Lors
de la réunion du Comité national de suivi de l’École inclusive (CNSEI),
le ministre Pap Ndiaye a annoncé la publication d’un rapport des
inspections générales ESR (Éducation, Sport, Recherche) et IGF
(Finances) rédigé en avril 2022 intitulé « Scolarisation des élèves en
situation de handicap ».
Ce
rapport analyse l’évolution de la demande d’accompagnement humain pour
la scolarisation des élèves en situation de handicap en milieu
ordinaire dans l’enseignement public et privé sous contrat afin de
pouvoir évaluer les besoins à venir.
Un constat honnête
À l’École, la mise en œuvre de la loi du 11 février 2005 s’est traduite par :
- La progression constante du nombre
d’élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire. Entre
2004 et 2020, leurs effectifs sont passés de 134 000 à 384 000, soit
une hausse de 187 %.
- Le renforcement des mesures de
compensation au bénéfice des élèves en situation de handicap parmi
lesquelles figure l’accompagnement humain assuré par près de 120 000
AESH.
Depuis 2017, le nombre d’AESH est passé d’environ 53 000 emplois à plus
de 80 000 en 2022. La croissance des effectifs AESH est liée à celle du
nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés pour lesquels une
aide humaine a été prescrite.
Mais cette explication ne permet pas d’appréhender le phénomène dans son ensemble. Le rapport fait les constats suivants :
- Le recours à l’aide humaine est devenu le principal moyen de compensation du handicap.
- La hausse continue du nombre d’AESH n’a rien de surprenant, il s’agit d’une tendance qui devrait être amenée à se poursuivre.
- Il y a plus d’AESH dans les zones où les revenus des ménages sont faibles.
- Une utilisation des autres ressources disponibles, en particulier le matériel pédagogique adapté, est limitée.
- Les enseignants ont besoin de formation en matière d’accessibilité pédagogique et didactique.
- L’articulation entre le médico-social et l’Éducation nationale est
insuffisante. Ceci conduit à scolariser en milieu ordinaire des enfants
dont la nature de l’altération devrait pourtant conduire à les orienter
vers des établissements et services spécialisés.
- Moins il y a de place en ESMS sur une zone donnée, plus le volume horaire d’accompagnement AESH est important.
- La demande en aide humaine est déterminée par d’autres facteurs
environnementaux, notamment sociaux. Dans certains cas, l’accompagnement
humain pourrait être perçu comme un moyen de compenser une forme de
précarité sociale qui s’étend au-delà de la seule reconnaissance du
handicap.
Sortir du « tout aide humaine »
Le
rapport préconise de sortir du « tout aide humaine », dont de
nombreux acteurs associatifs ou universitaires pointent les limites
quant au développement des élèves en situation de handicap. Il
recommande d’engager une concertation sur les différentes formes
d’accompagnement des situations de handicap à l’école, afin de retrouver
un équilibre entre compensation et accessibilité.
Le rapport suggère que le droit à l’instruction reconnu aux élèves en situation de handicap :
- ne doit pas être limité au seul accompagnement humain ;
- doit faire l’objet d’une réflexion d’ensemble sur l’École inclusive.
Enfin, les auteurs formulent
12 propositions dont certaines ont pour objectif de donner davantage de
pouvoirs à l’Éducation nationale, dont notamment :
- mettre en place une meilleure articulation entre les services des MDPH et ceux de l’Éducation nationale ;
- réfléchir aux conditions de gestion, d’emplois et de rémunération des AESH ;
- développer les modules de formation communs entre AESH et enseignants.
L’avis du SE-Unsa
>
Pour le SE-Unsa, Le projet d’une École inclusive ouverte à tous,
quelles que soient les différences dues à l’origine sociale et
culturelle ou aux caractéristiques individuelles, implique de repenser les contenus d’enseignement, de réviser les modalités pédagogiques
afin de permettre les apprentissages de tous et de réfléchir aux
condition d’accueil de tous les élèves dans les classes ordinaire quand
cela est possible.
>
Pour nous, l’inclusion en milieu ordinaire, notamment des enfants en
situation de handicap, doit se faire dès lors qu’il s’agit de la
meilleure manière d’accompagner ces élèves. Convaincus que les
structures médico-sociales sont parfois plus adaptées à certains
élèves, nous dénonçons la volonté du 100 % inclusion en milieu ordinaire prôné par certaines associations de parents d’enfants en situation de handicap. Nous revendiquons donc l’ouverture de places supplémentaires dans les structures médico-sociales (IME, Itep…).
> Ne pas multiplier les dispositifs et prévenir la grande difficulté scolaire
Pour
la SE-Unsa, la reconnaissance des besoins de chacun ne doit ni se
traduire par la multiplication de dispositifs particuliers pour publics
ciblés dans une logique différentialiste et discriminante, ni prendre la
forme d’une réponse uniforme.
La
prévention de la grande difficulté doit être une des principales
démarches à mettre en œuvre au profit des élèves. Des réponses doivent
être imaginées pour que chaque élève puisse bénéficier d’une attention
particulière, au sein de sa classe, en complémentarité et soutien de
l’action de l’enseignant, si des besoins émergent sans qu’ils relèvent
nécessairement du champ du handicap. Les Rased doivent donc avoir une
place centrale dans ce dispositif.
Pour
faire progresser l’École inclusive et assurer le droit à l’éducation
pour tous, il est nécessaire de disposer de temps de concertation
suffisants entre les professionnels concernés et avec les familles, en
veillant à ce que les informations qui peuvent avoir un retentissement
sur la scolarité des enfants soient effectivement partagées.
Les
personnels doivent aussi être formés pour maîtriser ces enjeux et être
en capacité d’accompagner les enfants, les jeunes et leur famille dans
un cadre bienveillant et protecteur. Il est primordial de ne pas réduire
le concept d’École inclusive aux seuls élèves à besoins éducatifs
particuliers ou en situation de handicap.