de sĂ©paration entre l’ancien rĂ©gime, le rĂ©gime traditionnel, et le nouveau.
 
Est-ce Ă  dire que Jules Ferry Ă©tait un pĂ©dago ?
C. L. : Eh bien oui ! Jules Ferry, dans son discours au Congrès pĂ©dagogique des inspecteurs primaires du 2 avril 1880 disait : Nous voulons des Ă©ducateurs ! Est-ce lĂ  ĂŞtre trop ambitieux ? Non. Et je n’en veux pour preuve que la direction actuelle de la pĂ©dagogie, que ces mĂ©thodes nouvelles qui consistent, non plus Ă  dicter comme un arrĂŞt la règle Ă  l’enfant, mais Ă  la lui faire trouver ; qui se proposent avant tout d’exciter la spontanĂ©itĂ© de l’enfant, pour en diriger le dĂ©veloppement normal au lieu de l’emprisonner dans des règles toutes faites auxquelles il n’entend rien, au lieu de l’enfermer dans des formules dont il ne retire que de l’ennui.
 
Cette École avait-elle pour mission d’être dĂ©mocratique ? Plus prĂ©cisĂ©ment, tous les enfants vivant sur le territoire national Ă©taient-ils Ă©galement enseignĂ©s ?
C. L. : Comme le dit Ferdinand Buisson (placĂ© par Jules Ferry Ă  la tĂŞte de l’Enseignement primaire, oĂą il resta 17 ans) lorsqu’il devient radical-socialiste au dĂ©but du XX° siècle : GratuitĂ©, obligation, laĂŻcitĂ©, il fallait commencer par lĂ . Mais aujourd’hui, nous ne pouvons plus feindre de ne pas voir que notre sociĂ©tĂ©, malgrĂ© son apparence dĂ©mocratique, divise, dès leur naissance, les enfants de la nation en deux catĂ©gories qu’elle traite diffĂ©remment. D’une part, cinq millions d’enfants d’ouvriers, de paysans, de travailleurs manuels Ă  qui elle offre l’instruction primaire Ă©lĂ©mentaire gratuite qui se termine Ă  treize ans […]. D’autre part, trois cent mille enfants qui continueront de longues et belles Ă©tudes toujours payantes et acquerront ainsi la certitude d’être l’élite de la sociĂ©tĂ© de demain.[…] Nous avons, pour masquer cette diffĂ©rence, imaginĂ© le système des bourses.
L’École est aussi divisée selon le genre, elle n’est pas mixte. Les filles ne peuvent avoir accès à la préparation au baccalauréat (passeport pour l’université). Et, même si Jules Ferry tient à ce qu’il y ait une certaine scolarisation pour les petits arabes en Algérie (contrairement à la plupart des colons qui n’en veulent pas), la règle générale est la rareté de la scolarisation dans ce qu’on appelait alors les colonies.
 
Le rĂ´le d’ascenseur social est parfois assignĂ© Ă  l’École ; Jules Ferry partageait-il cette prĂ©occupation ?
C. L. : Cette École, divisĂ©e selon les origines sociales ou le sexe (sans compter les cas particuliers des colonies), n’est nullement prĂ©occupĂ©e par un souci d’ascenseur social. Pour Jules Ferry, la question de l’égalitĂ© se rĂ©sume Ă  celle de l’égalitĂ© juridique, mais ne vise nullement celle des conditions ou des parcours. Rien Ă  voir avec une prĂ©occupation d’ascenseur social.
 
L’avis du SE-Unsa

Les lois Ferry ont puissamment contribué à rendre les enseignements accessibles, dans un espace éducatif laïque, pour une jeunesse qui en était souvent éloignée. Cela a rendu possible l’enracinement de la République dans notre pays. Mais nul besoin, au SE-Unsa, de célébrer les 140 ans de l’École publique en poursuivant le mirage d’un paradis perdu. La réaffirmation d’un régime politique de libertés demande que notre École réponde sans atermoiements aux enjeux scolaires d’aujourd’hui, notamment en s’engageant pour la mixité sociale et dans la lutte contre les inégalités afin de ne plus laisser de place aux injustices qui façonnent les destins individuels et notre destin collectif. Oui, l’échec scolaire persistant des élèves issus des milieux les plus modestes, maintes fois révélé par les enquêtes nationales et internationales, est un danger majeur dans un contexte politique plus préoccupant que jamais sous la Ve République. Le SE-Unsa s’engage dans la voie du sursaut démocratique qui passera par une nouvelle étape de la démocratisation scolaire.

Claude Lelièvre est professeur honoraire d’histoire de l’éducation, spécialiste de l’histoire des politiques scolaires. Son dernier livre, L’école d’aujourd’hui à la lumière de l’histoire soumet la mythologie scolaire à l’épreuve des faits et traite pêle-mêle des sujets parfois polémiques et souvent mal compris, tels que la laïcité, l’égalité des chances, les fondamentaux…

 

 
 
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