Le
SE-Unsa a identifié trois défis pour améliorer le Service public
d’éducation : l’attractivité des métiers, la mixité sociale et scolaire
et la réussite de l’École inclusive. Or, celle-ci est trop souvent
synonyme de difficultés pour les élèves et les personnels.
Éric
Delemar, ancien éducateur spécialisé est aujourd’hui Défenseur des
droits adjoint en charge de la défense et de la promotion du droit des
enfants, a répondu à nos questions concernant l’accueil des élèves en
situation de handicap ainsi que le climat scolaire.
Le
droit à l’instruction fait partie des droits fondamentaux, quel est le
regard du Défenseur des droits sur les failles qui existent dans sa mise
en oeuvre ?
E.
D. : L’éducation devrait être au centre de toutes les stratégies de
construction du développement des enfants, de leur avenir, de celui de
de la société, de l’humanité, de notre humanité. La Déclaration
universelle des droits de l’homme, notre Constitution française ainsi
que l’article 28 de la Convention internationale des droits de l’enfant
nous rappellent que le droit à l’éducation est un droit fondamental.
Le droit à l’éducation est garanti afin de permettre à l’enfant de développer sa personnalité, d’élever son niveau de formation initiale et continue, de s’insérer dans la vie sociale et professionnelle, d’exercer sa citoyenneté.
Le droit à l’éducation est garanti afin de permettre à l’enfant de développer sa personnalité, d’élever son niveau de formation initiale et continue, de s’insérer dans la vie sociale et professionnelle, d’exercer sa citoyenneté.
Pour
autant, le Défenseur des droits est régulièrement saisi de difficultés
d’accès à l’éducation : atteintes au droit à l’éducation des enfants en
situation de handicap, refus de scolarité pour des enfants en situation
de grande pauvreté, manquements à la protection et aux règles de droit
concernant les enfants victimes ou auteurs de violences scolaires,
principalement le harcèlement entre enfants, mais aussi dans le cadre de
violences éducatives commises sur les enfants par des adultes, sans
réponse de l’administration.
Les
conséquences de toutes ces atteintes aux droits conduisent à des
situations d’échecs et de phobies scolaires, de mal-être des enfants, de
difficultés d’intégration sociale, de reproduction de situations de
grande pauvreté, jusqu’à des situations dramatiques de passages à l’acte
des enfants.
Nous
réaffirmons nos inquiétudes quant à l’effectivité du droit fondamental à
l’éducation de tous les enfants. Bien que le décret n° 2020-811 du 29
juin 2020 ait renforcé l’encadrement juridique des procédures
d’inscription des enfants à l’école, des refus de scolarisation sur des
motifs illégaux et discriminatoires persistent, notamment du fait de
l’absence ou de la précarité de logement. En outre, les effets du décret
sont parfois contournés par les collectivités locales qui refusent par
exemple l’inscription des enfants à la cantine, rendant de fait
difficilement tenable la scolarité.
La loi de 2019 pour une École de la confiance,
renforcée par la loi du 24 août 2021 confortant le respect des
principes de la République, est venue rappeler que l’éducation est la
première priorité nationale.
Ces
lois pointent à la fois la gravité du harcèlement et renforcent la
nécessité de mise en place d’actions de sensibilisation et de vigilance
de la communauté éducative, ainsi que l’obligation de formation jusqu’à
18 ans, et s’engagent à de meilleures conditions d’accompagnement des
enfants en situation de handicap.
Qu’en est-il de la lutte contre le harcèlement scolaire selon le Défenseur des droits ?
E.
D. : Le Défenseur des droits reconnaît et salue la volonté des pouvoirs
publics de s’emparer de la problématique du harcèlement scolaire.
Toutefois,
la formation des professionnels dans le repérage des faits de
harcèlement reste insuffisante, faisant obstacle à la mise en œuvre des
nombreux outils dont ils disposent. Le ministère de l’Éducation
nationale et de la Jeunesse a généralisé le programme de lutte contre le
harcèlement à l’école (pHARe) sur l’ensemble du territoire à partir de
septembre 2021. Celui-ci prévoit la dotation pour chaque établissement
d’une équipe pluri-catégorielle spécifiquement formée à la prise en
charge du harcèlement et la multiplication des démarches de prévention
associant les élèves et leurs parents. Malheureusement, sur certains
territoires, le manque de moyens, l’absence de formation tant des
professionnels que des élèves ambassadeurs semblent retarder sa mise en
œuvre.
La
Défenseure des droits a récemment tiré la sonnette d’alarme concernant
la scolarisation des enfants en situation de handicaps. Pourquoi ?
E. D. : Sur le volet de la scolarisation des enfants en situation de handicap, si la loi du 26 juillet 2019 pour une École de la confiance
renforce l’École inclusive, les saisines adressées au Défenseur des
droits mettent en lumière la persistance de graves entraves dans l’égal
accès à l’éducation de ces enfants.
Le
Défenseur des droits souligne plus globalement le décalage entre la
faible augmentation des moyens humains et financiers en faveur de
l’accompagnement des élèves en situation de handicap et le nombre
grandissant d’enfants dont les besoins sont très largement, non ou mal
couverts. Nous constatons que faute d’un environnement scolaire
inclusif, l’École demande encore trop souvent aux enfants en situation
de handicap de s’adapter, au risque de les stigmatiser et, in fine,
de les exclure. Le nombre de notifications d’accompagnants d’élèves en
situation de handicap (AESH) par les Maison départementales des
personnes handicapées n’a cessé de croître ces dernières années pour
répondre à des demandes en constante augmentation et apparaît ainsi
comme la réponse première apportée en faveur de l’inclusion des élèves
en situation de handicap.
Je
regrette que cette inclusion en milieu scolaire ordinaire s’opère sans
une présence suffisante à leurs côtés de professionnels qualifiés. Il
faut nous concentrer sur une approche par les besoins fondamentaux et
l’accès au droit en adaptant les réponses en fonction du handicap de
chaque enfant.
Si le
virage inclusif passe par une meilleure formation des enseignants et
professionnels de l’Éducation nationale, il s’effectue encore trop
souvent dans de mauvaises conditions. Il ne fallait pas limiter le
nombre de places en IME out Itep sans parallèlement garantir les moyens
nécessaires à l’inclusion. À eux seuls, les AESH ne peuvent offrir le
soutien d’une équipe formée, éducateur spécialisé, éducateur technique…
Il est indispensable d’accélérer le déploiement des équipes
d’enseignement externalisées des établissements ou services
médico-sociaux (ESMS) au sein des établissements scolaires.
Une
étude du Cnal, dont le SE-Unsa est membre, a récemment montré qu’un
grand nombre d’enfants scolarisés dans des établissements privés hors
contrat, ne bénéficiaient pas de l’enseignement de pans entiers du socle
commun. Comment mieux garantir à ces enfants leur droit à une éducation
de qualité ?
S’il
n’appartient pas au Défenseur des droits d’apprécier le contenu
pédagogique des établissements hors contrat, nous recommandons
régulièrement aux services académiques de contrôler les insuffisances de
l’enseignement dans certains établissements privés hors contrat, afin
de s’assurer que les enfants qui y sont inscrits bénéficient d’un accès à
l’instruction conforme audites dispositions, et qu’ils sont respectueux
des droits fondamentaux des enfants.
Le
SE-Unsa salue et soutient l’action du Défenseur des droits qui veille
aux conditions d’accès au droit à l’éducation des enfants et des
adolescents, par-delà leur origine, leur handicap ou le rang social
duquel ils sont issus.