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Rapport Villani, souvent intéressant, parfois flou et incomplet...
Article publié le mardi 6 mars 2018.
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Le rapport de la mission mathématiques remis le 12 février à Jean-Michel Blanquer par le mathématicien Cédric Villani est relativement équilibré. Loin de la caricature, il prend en compte la dimension du sens, il parle du plaisir de faire des mathématiques, de la nécessité de faire de l’erreur un outil pour apprendre, de l’importance des jeux et défis mathématiques.
 
Du déjà là

Certaines préconisations sont déjà présentes dans les programmes et à l’oeuvre dans les classes comme par exemple :
 
  • Cultiver le sens des quatre opĂ©rations dès le CP. L’enseignement effectif des grandeurs et mesures Ă  l’école primaire vient soutenir le sens des nombres et des opĂ©rations.(proposition 11)
     
  • DĂ©velopper les automatismes de calcul Ă  tous les âges par des pratiques rituelles (rĂ©pĂ©tition, calculs mental et intelligent, etc.), pour favoriser la mĂ©morisation et libère l’esprit des Ă©lèves en vue de la rĂ©solution de problèmes motivants.(proposition 12)
     
De la formation

“Les professeurs doivent bénéficier d’une formation initiale solide et d’une formation continue régulière et de qualité. Toutes les personnes auditionnées, sans exception, ont souligné ces deux aspects.“ (page 13)
L’accent important mis dans le rapport sur la nécessité d’une formation initiale et continue accrue, notamment pour les PE, est pour nous une chose absolument nécessaire, car les manques sont criants dans ce domaine (propositions 1 et 15).

 
De bonnes idées

Il contient par ailleurs des idées intéressantes mais dont la mise en oeuvre est loin d’être assurée en termes de financement.
 
  • Un troisième conseiller pĂ©dagogique « rĂ©fĂ©rent mathĂ©matiques » est prĂ©conisĂ© dans chaque circonscription (proposition 15) par exemple, mais on ne sait ni comment seront financĂ©s ces nouveaux postes (Ă  moins qu’ils n’en remplacent d’autres) ni quelles seront leurs missions.
     
  • Les laboratoires de mathĂ©matiques (proposition 16) aussi font envie mais avec quels financements, quels personnels pour les animer ? Et au-delĂ , comment seront-ils dĂ©multipliĂ©s en cas d’expĂ©rimentation prometteuse ?…
     
  • La prĂ©conisation de proposer Ă  toutes les Ă©coles un Ă©quipement de base, accompagnĂ© de tutoriels, favorisant les manipulations d’objets rĂ©els ou virtuels (proposition 4) mais lĂ  aussi se pose la question du financeur…
     
Des évidences pas si évidentes que ça
 
  • La nĂ©cessitĂ© de la manipulation assortie de la proposition 4 pour Ă©quiper les classes semble ĂŞtre une Ă©vidence. Or il y a encore de trop nombreuses classes, y compris en Ă©lĂ©mentaire, oĂą les Ă©lèves manipulent peu. En effet, le recours au matĂ©riel, et mĂŞme compter sur ses doigts, est encore souvent socialement vĂ©cu comme “honteux” car les “vraies mathĂ©matiques” sont forcĂ©ment abstraites.
     
  • MĂŞme chose concernant un autre regard sur l’erreur (page 15) qui parait universellement admis et pourtant… notre système scolaire continue de sanctionner l’erreur (en enlevant des points). Ce n’est pas pour rien que les Ă©lèves français sont les champions de la non-rĂ©ponse dans les Ă©valuations, leur vĂ©cu scolaire leur ayant appris qu’il vaut mieux ne rien rĂ©pondre que de prendre le risque d’écrire quelque chose de faux.
     
Des propositions qui posent question
 
  • La proposition 13 de “dĂ©finir des paliers sur les bases des nombres et du calcul. S’assurer de la maĂ®trise obligatoire de ces fondamentaux par tous, en mesurant trois fois par an, les acquis des Ă©lèves sur un nombre limitĂ© d’items simples et standardisĂ©s” (proposition dĂ©taillĂ©e pages 28 et 29). Si ces tests standardisĂ©s passĂ©s sur une plateforme numĂ©rique prennent une importance disproportionnĂ©e avec remontĂ©e des rĂ©sultats, et Ă©ventuellement des comparaisons entre classes et entre Ă©tablissements, on risque fort de voir se dĂ©velopper l’effet pervers classique dans ce genre de contexte : le “teaching to the test”. Cela consiste Ă  passer un maximum de temps Ă  entrainer les Ă©lèves sur ce qui sera testĂ© au dĂ©triment du reste.  
     
  • Autre interrogation concernant la proposition 20 qui prĂ©conise un positionnement sur une Ă©chelle, par un comitĂ© scientifique, des manuels de mathĂ©matiques. Va-t-on vers une validation des “bons manuels” par le ministère alors mĂŞme que l’on sait bien que ce n’est ni le manuel, ni mĂŞme la mĂ©thode, qui sont dĂ©terminants dans l’efficacitĂ© d’un enseignement mais l’adĂ©quation mĂ©thode/manuel avec l’enseignant, ses Ă©lèves et le contexte de la classe. Cette proposition n’empĂŞche pas le rapport de rĂ©affirmer l’importance de la libertĂ© pĂ©dagogique mais on sait bien que cet “estampillage” rĂ©duira de fait la libertĂ© de choix des enseignants.
     
Des signaux envoyés aux “anti-pédagogistes”

On peut regretter dans ce rapport une focalisation trop importante sur la nécessité de renforcer les automatismes de calcul sans insister sur l’importance du raisonnement logique et la nécessité de faire de la résolution de problèmes complexes, qui ne soient pas seulement des “problèmes exercices”. Pire les tâches complexes sont jugées trop difficile à mener et comme mettant les élèves dans le “faire” au lieu de leur apprendre quelque chose (pages 23-24). Au contraire, une tâche complexe bien menée permet aux élèves d’accéder à des compétences indispensables en mathématiques comme dans les autres disciplines. Ce manque d’exigence nous déçoit. Certes, mener des séances de problèmes complexes n’est pas simple, mais y former les enseignants aurait été un défi intéressant à relever.
 
L’idée qu’il faudrait d’abord maîtriser les mécanismes, les algorithmes et le calcul mental avant d’accéder à la résolution de “problèmes motivants” est très présente tout au long du rapport. Or, il n’est pas exclu, et même préférable, d’allier les deux dans une dynamique où le plaisir de la recherche rend nécessaire la maîtrise de mécanismes qui à leur tour vont permettre une recherche plus rapide et efficace. L’un ne précède pas l’autre, ils devraient se nourrir mutuellement ce qui éviterait peut-être de devoir avoir recours ensuite aux modules annuels de « réconciliation» avec les mathématiques pour les lycéens (proposition 9).
 
On pourra trouver amusant qu’une simple mention du Slecc dans une note au bas de la page 21 fasse dire Ă  de nombreux journalistes que cette mĂ©thode serait “recommandĂ©e par CĂ©dric Villani”. Il n’en est rien elle est juste citĂ©e pour faire un clin d’oeil Ă  peu de frais aux conservateurs (le Slecc est en quelque sorte la mĂ©thode Boscher des maths). Pour rappel, on attend toujours les rĂ©sultats de l’expĂ©rimentation annoncĂ©e sous Darcos en 2005 dont on n’a aucune nouvelle !  
 
 
Des difficultés sans solution

Des difficultés relevées dans le rapport sont intéressantes mais sans propositions concrètes pour y remédier :
 
  • On a par exemple page 12 :”les professeurs français consacrent beaucoup plus de temps que leurs collègues d’autres pays Ă  la correction de copies et Ă  la prĂ©paration de cours…” mais la pratique du “devoir maison” rendue souvent obligatoire par les IPR dans le second degrĂ©, n’est pas interrogĂ©e.
     
  • Autre exemple, page 15 il est indiquĂ© : “De nombreux intervenants ont pointĂ© une difficultĂ© particulière dans l’apprentissage des nombres, due Ă  l’irrĂ©gularitĂ© de la langue pratiquĂ©e en France pour les nombres de 70 Ă  99; ce n’est pas le cas en Suisse ou en Belgique. [...] Mais modifier notre langue est un problème autrement difficile, raison pour laquelle nous devrons prĂ©parer nos Ă©lèves Ă  dĂ©passer cette difficultĂ© en accordant plus de temps Ă  la construction de la numĂ©ration dĂ©cimale.” Des outils comme un vocabulaire provisoire aurait pu ĂŞtre proposĂ©s par exemple.
     
Des oublis

Enfin, des problématiques sont totalement évacuées comme les usages de la calculatrice qui sont loin de faire consensus. il n’y a que 2 mentions rapides seulement sur plus de 90 pages ! Grande absente aussi la maternelle dont il est très peu question et qui pourtant pose de façon très spécifique les bases de la formation mathématique de nos élèves.
 

En conclusion, nous avons là un rapport intéressant mais flou et incomplet. Nous attendons les mesures qui seront retenues par le ministre et mises en oeuvre concrètement ainsi que le suivi à moyen et long terme de leur impact.

 

 
 
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